Très vite, il réalise qu’il a peut-être commis une erreur. Cela commence dès son arrivée à l’aéroport, où il est pris en charge par un villageois bourru, dans une voiture qui doit dater à peu près de l’époque où il a quitté le pays. Evidemment, l’antique véhicule tombe en panne sur une route de campagne déserte qui était censée correspondre à un raccourci. Plutôt que d’être tranquillement installé dans sa luxueuse villa barcelonaise, Daniel se retrouve obligé de camper au milieu de nulle part, et d’utiliser les pages d’un de ses romans pour allumer un feu de camp.
Après cette nuit de galère, il finit par arriver à Salas. Mais alors qu’il souhaitait se reposer à l’hôtel avant de rencontrer la population locale, Daniel doit participer à une parade dans le centre ville en compagnie de la reine de beauté locale et d’une armada de pompiers. Lui qui voulait une arrivée humble et discrète, il est servi!
Et ce n’est que le début du cauchemar. Le maire veut utiliser son image pour assurer sa réélection. Un habitant insiste pour l’inviter chez lui, persuadé que son vieux père a inspiré le personnage d’un des romans de Montovani. Un autre vient réclamer de l’argent pour payer le fauteuil roulant de son fils handicapé. Un troisième lui soumet sa prose pour obtenir son avis. On le traîne de lectures en réceptions, on lui demande de juger un concours d’arts plastiques impliquant des artistes locaux et des oeuvres plus hideuses les unes que les autres, on le sollicite pour tout et n’importe quoi…
A ces fâcheux s’ajoutent une ex-fiancée qu’il a abandonné pour fuir vers l’Europe, un vieux copain qui a finit par épouser cette dernière et une jeune admiratrice un peu trop entreprenante.
C’est plus que Daniel ne peut supporter. Chaque nouvelle journée passée à Salas apporte son lot de disputes et de tensions, et Daniel voit le nombre de ses fans fondre comme neige au soleil…
Le film de Mariano Cohn et Gaston Duprat est une comédie cynique sur les affres de la célébrité, doublée d’une féroce satire sociale, observant avec beaucoup d’ironie l’état d’un pays portant encore les stigmates de la dictature, des crises économiques successives et d’une fracture très nette entre les citadins et les habitants des zones rurales.
Le résultat, alternant scènes comiques et séquences plus inquiétantes, est un réjouissant jeu de massacre, qui ressemble, par moments, aux meilleurs films de Carlos Saura. El Ciudadano illustre confirme en tout cas le talent de Mariano Cohn et Gaston Duprat (L’Artiste, L’Homme d’à-côté), qui s’imposent de film en film comme deux des cinéastes argentins les plus intéressants.