La sortie de Star Wars le réveil de la force a vu naître dans la critique française la théorie du " film Doudou " qui dénonce un cinéma bâti sur une nostalgie jugée régressive et qui n'aurait d'autres qualités que cet appel à la nostalgie. La sortie cet été de la série Stranger Things sur Netflix (que je n'ai pas vue) a vu ressortir les mêmes arguments. Cette théorie ou la qualification d'œuvre Doudou employée systématiquement de manière péjorative (en gros ceux qui les font sont des escrocs jouant sur l'immaturité et la bêtise de ceux qui les aiment) m'apparaît être une tentative d'appropriation d'un bien commun cinéphile qu'est l'amour de ces grandes sagas.
Certes il est indéniable que ces œuvres ont une composante nostalgique très forte (on pourra arguer dans le cas du Réveil de la Force film destiné à relancer la saga Star Wars qu'il s'agissait d'une nécessité pour ses créateurs de rappeler tout ce qui en faisait l'essence avant de l'ouvrir vers de nouveaux horizons), que le modèle économique actuel dépendant des franchises a accentué cette nostalgie et que le cinéma de genre a besoin d'innovation mais il ne faut pas oublier qu'elle a toujours été partie intégrante de ce cinéma y compris de celui des années 80, que vénèrent aujourd'hui ces apôtres du " cinéma Doudou ". D' American graffiti aux Aventuriers de l'Arche perdue en passant par Star Wars, l'œuvre de George Lucas n'est il pas un vaste doudou ou ce dernier réveille les souvenirs des années 50, des serials d'aventures et de S.F qui berçaient son enfance ?
Ces mêmes critiques diraient ils au sujet de Steven Spielberg, George Miller ou Joe Dante pourtant parmi leurs cinéastes de chevet, que je qualifierai si je voulais moi aussi inventer ma théorie, de " cinéastes totem ", qu'ils se sont complu dans le cinéma doudou " quand ils ont réalisés en 1983 le film Twilight Zone ou ils interprètent des épisodes de la série qui les a marqué enfant ?
Les théoriciens du cinéma doudou écrivent pourtant de manière compulsive sur ces œuvres (sans doute alors peut-on parler de critique doudou) développant des théories érudites parfois fumeuses, se posent en gardien du temple seuls détenteurs de la vraie foin et sont symptomatiques d'une forme de critique moderne qui exclut plutôt que de donner envie. Il est aussi important de refuser la généralisation, chaque œuvre a sa spécificité et doit être jugé même quand elle appartient à un univers ou un genre balisé, sur ses propres mérites.
Ce sentiment s'explique en partie car le cinéma né de l'explosion de Star Wars a créé un dialogue permanent avec ses fans et développé un univers mental autour des films qui n'existait pas dans le cinéma classique. Ainsi se développe un sentiment de " propriété " du fan pour l'œuvre. J'ai découvert le Star Wars original au cinéma au moment de sa sortie ainsi que tout ce cinéma des années 80 et 90, aussi je peux être parfois agacé d'entendre des gamins m'expliquer le cinéma Amblin qu'ils ont découvert en DVD. Mais c'est une réaction qui me semble assez infantile et qu'il faut dépasser, car ces sagas qui vivent bientôt depuis un demi-siècle, font partie d'un patrimoine commun.