Star Trek – Sans limites, si ce n’est l’humanité

Publié le 08 septembre 2016 par Rémy Boeringer @eltcherillo

On avait perdu la plupart de nos fonctions cognitives après l’épisode 7 de Fast and Furious, vilipendant ce pauvre James Wan. Auparavant, Justin Lin n’avait guère fait mieux. Alors, forcément, on angoissait un peu en allant voir le troisième volet de la nouvelle ligne temporelle de Star Trek. Force est de constater que le sacripant a réussi à maintenir l’esprit de la série, ouvrant même davantage la voie du côté de la débrouillardise originelle, sans trop y sacrifier à l’actionner brutal, ce que nous redoutions par dessus-tout. Un bon Star Trek se devant avant tout d’être empreint de concepts politiques, écologiques et philosophiques avant que de conter une guerre.

Fraîchement arrivé à la station spatiale Yorktown pour un repos bien mérité, l’équipage de l’USS Enterprise, dirigé par le capitaine James T. Kirk (Chris Pine), secondé par Spock (Zachary Quinto que l’on a vu dans American Horror Story et Hitman : Agent 47), est sollicité pour venir en aide à  Kalara (Lydia Wilson), dont le vaisseau a été attaqué en traversant une nébuleuse. Lors de la mission de sauvetage, l’USS Enterprise est également attaqué et s’écrase sur une planète inconnue.

Scotty (Simon Pegg), Jaylah (Sofia Boutella que l’on a vu dans Kingsman : Services Secrets) et Kirk (Chris Pine)

Aventure inédite dont le seul rappel des sagas antérieurs est la destruction de l’Enterprise, Star Trek – Sans limites évite l’accueil agaçant, et devenu monnaie courante à Hollywood, du service au fan, recyclant les vieilles recettes sans y ajouter de saveurs personnels. Le travail scénaristique de Simon Pegg n’en a pas été facilité et il s’est ainsi adjoint les services de Memory Alpha, l’un des plus importants wiki sur Star Trek, de manière à être certain d’apporter des nouveautés somme toute cohérente avec la diégèse de cet univers complexe et fourmillant de concepts et d’idées. Les aficionados d’action pure et dure seront servis à travers un mémorable traquenard holographique à moto, longuement illustré dans les bandes-annonces et une chasse à l’homme aussi impitoyable que stressante. Néanmoins, et c’est là le sel de Star Trek, il n’y a ici pas de pouvoirs surnaturels comme dans Star Wars, c’est le génie humain qui est mis à rude épreuve pour se sortir des situations les plus périlleuses. Et, au-delà, c’est la concorde, le message de paix universelle, qui définit toutes les actions des héros. Les thématiques abordés sont aussi diverses que l’acceptation de la différence, le problème de la vengeance personnelle, la solidarité et la fraternité, l’esclavagisme, l’obéissance aveugle, etc. Comme toujours, ce nouvel épisode se veut comme un reflet des préoccupations de l’époque. Krall (Idris Elba que l’on a vu dans Avengers : L’ère d’Ultron et entendu dans Zootopie), incarne le terrorisme aveugle, prêt à frapper des civils innocents, sans soucis moraux. Pour autant, les sources du mal ne sont pas extérieur au système lui-même, qui, même si la Fédération n’est pas le pire, crée ses propres exclusions et par le rejet, engendre des conséquences fâcheuses. On ne peut pas s’empêcher de voir dans le personnage de Krall, à la fois le vétéran américain délaissé par sa patrie après avoir cédé son humanité sur le champ de bataille, autant que le civil fanatisé par la perte de ses proches dans une guerre qui le dépasse. Sa métamorphose physique étant la démonstration des nécroses de son cœur.

De son côté, Jaylah (Sofia Boutella), pour les mêmes raisons, fait des choix qui ne sont pas évidents, optant pour la justice des hommes plutôt que de répondre à ses instincts primaires. C’est là l’essence-même de la portée philosophique de Star Trek, rêver d’une humanité unie capable d’appréhender l’altérité autrement que par la défiance, s’envolant vers un âge d’or d’échanges culturels et technologique. Avec beaucoup d’humour, la scène introductive semble nous dire que cela n’est pas si facile, ouvrant sur un point essentiel : porter l’universalité d’une cause ne peut se faire sans prendre en compte les différences ethnologiques et culturelles. On s’éloigne d’autant de l’idée coloniale que l’on se rapproche d’une réelle collaboration. Star Trek illustre le fantasme onusien encore vivace d’une entraide internationale, ici intergalactique, non vérolé par les puissances d’argents, une entente des peuples et non des intérêts de l’oligarchie. Star Trek – Sans limites est un appel à repousser les frontières, non pas économiques ou géopolitiques, mais les frontières de la connaissance, seule issue viable pour sauver l’humanité d’elle-même. Le personnage de Montgomery « Scotty » Scott (Simon Pegg que l’on a vu dans Star Wars – Le réveil de la ForceMission Impossible : Rogue Nation et entendu dans L’âge de glâce : Les lois de l’univers), ingénieur touche à tout de génie est le symbole de cette curiosité exacerbée qui doit habiter l’humanité, source de joie et d’émerveillement toujours renouvelé. L’usage de la force est réellement le dernier recours. Face aux extrémistes, il faut bien réagir mais là encore, il ne s’agit pas de s’arroger le droit de vie et de mort. Ultime pied de nez à notre actualité, Star Trek – Sans limites se positionne clairement contre la restauration de frontières pour les êtres humains, projet de Krall, qui entend stopper l’exploration humaine, et dont la station cosmopolite de la fédération est un symbole métissé.

Uhura (Zoe Saldana que l’on a vu dans Les gardiens de la galaxie) et Hikaru Sulu (John Cho)

Star Trek – Sans limites est un troisième opus réussi, mettant en avant les questionnements intimes du capitaine Kirk, sur fond de menace bactériologique et mélangeant dans un souffle épique, action et réflexion dans un savant dosage.

Boeringer Rémy

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