James White (Christopher Abbott), la trentaine, n’arrive pas vraiment à se lancer dans la vie, vit chez sa mère Gail (Cynthia Nixon que l’on a vu dans Ruth & Alex) et hante les nuits new-yorkaises avec son ami Nick (Scott Mescudi). Lorsque le cancer de cette dernière surgit à nouveau, plus implacable que jamais, il doit s’armer de courage pour prendre ses responsabilités.
Habillée de couleurs froides, la photographie travaillant sur des teintes bleutées, sous les néons des boites de nuit, ou bien dans la lueur blafarde de l’appartement maternel, marque un repli sur soi mortifère, un mal être qui contamine mère et fils de manière partagée, l’un cherchant le bonheur dans des paradis artificiels tandis qu’elle cesse peu à peu de lutter pour la vie. James White explore les sentiments contradictoires qui peuvent assaillir, malgré l’amour qu’il lui porte, un fils face à la désagrégation de ses parents. Paradoxalement, James White s’ouvre sur un enterrement, celui d’un père absent, qui sonne comme un non-événement dont les seuls traumas s’expriment, non pas, à travers le manque d’un être chéri mais par la projection psychologique d’avoir raté le coche. Le personnage ne semble pas vraiment regretté d’avoir perdu son père mais semble surtout touché par l’événement car il le ramène à une cruelle vérité sur laquelle il ne pourra désormais plus influer. Ce qui le rend malheureux et non la perte du père mais la désormais incurable absence de père. Mal aimé, le voilà donc à traîner son spleen de pétard en biture, claquant l’assurance-vie de son père dans un illusoire voyage qu’il voyait comme un renouveau. Mais le changement de décors ne suffit pas à se changer soi-même. Il y rencontre une fille plus jeune Jayne (Mackenzie Leigh), encore au lycée, dont il finit bien par percevoir la différence générationnelle. Et dont on espère qu’elle est majeure…
James White (Christopher Abbott) et Gail White (Cynthia Nixon)
Ceci n’est que suggéré par différents détails comme une soirée où il est en complet décalage avec les préoccupations des plus jeunes mais la volonté du réalisateur semble bien de marquer ici ses difficultés relationnelles, cherchant auprès d’elle la facilité et un semblant de supériorité. James White est à un tournant de sa vie, autant tardif qu’il est violent, devant brusquement quitter l’insouciance pour prendre, par deux fois, conscience de la mort et du temps qui file trop vite. A travers la longue décrépitude de sa mère, il prend conscience surtout conscience de ce qu’il gâche de sa propre vie, ne pouvant éviter de se projeter. C’est avec toute son âme, parfois à son corps défendant, épuisé lui aussi, éprouvé par son impuissance, prenant toute conscience de la finalité des êtres qu’il va prendre lui-même en charge les soins palliatifs. James White regorge de scène terriblement prenantes et émouvantes appelant les larmes et une angoisse feutrée, intériorisée, universelle. Cinthia Nixon est tout simplement époustouflante de vérité, certains dialogues déclamés par Abbott, pourtant convenus, prennent une ampleur émotionnelle toute entière du à son interprétation prégnante, sensible, à fleur de peau. James White, nous a rappelé le récent Still Alice qui sur un thème similaire, la maladie d’Alzheimer, avait su trouver la tonalité la plus juste entre drame intime et tragédie universelle.
James White (Christopher Abbott) et Nick (Scott Mescudi)
Il en va de même pour ce premier film étonnant d’humanité traitant avec mesure un sujet très difficile. A travers ce personnage au nom passe-partout se raconte un combat quotidien, finalement souvent tu au sein même des familles, difficile à appréhender sans l’avoir vécu. Josh Mond élargissant son sujet au-delà de la maladie, à notre rapport à la mort et par elle, à la vie.