Réalisé par : Ira Sachs
Avec : Theo Taplitz, Michael Barbieri et Greg Kinnear
Sortie : 21 septembre 2016
Durée : 1h25min
Distributeur : Version Originale / Condor
3D : Oui – Non
Synopsis :
« Une famille de Manhattan hérite d’une maison à Brooklyn, dont le rez-de-chaussée est occupé par la boutique de Leonor. Les relations sont d’abord cordiales, notamment grâce à l’insouciante amitié qui se noue entre Tony et Jake, les enfants des deux foyers. Mais le loyer de la boutique s’avère bien inférieur aux besoins des nouveaux arrivants. Les discussions d’adultes vont bientôt perturber la complicité entre voisins. »
3,5/5
Après 99 Homes, c’est au tour de Brooklyn Village de recevoir le Grand Prix du Jury du prestigieux Festival du Cinéma Américain de Deauville. Décidément, les films sociaux raflent tous les prix depuis au moins 2 ans (pour rappel, la Palme d’Or du dernier Festival de Cannes a été décernée à Moi, Daniel Blake). Brooklyn Village est donc un petit nouveau venu parmi les films en vogue actuellement. Chez Pulp Movies, cette réalisation de Ira Sachs n’a pas été LE coup de cœur de la 42e édition de Deauville. Nombres Plusieurs concurrents en compétition sont, selon nous, au-dessus (Captain Fantastic, Le Teckel, ou encore Mean Dreams). Mais Brooklyn Village n’en demeure pas moins un bon film.
En version originale, le titre est Little Men. Ce choix paraît plus judicieux que le titre français, moins évocateur de l’objet principal du film : l’enfance. Dès le début de Brooklyn Village, le spectateur apprend à connaître les autres personnages du film grâce à des discussions tenues par Tony et Jake, respectivement interprétés par les jeunes Michael Barbieri et Theo Taplitz. A travers leurs paroles, le monde adulte est dépeint avec l’innocence de la jeunesse. Parfois les mots sont durs et justes, basés sur le proverbe « La vérité sort de la bouche des enfants ». D’autres fois, le public assiste à la naïveté pure de ces jeunes garçons, ce qui permet de s’imprégner de leur façon de penser et ainsi, de mieux ressentir les émotions transmises dans Brooklyn Village. Aux différents problèmes, ce duo de garçons trouve des solutions, comme si tout était d’une simplicité sans égale.
LES DIFFÉRENTS REGARDS
Face à ces deux nouveaux voisins, devenus meilleurs amis, se dresse le « monde des grands ». Plus violent, plus dur. En plus des conversations très réalistes et très actuelles tenues par les adultes (économies, succession, immobilier, etc.), la mise en scène vient souligner le caractère difficile de cette vie rude et inconnue par les enfants. Moins de rires, mais beaucoup de silences et de soupirs. Les images sont nettement plus sombres, comme si le poids de la vie sur les épaules des parents se ressentait jusqu’à envahir leurs espaces intimes. Cela contraste encore plus avec le monde des enfants. Le public s’aperçoit bien que ces derniers échappent totalement à la complexité et aux problèmes liés à la vie adulte. Et cette opposition est très bien illustrée par une scène : Jake est « un artiste » pour beaucoup de personnages. A un moment du film, on le voit dans un musée à redessiner un tableau qu’il a sous les yeux. On observe alors d’autres personnes faire comme lui, mais toutes positionnées dans un angle différent. Tout le film de Ira Sachs est finalement basé sur cela : voir la même chose, les mêmes faits mais les interpréter différemment.
EXISTER AVEC L’AUTRE
Cela implique par ailleurs d’être confronté à autrui et à comparer plusieurs points de vue. Dans Brooklyn Village, le processus de sociabilisation est très important chez les enfants. Ira Sachs a voulu montrer qu’il n’est quasiment pas possible de se construire soi-même sans être accompagné par une personne qui nous aide à acquérir une identité. Jake était un enfant seul, mais grâce à son amitié avec Tony, il découvre les joies de la « bande de potes », des sorties en discothèques (pour enfants !) et évidemment, les filles (bien que l’appartenance sexuelle de Jake reste assez ambiguë tout le long du film). Grâce à cette naissance de soi, le spectateur assiste à la naissance de Jake en tant qu’artiste. L’action de dessiner apparaît toujours comme des moments de calme et de sérénité. C’en est presque poétique. L’aspect social de Brooklyn Village prend également forme, évidemment, dans tous les problèmes financiers traités avec justesse dans le film.
Mais la réalisation de Ira Sachs manque clairement d’émotion. Les deux enfants sont évidemment attachants, mais sans plus. Le côté dramatique de certaines situations aurait pu être mieux traité afin d’investir au maximum le spectateur dans les épreuves traversées par chacun des personnages. Même si la situation globale est très réaliste, la distance entre le public est trop importante pour que celui-ci soit touché ou se sente réellement concerné. Par conséquent, l’expérience sociale et dramatique n’a pas la force qu’elle aurait pu avoir.
Brooklyn Village s’en tire bien mais il manque cruellement d’émotion.