L’intrigue se déroule au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Tom Sherbourne (Michael Fassbender), un vétéran australien, revient au pays après quatre années éprouvantes passées dans les tranchées, en France. Il éprouve le besoin de se couper du monde afin d’oublier les horreurs du conflit et de tenter de se reconstruire.
Il accepte un emploi temporaire de gardien de phare sur l’île de Janus, située à l’Ouest de l’Australie, entre l’Océan Indien et l’Océan Pacifique. Juste six mois, le temps que le titulaire du poste soigne sa dépression, liée à un “mal d’enfermement” consécutif à l’isolement. Tom n’a pas ce problème. La solitude lui plaît et les nombreuses tâches à accomplir l’empêchent de ruminer sur son sort. Cependant, quand on lui propose définitivement le poste, il se dit qu’un peu de compagnie ne serait pas de refus. Il accepte alors d’épouser Isabel (Alicia Vikander), la fille d’un notable de Partageuse, la ville la plus proche.
Très vite, ils décident de fonder une famille, mais leur première tentative d’avoir un enfant se solde par une fausse couche, ce qui plonge Isabel dans un profond désarroi.
Un jour, peu après une seconde fausse couche, ils découvrent une barque échouée non loin de leur habitation. A son bord, un jeune homme décédé et un nourrisson. Alors que Tom s’apprête à suivre la procédure et signaler leur découverte aux autorités, Isabel l’en empêche. Ce bébé est un cadeau tombé du ciel. Personne ne sait qu’elle a fait une seconde fausse couche et elle pourrait très bien faire passer le nourrisson pour sa propre fille. Ce serait mieux pour l’enfant, qui, en suivant la voie officielle, serait envoyé dans un orphelinat. Tom accepte et ils vivent heureux pendant quatre ans, jusqu’à ce que Tom découvre par hasard que la mère de l’enfant, Hannah (Rachel Weisz) est encore en vie et réside à Partageuse. Que faire? Son coeur lui dit de préserver son bonheur familial personnel, mais sa conscience lui intime l’ordre de rendre l’enfant à sa mère légitime. Sa décision ne sera pas sans conséquences…
La grande force du film réside dans ses personnages, âmes tourmentées en pleine tempête, soumises à des vents contraires. Même s’ils agissent parfois de façon égoïste, lâche, ou déraisonnable, leurs actes obéissent toujours à une certaine logique. Ils essaient juste de s’en sortir comme ils peuvent, dans des conditions de vie difficiles, malgré les épreuves qu’ils doivent traverser. Et ils sont juste humains, avec des zones d’ombre et de lumière, des facettes différentes, comme le dieu aux deux visages qui donne son nom à l’île habitée par Tom et Isabel.
Pour rendre attachants ces personnages taiseux, frustrés, abîmés par l’existence, il fallait de très bons comédiens. C’est le cas ici : Michael Fassbender est assez fascinant dans la peau de ce vétéran de guerre qui, après avoir réussi à oublier les horreurs de la guerre, doit mener un nouveau combat dévastateur avec sa propre conscience. Alicia Vikander, déjà remarquée l’an passée à Venise dans The Danish girl, nous montre un nouvelle fois toute l’étendue de son talent en incarnant la sensible Isabel, épouse et mère contrariée. Et Rachel Weisz est impeccable, comme toujours, dans le rôle de Hannah, qui ne peut pas faire le deuil de son mari et de sa fille disparus en mer. Tous jouent juste, avec une économie d’effets tire-larmes, au diapason de la mise en scène de Derek Cianfrance, qui réussit globalement à éviter les écueils du pathos et du sentimentalisme .
Pour autant, on reste dans un pur mélodrame, avec ce qu’il faut de violons pour souligner les pics dramatiques et de scènes formatées pour bouleverser le spectateur. C’est le genre qui veut cela. Et quand c’est aussi bien joué et réalisé, quand c’est aussi efficace que Une vie entre deux océans, difficile de faire la fine bouche…