Suicide Squad, sauvé par la hype

Publié le 21 août 2016 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Suicide Squad reprend les codes qui ont directement propulsé Les gardiens de la galaxie dans la catégorie des films cultes : une bonne dose d’antihéros alliés à une bande son imparable. Ici, quelques morceaux de rock mythiques ont été repris à la sauce hip-hop. Une coolitude surexploitée par David Ayer, sauvant des eaux une scénarisation hasardeuse, fait de Suicide Squad, un moment plaisant pour dodeliner de la tête mais un piètre film héroïque, tout le contraire de son magnifique Fury.

Après la disparition de Superman, Amanda Waller (Viola Davis que l’on a vu dans La stratégie Ender), protégée par Katana (Karen Fukuhara), prend la tête de la Task Force X, une équipe composée de super-méchants contraint d’aider le gouvernement américain. Parmi eux se trouvent Harley Quinn (Margot Robbie que l’on a vu dans Diversion et The Big Short – Le casse du siècle), Deadshot (Will Smith, également vu dans Diversion), El Diablo (Jay Hernandez), Killer Croc (Adewale Akinnuoye-Agbaje que l’on a vu dans Game of Thrones), Captain Boomerang (Jai Courtney que l’on a vu dans Divergente 2 : L’insurrection et Terminator Genisys), Slipknot (Adam Beach) et le docteur June Moon (Cara Delevingne que l’on a vu dans Pan), chaperonnés par Rick Flag (Joel Kinnaman que l’on a vu dans Night Run). Possédée par l’Enchanteresse, June Moon va semer le chaos.

Deadshot (Will Smith) et Harley Quinn (Margot Robbie)

Si l’on peut évoquer un sentiment d’insatisfaction suite à Suicide Squad, c’est certainement celui de voir si peu les personnages développés. Alors même qu’il y avait là un sujet fort enthousiasmant et très peu développé en salle. A l’exception d’Harley Quinn et de Deadshot, dans une moindre mesure d’El Diablo, la caractérisation des vilains, complètement bâclée, passe totalement à la trappe. Tout juste sont-ils des faire-valoir. C’est le principal reproche que l’on pourrait faire à un réalisateur qui privilégie tant la forme, hommage à la culture pop, qu’il en oublie le fond. De la même manière, une équipe composée de super-vilains, souvent psychotiques, devrait être le lieu de tensions multiples, toujours sur la brèche, c’est d’ailleurs le parti-pris du comics. A la place se déroule sous nos yeux une franche camaraderie qui vire quasiment à la guimauve. Attendu comme l’antéchrist, Suicide Squad nous laissait rêver d’un brûlot libertaire où se déchaînerait, dans un élan cathartique, tout ce que l’on aime chez les antihéros. Mais nous sommes très loin de notre Snake Plissken adoré. Le sommet de la subversion pour notre équipe de méchant semble d’être de casser des vitrines et de voler des sacs à main. Faire surgir un brin d’humanité chez des personnages très sombre est toujours bienvenue pour ne pas sombrer dans le manichéisme béat, certes, mais en abusé transforme des âmes torturées en bisounours. Pour peu que cela ne serve même pas un propos sur la rédemption, c’est très vite décevant et barbant.

Joker (Jared Leto)

Reste que, si Suicide Squad, n’est pas l’apothéose punk que l’on nous a vendu, qu’il n’a de rock, finalement que la musique, et du hip-hop, uniquement le côté m’as-tu-vu, on ne peux pas affirmer que l’on s’ennuie pour autant et le long-métrage reste un divertissement convenable. C’est, nous l’avons déjà annoncé plus haut, grâce à la mise en musique, que David Ayer tire son épingle du jeu. Les affrontements et les enjeux, qui commencent à lasser, quand on a vu un film DC ou Marvel, on finit par se dire qu’on les a tous vus, sont rehaussés par la fibre mélomane teintée de nostalgie qui nous secoue toujours à l’audition de Dirty Deeds Done Dirt Cheap d’AC/DC ou de Paranoid de Black Sabbath. Parce qu’à défaut du film, ces titres là ont une énergie propre qui dispensent presque à eux seuls une odeur de sulfure qui manque cruellement si on les enlève. Au cœur de Suicide Squad, la musique donne le rythme à un scénario convenu et habituel. D’un point de vue esthétique, le film laisse la désagréable impression de ne pas avoir assumé pleinement sa direction artistique. Par endroit, des touches psychédéliques pointent le bout de leur nez sans que la démarche ne se concrétise dans la durée. C’est pourtant exactement le traitement qui aurait pu donner de l’envergure à la folie des protagonistes. Autour du Joker (Jared Leto) aurait pu se développer cette recherche graphique très inspirée des comics.

L’enchanteresse (Cara Delevingne)

En demi-teinte sur tous les plans, Suicide Squad fonctionnera comme un effet placebo sur les amateurs de rock et de hip-hop, sur les geeks à la culture pop. Mais l’effet euphorisant s’estompera aussi rapidement que les principes actifs sont inexistants. Ayer, après son Fury sombre et angoissant, qui prenait notre humanité aux tripes, ne renouvelle pas l’exploit, sombrant dans la facilité.

Boeringer Rémy

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