Genre : science-fiction
Année : 2002
Durée : 2h25
Synopsis : A Washington, en 2054, la société du futur a éradiqué le meurtre en se dotant du système de prévention / détection / répression le plus sophistiqué du monde. Dissimulés au coeur du Ministère de la Justice, trois extra-lucides captent les signes précurseurs des violences homicides et en adressent les images à leur contrôleur, John Anderton, le chef de la "Précrime" devenu justicier après la disparition tragique de son fils. Celui-ci n'a alors plus qu'à lancer son escouade aux trousses du "coupable"... Mais un jour se produit l'impensable : l'ordinateur lui renvoie sa propre image. D'ici 36 heures, Anderton aura assassiné un parfait étranger. Devenu la cible de ses propres troupes, Anderton prend la fuite. Son seul espoir pour déjouer le complot : dénicher sa future victime ; sa seule arme : les visions parcellaires, énigmatiques, de la plus fragile des Pré-Cogs : Agatha.
La critique :
L'obsession sécuritaire. Une thématique qui a toujours passionné la littérature et le cinéma. Du côté du Septième Art, John Carpenter s'est déjà focalisé sur cette société en plein marasme et gangrénée par la criminalité, notamment dans New Yok 1997 (1981) et sa suite, Los Angeles 2013 (1996). Quant à la littérature de science-fiction, il faut se reporter sur les travaux ou plutôt sur les romans de Philip K. Dick, en particulier Minority Report.
Diagnostiqué paranoïaque à tendance schizophrène, le célèbre cacographe est interné plusieurs fois en hôpital psychiatrique. Ses obsessions et ses thèmes de prédilection ? Cette limite fuligineuse entre le réel et nos propres fantasmes ainsi que nos activités oniriques. Parallèlement, le grimaud s'intéresse aussi à l'être humain et à ses principaux centres de préoccupation.
C'est lors de l'un de ses nombreux séjours en hôpital spécialisé qu'il griffonne le script de Minority Report. L'opuscule devient rapidement le nouveau parangon de la littérature de science-fiction. Qu'à cela ne tienne, ce succès de librairie n'échappe pas aux réalisateurs, notamment à Steven Spielberg, qui s'empresse d'adapter la nouvelle au cinéma. Pourtant, à l'origine, Minority Report (donc le film...) devait être conçu et pensé comme la suite de Total Recall (Paul Verhoeven, 1989).
Arnold Schwarzenegger, dans la peau de Douglas Quaid, lui en aussi en pleine crise mnésique et identitaire, doit à nouveau endosser les oripeaux d'un personnage confiné sur la planète Mars. Mais le scénario original, jugé trop nébuleux et amphigourique, est rapidement évincé par les producteurs.
Avec la collaboration de Scott Frank et Jon Cohen, Steven Spielberg se charge de remanier le script dans sa quasi intégralité. Arnold Schwarzenegger est donc prié d'oublier le rôle de Douglas Quaid. Parallèlement, Steven Spielberg ressort du tournage harassant de A.I. Intelligence Artificielle (2001), le film (ou plutôt) le projet inachevé de Stanley Kubrick. Tom Cruise est immédiatement séduit par le script de Minority Report. Le célèbre acteur a eu la chance de tourner avec Stanley Kubrick dans Eyes Wide Shut et souhaite obtenir le rôle principal (et donc le haut de l'affiche) dans le nouveau film de "Spielby".
Celui-ci répond favorablement à la demande de l'acteur, d'autant plus que Minority Report devrait contenir de nombreuses allusions au cinéma de Kubrick. Viennent également s'ajouter Colin Farrell, Samantha Morton, Max Von Sydow, Kathryn Morris, Peter Stormare, Mike Binder, Lois Smith, Steve Harris et Neal McDonough.
A noter également les apparitions (très) furtives de Cameron Crowe, Paul Thomas Anderson et Cameron Diaz. Au moment de sa sortie, Minority Report obtient des critiques unanimement panégyriques. Certains magazines qualifient même Minortiy Report comme le "meilleur film" de Steven Speilberg. Un propos toutefois à minorer et à relativiser au regard de la filmographie exhaustive du cinéaste.
Pourtant, force est de constater que le film peut s'appuyer sur un scénario à la fois retors, intelligent et passionnant. Attention, SPOILERS ! A Washington, en 2054, la société du futur a éradiqué le meurtre en se dotant du système de prévention / détection / répression le plus sophistiqué du monde. Dissimulés au coeur du Ministère de la Justice, trois extra-lucides captent les signes précurseurs des violences homicides et en adressent les images à leur contrôleur, John Anderton, le chef de la "Précrime" devenu justicier après la disparition tragique de son fils.
Celui-ci n'a alors plus qu'à lancer son escouade aux trousses du "coupable"... Mais un jour se produit l'impensable : l'ordinateur lui renvoie sa propre image. D'ici 36 heures, Anderton aura assassiné un parfait étranger. Devenu la cible de ses propres troupes, Anderton prend la fuite. Son seul espoir pour déjouer le complot : dénicher sa future victime ; sa seule arme : les visions parcellaires, énigmatiques, de la plus fragile des Pré-Cogs : Agatha.
Premier constat : pas facile d'adapter une nouvelle de Philip K. Dick sur grand écran. Ou alors il faut oublier quelque peu le carcan hollywoodien, tout en respectant les codes du blockbuster, histoire de flagorner le grand public. Et c'est ce que réussit magnifiquement Steven Spielberg avec Minority Report.
Le réalisateur mélange parfaitement l'intrigue policière à un univer cyberpunk obnibulé par le crime. Mais au-delà de sa critique au vitriol d'une société hégémonique et totalitaire, sorte de variation du Meilleur des Mondes (Aldous Huxley, 1932), Steven Spielberg nous présente aussi le portrait d'un monde obsédé par le déterminisme et l'eugénisme. Ce qui pose de nombreuses questions philosophiques, comme le souligne un Colin Farrell rogue et narquois.
De futurs criminels sont envoyés dans des centres de cryogénisation avant même d'avoir commis leur forfait. Désormais, l'avenir ultra sécuritaire est régenté par trois jeunes adultes "précogs" qui, comme leur nom l'indique, sont dotés d'un don de prescience. Ce pouvoir de médiumnité est censé relater l'exacte réalité des faits.
Cependant, il existe tout de même une possibilité (assez mince) d'erreur et donc un autre scénario, une autre probabilité. C'est le fameux rapport minoritaire et donc la nouvelle quête obsessionnelle de John Anderton, un flic drogué et opiniâtre. Convaincu par l'opérationnalité du système, le policier est à son tour piégé par sa propre unité ou plutôt par l'un de ces célèbres démiurges.
En l'état, difficile d'en dire davantage. Mais encore une fois, le système profite aux puissants, plus précisément à une élite et à une oligarchie, soucieuses d'imposer Précrime à la société toute entière. "Précrime, ça marche !" comme l'assène farouchement un slogan publicitaire. Car c'est aussi cela Minority Report, cet aveuglement général et ce sondage permanent (dans le métro, la rue et les magasins) des individus. En tant que virtuose de la caméra, Steven Spielberg nous gratifie de plusieurs séquences d'action à couper le souffle. Narquois, le réalisateur relie peu à peu l'avenir immarcescible de John Anderton au crime qu'il va réaliser. Tout n'est qu'un jeu de manipulation mais surtout d'interprétation, comme aime le rappeler le cinéaste lors du twist final.
Bref, on tient là un grand film de science-fiction, appelé à devenir (si ce n'est déjà le cas) un classique du noble Septième Art.
Note : 16.5/20