Après et New York Melody , John Carney revient avec Sing Street, un teen movie musical plantant son décor dans le Dublin des années 80. Les années 80, c'est aussi l'époque de Top of the Pops, le rendez-vous incontournable des ménages qui souhaitent se délecter des derniers clips musicaux. Conor, dont les parents rencontrent des difficultés tant financières qu'amoureuses, se voit contraint de quitter son lycée privé pour l'école publique de son quartier. Le lycéen doit réapprendre tous les codes de ce nouvel environnement remplis de petites brutes et d'adultes intransigeants. C'est alors qu'il rencontre la plus jolie fille du quartier, Raphina, et décide, pour la conquérir, de monter un groupe de musique avec d'improbables camarades pour faire d'elle l'actrice centrale de leurs clips. John Carney récidive dans le film musical après , qui suivait l'errance de deux amoureux de musique, et New York Melody, qui voyait Keira Knightley se lancer dans la production d'un album en compagnie de Mark Ruffalo. Le réalisateur s'était d'ailleurs montré très critique à l'égard de l'actrice britannique, arguant qu'elle " n'avait rien d'une chanteuse ni d'une guitariste et [que c'était] très délicat de rendre la musique réaliste sans musiciens. " Si John Carney se permet une telle critique, c'est sans doute parce qu'il est lui-même musicien. Il a été bassiste pour le groupe irlandais The Frames, dont il réalisait aussi les clips, avant de partir se consacrer pleinement au cinéma.
Probablement hanté par la prestation d'une Keira Knightley qu'il n'a pas jugé à la hauteur, le réalisateur a eu à cœur de dénicher de jeunes prodiges capables de chanter, de jouer d'instruments mais également d'être de véritables acteurs pour Sing Street. Ferdia Walsh-Peelo, qui tient le rôle principal, s'est illustré à 12 ans comme soprano au Wexford Opera House. Mark McKenna, qui joue le multi-instrumentiste Eamon, est fils de musiciens et étudie au BIMM music college de Dublin. Percy Chamburuka, qui incarne Ngig, est un aspirant rappeur. Enfin, Conor Hamilton, qui interprète Larry, a déjà montré ses talents sur Youtube. John Carney est parvenu à réunir une fine équipe de talents musicaux et d'acteurs crédibles. En résultent des passages en chanson divertissants et investis. D'autant plus que, loin d'être simplement démonstrative, la musique est un élément narratif autant qu'un appui à la construction personnelle et du protagoniste. En dehors des prouesses musicales, c'est aussi dans son intrigue et son contexte que le film puise sa force et sa crédibilité. Si John Carney a remué ses souvenirs d'adolescence pour reconstituer la coloration eighties du film, il est aussi parvenu à recréer toute l'ambiance politique, sociale et culturelle d'une Irlande en pleine récession économique. L'arrière-plan vient nourrir et enrichir cette romance adolescente qui aurait pu seulement se contenter d'être un teen movie lisse et consensuel. John Carney convoque une galerie de personnages touchants et sensibles pour peupler sa fable initiatique. Et il faut reconnaître qu'il parvient à quasiment tous les traiter de sorte à ce que chacun ait une scène qui lui soit dédiée.
Une attitude bienveillante dont le réalisateur a également sur faire preuve avec ses acteurs. Jack Reynor a ainsi pu insuffler un peu de ses propres passions musicales dans le personnage du grand frère de Conor, notamment en ce qui concerne les Pink Floyd. Il raconte que " John [lui a] fait confiance et [l] 'a laissé [s] 'approprier le personnage. " Il se souvient également avoir insisté pour que Brendan, son personnage, ait les cheveux longs comme son idole David Gilmour. Une relative liberté qui semble avait également investi la façon de travailler de l'équipe puisqu'il n'y aurait eu aucun découpage technique prévu ni aucun marquage au sol pour les acteurs. Yaron Orbach, directeur de la photographie sur le film mais aussi sur New York Melody , explique avoir utilisé des dispositifs assez simples. Exit, par exemple, la dolly, les éclairages sophistiqués ou encore la steadycam. Et tout cela concourt à prouver que John Carney a eu raison de s'en remettre à des méthodes simples, d'insuffler un peu de liberté dans son projet, de faire confiance à de jeunes acteurs et de revisiter ses souvenirs d'adolescence. En effet, si Sing Street n'est probablement pas le chef-d'oeuvre de l'année en ce qui concerne la mise en scène ou l'extrême sérieux de son propos, voici un film d'où transparaît une véritable honnêteté. Sing Street fleure bon l'amusement, le vécu, la simplicité et se déguste avec une pointe de nostalgie joyeuse. Il débarque en salles le 26 Octobre prochain et saura vous faire sourire si vous vous laissez tenter.