La perturbation initiale, c’est-à-dire l’incident déclencheur, est un des éléments dramatiques majeurs de toute histoire.
La structure de votre histoire doit absolument contenir une perturbation initiale pour le héros.
Au début de l’histoire, il nous est présenté un personnage qui vit une certaine vie. C’est le point de départ. Il est montré dans son monde ordinaire.
Un changement nécessaire
Quelque chose va forcer le personnage à changer. Parce que s’il ne change pas au cours de son aventure, celle-ci sera bien ennuyeuse.
Seuls un défi ou une menace offre quelque intérêt au lecteur.
Donc, relativement tôt dans le premier acte, quelque chose doit bouleverser le statut quo.
Cependant, cette perturbation n’a pas à être une grande menace. Il suffit d’un rien pour que la vie ordinaire et placide du personnage soit appelée à changer.
Une lettre comme dans Harry Potter suffit largement pour venir perturber à jamais la destinée d’un futur héros. Ce n’est pas grand-chose une lettre mais cela est pourtant un événement suffisant et efficace pour déclencher une suite d’événements ou de nœuds dramatiques pour constituer une histoire.
Initier l’intérêt du lecteur
D’un point de vue structurel, cet perturbation crée soudain l’intérêt du lecteur. C’est comme une promesse d’une histoire à venir.
Mais il ne s’agit pas de l’intrigue.
Pour que l’intrigue existe, il faut une confrontation. Or cet incident déclencheur ne met pas encore en conflit le protagoniste et l’antagoniste.
Il est la promesse d’une histoire pas celle d’une bataille inévitable.
Dans Le Parrain, Michael nous est introduit résolument déterminé à ne pas suivre la voie de son père.
Après l’attentat contre le Don, Michael Corleone a encore la possibilité de suivre sa résolution initiale.
Cette possibilité lui est offerte parce que la confrontation ne s’est pas encore produite. Il n’a pas encore pris la décision de basculer bien que cette tentative de meurtre contre son père ait bouleversé sa vie.
Le refus de l’aventure
Vous constaterez que souvent le héros ne réponds pas immédiatement à l’appel de l’aventure. Il y a presque systématiquement un Refusal of the Call.
Luke dans Star Wars refuse dans un premier temps de répondre à l’appel désespéré de la Princesse Leia.
Ce n’est qu’après l’horrible assassinat de sa tante et de son oncle qu’il prend la décision de rejoindre la rébellion.
Après ce refus puis la décision de prendre son problème à bras le corps, son aventure peut commencer.
Nous retrouvons un motif identique dans Le Verdict. Ce n’est que lorsqu’il est face à cette jeune femme dans le coma que Frank réalise soudain qu’il doit reprendre le contrôle de sa vie.
Le point d’entrée dans l’intrigue s’analyse donc en un refus puis une décision.
Quant à l’incident déclencheur, il met en place les conditions de l’intrigue. Notez qu’il peut s’être produit avant le début de l’histoire proprement dit. Comme dans Juno.
En effet, la grossesse de Juno a eu lieu avant. Il nous est simplement donné l’information que Juno est enceinte au même moment qu’elle l’apprend elle-même.
Information et événement sont deux éléments dramatiques différents.
Deux nœuds dramatiques majeurs
Deux transitions sont primordiales dans l’articulation d’une structure.
- Celle qui articule l’introduction de l’histoire avec l’intrigue.
- Celle qui articule l’intrigue avec le dénouement, la résolution de l’histoire.
Le passage dans l’acte Deux
Nos personnages de fiction sont à l’égal de nous-mêmes. A moins que quelque chose nous pousse à sortir de notre vie ordinaire, nous avons tendance à ce que les choses ne changent pas pour nous.
La résistance au changement est somme toute quelque chose de bien humain.
L’auteur devra trouver un moyen inévitable de propulser son personnage principal hors de son monde ordinaire.
Et de l’emmener vers la confrontation.
L’acte Deux est l’espace où se déploie la confrontation. C’est le milieu de votre histoire.
Un commencement, un milieu et une fin. Voilà la structure. Et son mouvement interne ne se meut que vers l’avant.
