[Venise 2016] “Spira Mirabilis” de Martina Parenti et Massimo d’Anolfi

Par Boustoune

Depuis quelques années, c’est devenu une tradition à la Mostra de Venise. Les sélectionneurs intègrent à la compétition un ou deux documentaires d’art et d’essai expérimentaux. Parfois pour le meilleur (Sacro Gra, Lion d’Or en 2013, Behemoth, présenté en compétition en 2015) et parfois, hélas, pour le pire, comme ce Spira Mirabilis, fatras d’images et de sons qui ambitionne rien moins que de faire réfléchir sur la notion d’immortalité, sur les cycles de la vie, sur l’humanité en général…

Au début, pourtant, on se laisse prendre au jeu de ce qui semble être une sorte de rébus cinématographique, jouant sur les associations d’idées et les récurrences visuelles. Mais au bout d’un quart d’heure, on commence à se lasser de cet assemblage foutraque d’images redondantes – un scientifique japonais qui essaie d’élever des méduses dans un aquarium, des ouvriers qui façonnent un objet étrange, en forme de sombrero ou de soucoupe volante, une française déclamant un texte sur l’immortalité… – dont peine à percevoir le sens profond.
Sans doute faut-il voir le film comme une performance artistique live, car le spectacle est autant dans la salle que sur l’écran. Comme la plaisanterie dure près de deux heures, l’ennui s’installe inexorablement. Alors, logiquement, commence l’exode des spectateurs. D’abord un ou deux individus, puis des rangs entiers. On entend les fauteuils claquer de manière rageuse, signe habituel de frustration cinématographique profonde. Puis on entend des ronflements sonores, qui témoignent du pouvoir lénifiant de cet objet filmique non-identifié sur des festivaliers fatigués. Le bruit de ces vibrations organiques n’est certes pas agréable, mais il vient se fondre dans la masse de sons pénibles (bruits de perceuses, de machines, de marteau cognant sur du métal…) que les cinéastes ont choisi pour accompagner leurs images.
On s’accroche quand même, comme la poignée de cinéphiles courageux décidés à tenir jusqu’au bout, dans l’espoir absurde de percer les mystères de cette oeuvre absconse.
Cette patience sera finalement récompensée. Les cinéastes finissent par nous expliquer le rapport entre les méduses et la lecture, par Marina Vlady, du texte sur l’immortalité :Les méduses qui servent de fil conducteur à l’oeuvre – et accessoirement sont la source des images les plus intéressantes – appartiennent à une espèce baptisée “Méduse immortelle”, qui a la faculté de se régénérer perpétuellement, ainsi que l’a découvert le scientifique japonais Shin Kubota. Celui-ci est tellement content de sa trouvaille – ou tellement fatigué par ses expériences- qu’il nous inflige, en guise de conclusion,  une chanson débile sur les méduses et leur cycle de vie. Tout ça pour ça…

Nous n’avons rien contre les films expérimentaux, ni contre les oeuvres documentaires qui s’interrogent sur le sens de la vie ou sur l’état du monde. Mais encore faut-il que le propos soit intelligible ou du moins que l’ensemble soit suffisamment envoûtant pour nous permettre d’aller au bout du voyage, comme par exemple le sublime Samsara de Ron Fricke. Ici, cela ressemble plus à une mauvaise blague qu’à une oeuvre d’art. Espérons que le Lion d’Or n’aura pas à subir les piqûres douloureuses de ces envahissantes méduses…