L'Île Inconnue (Un nouvel avatar du "Monde Perdu")

Par Olivier Walmacq

Genre : fantastique, aventure 
Année : 1948
Durée : 1h15

Synopsis : Ted Osborne et sa fiancée décident de s'aventurer dans une île mythique du Pacifique sud, où les dinosaures seraient toujours vivants. Avec l'aide de l'alcoolique et imprévisible capitaine Tarnowski, ils arrivent à cet endroit, où en effet les créatures sont toujours en vie... Comment le couple pourra-t-il survivre ? 

La critique :

1925. Une date qui marque une rupture rédhibitoire dans le cinéma fantastique et d'aventure. En effet, à l'époque, Harry O. Hoyt réalise Le Monde Perdu, soit l'adaptation d'un roman éponyme d'Arthur Conan Doyle. Pour la première fois au cinéma, des dinosaures surgissent à l'écran et se fondent dans une nature primaire et hostile. Harry O. Hoyt et ses techniciens ont recours à la technique de la stop motion, une méthode qui sera reprise dès 1933, avec King Kong (Ernest B. Schoedsack).
Les deux longs-métrages marquent durablement les esprits et inspirent de nombreux succédanés. C'est par exemple le cas de L'Île Inconnue, réalisé par Jack Bernhard en 1948. L'originalité de cette série B repose sur son concept plus ou moins crapuleux puisque L'Île Inconnue mélange carrément Le Monde Perdu et l'univers de King Kong.

Quant au réalisateur, Jack Bernhard, le cinéaste est particulièrement prolifique et productif entre 1946 et 1950. En l'espace de quatre petites années, il signe pas moins de onze films. Parmi les plus connus (enfin connus... tout est relatif...), on relève La Rapace (1946), Violence (1947), L'Emprise (1948) et Blonde Ice (1948). Vient bien sûr s'ajouter L'Île Inconnue. Cette série B au budget famélique sort dans un contexte houleux et de fin de Seconde Guerre Mondiale.
A l'époque, les studios n'ont pas les moyens de miser ni de financer sur une super production à la hauteur de King Kong ou du Monde Perdu. Pour parvenir à tourner cette modeste série B, Jack Bernhard s'adjoint les services de petits techniciens et fait appel à des acteurs de seconde zone.

Virginia Grey, Phillip Reed, Richard Denning, Barton MacLane, Dan White, Ray Corrigan et Snub Pollard complètent la distribution du film. En outre, le scénario de L'Île Inconnue est de facture basique et laconique. Attention, SPOILERS ! (1) Un couple d'américains, Ted Osborne et sa fiancée Carole Lane, recrute dans le port de Singapour le Capitaine Tarnowski, le patron d'un cargo louche, pour une expédition vers une île inconnue du Pacifique sud qu'Osborne pense peuplée d'une faune inchangée depuis la préhistoire. Les accompagne dans ce périple John Fairbanks, épave alcoolique qui prétend être le seul survivant d'une précédente expédition sur cette île.
L'équipage malais, tenu dans un premier temps dans l'ignorance de la destination du bateau, tente de se rebeller en se rendant compte qu'il est mené vers un lieu à la sinistre réputation dans les superstitions locales. Mais l'énergique Tarnowski mate les mutins, littéralement, à coups de trique.

Le climat est lourd quand le cargo arrive enfin aux abords de l'île inconnue, d'autant plus que la belle Carol Lane, véritable reine des abeilles dans cet univers masculin, est courtisée ouvertement par Tarnowski et de façon plus subtile par un John Fairbanks devenu sobre. (1) Autant le dire tout de suite, L'Île Inconnue fait partie de ces nanars impécunieux tournés avec les moyens du bord, soit la totalité d'un SMIC albanais. Pourtant, durant sa première demi-heure, le film de Jack Bernhard fait vaguement illusion.
Si l'organisation de l'expédition, donc la première partie de cette série B, est de facture classique ; elle a au moins le mérite de présenter rapidement les inimitiés. Pour le cinéaste, c'est l'occasion ou jamais de se focaliser sur ses divers protagonistes. Contre toute attente, le personnage central du film est une femme.

Ensuite, malgré son budget anomique, L'Île Inconnue bénéficie tout de même d'une image colorisée, ce qui est plutôt rare à l'époque. Au niveau de sa trame scénaristique, L'Île Inconnue est souvent considéré par les fans, eux aussi rarissimes, comme un "rip off" à la fois de King Kong et du Monde Perdu. Faute de moyens, pas question de faire appel à Ray Harryhausen et à la technique de la stop-motion. Mutin, Jack Bernhard emploie tout simplement des acteurs pour se dissimuler sous la carcasse en plastique et en caoutchouc des dinosaures.
Tourné sur les îles du Pacifique, le film voit ses malheureux interprètes fondre littéralement sous un soleil de plomb. Au détour d'une séquence de bataille contre les dinosaures en polystyrène, l'un d'entre eux croule de fatigue, harassé par la sueur et la chaleur.

C'est la seconde partie de L'Île Inconnue, soit la découverte d'un territoire hostile, non seulement régi par la loi de T-Rex à taille humaine (sic !) mais par le phallus lui-même. Dans le rôle de Carol Lane, Virginia Grey doit supporter les avances et les accointances d'un vieux marin un peu trop téméraire. Heureusement, la belle est sauvée, non pas par un gorille énamouré, mais par un aventurier un brin éthylique.
Dans l'ensemble, l'interprétation est plutôt correcte, sans plus. Hélas, le film se confine rapidement dans l'auto-parodie dès l'apparition (fortuite) de ses dinosaures azimutés. Se déplaçant à la vitesse d'un escargot atrophié, les pauvres créatures se meuvent tant bien que mal, au risque de chuter sous des cris d'orfraie. Evidemment, si la méthode de remplacer des dinosaures par des acteurs costumés peut susciter quelques rictus imbéciles, elle sera pourtant reprise dans de nombreux films de monstres ; notamment dans le fameux Godzilla (Ishiro Honda, 1954).
Malgré lui, L'Île Inconnue marque donc une nouvelle ère dans le petit monde des dinosaures, celle de ses productions aussi ingénues qu'attachantes. En ce sens et malgré son statut de nanar décérébré, L'Île Inconnue reste une série B tout à fait recommandable, surtout pour les amateurs de dinosaures en caoutchouc.

Côte : Nanar

 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : http://www.psychovision.net/films/critiques/fiche/1284-ile-inconnue-l