Même si vous ne respectez pas l’ordre chronologique, le mouvement interne sera toujours présent. Le commencement mène au milieu. Le milieu mène au dénouement.
A partir de la conclusion, vous pouvez toujours analyser le début et le milieu. Mais vous ne pouvez pas à partir du début faire la synthèse d’une histoire tant que les événements ne s’y sont pas encore produits.
Un engagement
Cette décision que prend le personnage principal de prendre en charge son problème est un point de non retour.
Il s’expose à travers une scène où le héros sera jeté dans le conflit principal d’une façon qu’il ne peut revenir sur sa décision.
C’est par exemple la découverte d’un secret par le héros que ses opposants doivent absolument ne pas voir dévoiler. Pour le héros, il est dorénavant trop tard pour faire marche arrière.
Il devra combattre ses opposants car maintenant qu’il est aussi le détenteur de ce secret, un retour à la normale lui est impossible.
Un engagement moral est aussi un élément dramatique puissant pour détourner le personnage principal de son quotidien.
Pour comprendre la validité de cet engagement, il suffit de se poser la question de savoir si à ce moment de l’histoire, le personnage principal peut encore sortir de l’intrigue et retrouver sa vie d’avant.
Tant que la réponse est oui, il n’a pas encore franchi le seuil.
Ce n’est que lorsque Michael Corleone abat Sollozzo et McCluskey qu’il est dans le conflit. il ne peut plus revenir sur les choix qu’il a fait.
C’est bien en cela que consiste un engagement. On ne revient pas sur ses décisions.
Un monde nouveau
Lorsque le personnage principal franchit le seuil, il se retrouve dans un monde extérieur, inconnu.
C’est la sombre forêt des mythes, légendes et contes. C’est un lieu où il va devoir aller à la rencontre de lui-même. Il devra faire preuve de courage et souvent faire face à sa propre immoralité.
Dans ce monde qu’il va devoir découvrir, il apprendra de nouvelles choses et fera des rencontres.
Il faut donc faire la différence entre la perturbation initiale (l’incident déclencheur) et le franchissement du seuil de ce monde nouveau.
Lorsque John McClane vient rejoindre sa femme au siège de la société où elle travaille, il échappe par hasard à la prise d’otages.
A partir de ce moment, le cours des choses est modifié pour lui.
Mais nous ne sommes pas encore dans l’intrigue.
Parce que les terroristes ne savent pas que McClane est dans l’immeuble. La confrontation n’a pas encore eu lieu. McClane a encore la possibilité d’appeler des secours extérieurs. Il a encore la possibilité de ne pas s’engager dans l’aventure qui s’annonce.
Mais lorsqu’il assiste, caché, au meurtre du président de la compagnie, il prend la décision de déclencher l’alarme.
Maintenant, les preneurs d’otage savent qu’il y a un électron libre dans le bâtiment. Et quant à McClane, il ne peut pas revenir sur son action. Il est maintenant engagé dans une confrontation directe avec les terroristes.
Le passage dans l’acte Trois
Ce moment majeur de la structure peut prendre diverses formes. Ce peut être :
- Une information importante
- Une crise personnelle et intime du personnage principal. Pour lui, à ce moment précis, tout semble perdu.
Dans Le Parrain, la mort du Don est un revers critique pour l’entente entre les familles mafieuses. Cette mort renforce l’animosité envers la famille Corleone et Michael est forcé de déclencher les enfers pour rétablir son pouvoir une fois pour toute.
Gardez à l’esprit qu’il s’agit de transitions. Vous ne pouvez les traiter à la légère. Ces moments transitoires sont aussi des ancres qui permettent au lecteur de rester accrocher à l’histoire.
Au cours de cet acte Deux, il faut préparer l’entrée dans l’acte Trois. C’est alors qu’une crise profonde et terrible du personnage principal ou bien encore un revers fondamental dans l’obtention de l’objectif ou une découverte importante ouvrent la porte vers un chemin qui mène au climax.
Dans l’acte Trois, le personnage principal peut rassembler ses forces (généralement internes) pour la bataille finale ou la décision finale.
Après ce moment, il n’y a plus de retour ou de continuation possible. L’histoire doit prendre fin.