La Taularde (2016) de Audrey Estrougo

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Quatrième long métrage pour Audrey Estrougo pour un thriller carcéral français au féminin, pas si courant. En soi le film carcéral est un sous-genre qui a offert de grands films, au féminin c'est déjà plus rare. Néanmoins la réalisatrice fait un choix audacieux tant il y a de grands films dans le genre. Si on excepte les films étrangers on pense évidemment au chef d'oeuvre "Un Prophète" (2009) de Jacques Audiard et cette année, chez les femmes il y a eu "Eperdument" (2016) de Pierre Godeau... Mais "La Taularde" est assez différent pour marquer son empreinte. La réalisatrice a passé beaucoup de temps à Fleury-Mérogis se documenter, rencontrer des prisonnières, s'imprégner des lieux avant de partir tourner dans l'ancienne prison des femmes de Rennes (fermée en 2010). Un lieu austère, "vrai" pour un film naturaliste, hyper réaliste dans son intention, dan son décor, dans son contexte.

Note :

Un choix délibéré symbolisé par sa star, Sophie Marceau (qu'on avait pas vu depuis 2014 et ses RomComs "Une rencontre" de Liza Azuelos et "Tu veux ou tu veux pas" Tonie Marshall) au naturel, sans fard ni artifice qui joue une professeur de lettre qui préfère passer deux en prison plutôt que de laisser son mari braqueur en faire 10 ou 15... L'idée de départ est excellente mais on s'interroge vite dès lors qu'elle discute avec son fils au parloir. Cette femme de 50 ans, prof, parle comme une ado transie d'amour pour un connard qui se fait passer pour un Robin des bois qu'il n'a jamais été alors même que c'est son fils de 24 ans qui lui fait la leçon. Cette partie est d'ailleurs un des paramètres qui doit faire tiquer les amateurs de la série québecoise "Unité 9" où l'héroîne est également une prof en prison par amour et qui reprend les erreurs de langage. Pompage... Outre ce réalisme à outrance le vrai soucis reste que la réalisatrice raconte tout ce qu'on a déjà vu mille fois (bizutage, violences, détresse psychologique, arnaque...) sans jamais transcender son sujet. Afin d'éviter tout manichéïsme on force le trait des matonnes, voir cette caricature d'une matonne arabe très raciste et une blanche très gentille. Un peu de nuance qua diable ! Qui dit humanité dit complexité, ce que Audiard a compris Audrey Estrougo fait au plus simple, donc des clichés. Néanmoins on sent clairement la sincérité de la réalistrice pour son film. L'environnement est clairement un plus, le travail de fond est intéressant et si quelques acteurs ne sont pas à l'aise la plupart font le job. D'ailleurs au casting la réalisatrice a fait appel, pour la plupart, à des habitués. En effet outre la star bankable Sophie Marceau et Suzanne Clément (qui joue dans la série "Unité 9" justement !) on remarque que Marie-Sonha Condé joue dans tous ses films, que Eye Haidara était déjà dans son premier film "Regarde-moi" (2007), que Banjamin Siksou déjà dans "Toi, moi, les autres" (2011) rejoint Marie-Sonha Condé, Marie Denarnaud et Naidra Nayadi (inoubliable dans "Polisse" de Maïwenn) dans son précédent film "Une histoire banale" (2013). Notons également la présence de les expérimentées Anne Le Ny et Carole Franck et Alice Belaïdi plus habituée aux comédies. Audrey Estrougo signe un film intéressant et efficace dans sa démonstration. Il lui manque un supplément d'âme en plus, une fureur plus poignante. Le choix d'une prof trop naïve n'ets pas des plus convaincants. Mais Sophie Marceau offre une jolie performance, et la sincérité du propos donne du corps au film à défaut de pouvoir tenir la dragée aux monuments du genre.