Venise a beau être entourée d’eau, les films projetés aujourd’hui à la Mostra avaient pour sujet commun des traversées du désert, au propre comme au figuré.
Dans El Cristo ciego, Christopher Murray raconte le pèlerinage solitaire d’un jeune homme dans le désert Atacama, au nord du Chili. Persuadé de posséder la faculté d’accomplir des miracles, l’homme se rend au chevet de son ami d’enfance, mourant, pour le sauver de son triste sort. Mais au cours de son long périple, il rencontre de nombreuses personnes qui sollicitent son aide.
Film sur la difficulté de garder la foi dans une zone socialement sinistrée, délaissée par Dieu et oubliée par les Hommes, El Cristo ciego met aussi en lumière le sort des indigènes chiiens qui habitent ces zones arides, dans la misère la plus noire, alors que s’enrichissent les compagnies minières qui pillent leurs terres. C’est une bonne surprise, même si le récit a tendance à s’essouffler à mi-parcours (Lire notre critique).
Le second film en compétition du jour, Nocturnal animals de Tom Ford, repose non pas sur une, mais sur plusieurs traversées du désert, grâce aux récits entrelacés qui constituent la structure du film.
Déjà, il y a le voyage chaotique et éprouvant d’un couple et de leur fille dans le désert texan, alors qu’ils sont harcelés par un groupe de jeunes voyous. Puis la quête de justice et de vengeance d’un homme meurtri, rongé par la honte, les remords et le chagrin. Et enfin le désert affectif d’une femme qui réalise qu’elle est devenue tout ce qu’elle haïssait.
Bien qu’inabouti et décevant au regard des quinze premières minutes du film, pleines de promesses, le film semble avoir été plutôt bien apprécié par le public italien. (Lire notre critique).
Enfin, The Bleeder raconte une traversée du désert médiatique, celle de Chuck Wepner, un boxeur qui a connu son heure de gloire dans les années 1970, pour avoir tenu quinze rounds face au redoutable Muhammad Ali et pour avoir inspiré l’histoire de Rocky. L’homme, avide de reconnaissance et de gloire, a vécu dans l’ombre de son avatar de fiction et a subi un sérieux revers de fortune à cause de sa pseudo-notoriété. Il est finalement retombé dans l’oubli avant que le long-métrage de Philippe Falardeau ne le remette sur le devant de la scène. Il ne devrait toutefois pas y rester très longtemps, le film étant assez anecdotique, sans relief et sans grande inspiration, ne reposant que sur la performance d’acteur de Liev Schreiber, méconnaissable. On était en droit d’attendre autre chose de la part de Philippe Falardeau, auteur intéressant quand il tourne dans son pays d’origine, au Québec. Il semble, comme tant d’autres avant lui, s’être laissé broyer par le système de production américain, qui laisse trop peu de liberté créatrice aux artistes.
A demain pour la suite de ces chroniques vénitiennes…