Voyage interieur (arc dramatique) : la vengeance

L’arc dramatique est un élément essentiel de toute fiction. Votre personnage principal doit évoluer au cours de l’histoire.

Il existe de nombreux parcours. Nous en avons déjà étudié quelques uns.
De l’obscurité à la lumière
De la peur au courage
Du doute de soi à la confiance en soi

Abordons dans cet article le passage du désir de vengeance au sens de la Justice.

Du désir de vengeance au sens de la justice

Nous prendrons pour exemple Batman Begins de Christopher Nolan et David S. Goyer, basé sur une histoire de David S. Goyer, d’après les personnages de DC Comics créés par Bob Kane et Bill Finger.

Perdre son chemin

Cela arrive parfois dans la vie. Et parfois, il suffit d’un moment, d’un événement pour revenir sur les rails.

Dans Batman Begins, le personnage principal Bruce Wayne assiste au meurtre de ses parents alors qu’il n’est encore qu’un enfant.
A partir de ce moment, sa vie fut entièrement tournée vers la vengeance pour ces meurtres abominables.

Aveuglé par la douleur et la culpabilité (un sentiment que nous retrouvons chez Hamlet ou chez Simbad), il confond la vengeance et la justice.

Une voix vers la lumière

Rachel, son amie de longue date, lui montrera cependant le droit chemin.
Ce sera un tournant majeur dans la vie de Bruce Wayne.

Wayne est égaré et c’est bien Rachel qui, comme un guide, lui montrera le droit chemin.
Notez que Rachel agit alors comme un mentor vis-à-vis de Bruce Wayne.

Elle démontre à Bruce Wayne son erreur de jugement. Elle lui dit que la justice est harmonie et que la vengeance ne fait que se sentir mieux.

Les conversations qu’il entretient avec Rachel sont les moments clés du changement de Bruce Wayne. Ces conversations lui permettent de réaliser progressivement qu’il doit se tourner vers la justice et ne plus rechercher une vengeance personnelle.

Considérons maintenant les grandes étapes de Batman Begins entremêlant

les voyages extérieur et intérieur de Bruce Wayne.
Le monde ordinaire

Bruce Wayne est l’héritier d’une grande fortune et vit une vie protégée.

Le Call to adventure

Les parents de Bruce sont assassinés par Joe Chill, un petit voleur qui a agi sous le coup de la panique. Bruce est laissé seul et désemparé.
Au sujet du Call to adventure, nous vous conseillons la lecture de :
. DIFFERENCE ENTRE INCIDENT DECLENCHEUR & CALL TO ADVENTURE
. VOGLER : L’ARCHETYPE DU HEROS
. STRUCTURE : L’ACCES A L’HISTOIRE

Le Refusal of the call

Bruce n’est pas encore prêt à endosser le rôle du Dark Knight capable d’inspirer la peur chez les criminels les plus endurcis.
Dans un moment d’égarement inspiré par le sentiment de vengeance qui l’empoigne, il tente de tuer Joe Chill.
Mais une femme engagée par Falcone se charge de la besogne avant lui.

Bruce n’a pas encore accompli son parcours initiatique. Il doit apprendre à découvrir ce monde criminel. Rachel qui le blâme pour la folie de son acte et les propos de Falcone selon lequel le vrai pouvoir réside dans la crainte que l’on inspire le décide à s’exiler en Asie.

Structurellement, il est important que l’appel de l’aventure (le Call to adventure) ne soit pas suivi immédiatement par un engagement.
C’est-à-dire pour le héros la décision de prendre à bras le corps son problème.
A lire à ce sujet :
THE WRITER’S JOURNEY (LE VOYAGE DU HEROS)

Supernatural aid

Quelques explications :
A un moment de l’histoire, une aide quelconque est offerte au héros. Elle est censée rendre le héros plus sage, plus fort et probablement plus apte à faire face aux défis de son aventure en devenir.

Cette aide a différentes formes : information, armes, talisman (assez symbolique dans l’idée). Elle peut être découverte par le héros lui-même ou est assez souvent d’ailleurs fournie par un mentor.
Elle peut prendre aussi la forme d’un compagnon ou d’une troupe entière qui fourniront effectivement une aide tout au long du chemin mais qui ne peuvent faire ce que fait le héros. Ce sont véritablement des adjuvants.

Dans Star Wars, Luke reçoit un sabre laser et une formation initiale par Obi Wan Kenobi, par exemple.

Le héros commence l’histoire comme une personne ordinaire dans son monde ordinaire. Il n’est pas encore capable de vaincre les terribles opposants qu’il rencontrera au cours de son aventure.

Cette aide (Supernatural Aid) tend à redresser en quelque sorte l’équilibre des forces.
Une qualité essentielle que le mentor tente d’apprendre au héros est la confiance en soi. Cet attribut peut servir à lui seul d’arc dramatique pour le personnage principal.

Mais pour ce parcours spécifique du désir de vengeance au sens de la justice, il s’agit davantage de donner au héros l’opportunité de pénétrer un monde dont il ignore tout. Il s’agit donc avant tout d’informations comme pourrait le faire un officier de police chevronné à une jeune recrue.

Cette aide spéciale permet ainsi au héros de passer outre ses réticences initiales et de s’engager dans l’aventure.
Cependant, elle ne le rend pas invulnérable pour autant. La vulnérabilité d’un héros est un moyen efficace de générer de l’empathie envers lui de la part du lecteur. Cette aide ne doit donc pas être toute-puissante.

Concernant Batman Begins, c’est la rencontre avec  Ra’s al Ghul et la Ligue des Ombres qui sert de Supernatural Aid.

Le franchissement du seuil

Le héros quitte son monde ordinaire pour la première fois et franchit le seuil vers l’aventure.
Bruce Wayne commence son entraînement. Il apprend non seulement les arts martiaux mais aussi un code d’honneur.

Son sens de la justice commence à se former alors que son désir de vengeance s’estompe.

Au cours de cette étape, le héros accepte donc son aventure. Cette acceptation est d’ailleurs à contre-cœur la plupart du temps.
Il n’a souvent pas le choix que d’accepter.

Ce franchissement peut être assimilé à un point de non retour. C’est le passage dans l’acte Deux.
C’est-à-dire un moment où le personnage va véritablement s’engager envers son problème.
Il commence à changer laissant derrière lui l’ancien et acceptant le nouveau.

En découvrant la nature du monde criminel par l’enseignement de la Ligue des Ombres, le désir de vengeance de Bruce Wayne, forcément personnel, s’estompe pour laisser place à un sentiment de justice.
Seulement, la justice voulue par la Ligue des Ombres n’est pas la justice dont Wayne a besoin.

Cet enseignement, cependant, lui offrira de nouvelles opportunités et de nouveaux dangers.
En d’autres termes, du conflit annoncé.

Le franchissement du seuil devient donc la réponse au Call to adventure qui avait été éludée jusqu’à présent.

Le temps des épreuves

Ou, en d’autres termes, l’acte Deux. Le héros doit se prouver à lui-même qu’il est digne de son statut de héros dans l’histoire (et partant, il doit convaincre le lecteur qu’il est bien le héros de cette histoire).

Il ne parvient pas nécessairement à surmonter toutes les épreuves mais ses échecs ne le démotivent pas pour autant.
Chaque échec est une leçon.

Et comme les épreuves montent en intensité au cours de l’acte Deux, elles préparent le héros à son ultime confrontation au moment du climax.

Ces épreuves sont destinés à exposer les vulnérabilités du héros. Mais aussi à lui permettre d’atteindre progressivement à une certaine sagesse.
Dans le parcours que nous étudions ici, il s’agit pour lui de découvrir le sens de la justice. Et que cette dernière est préférable à l’assouvissement d’une vengeance personnelle.
D’un point de vue éthique, elle est meilleure.