Voilà deux ans que Vincent Orst, niçois d’adoption, nous préparait l’un des premiers long-métrage local à surfer sur la vague du revival zombie. Producteur, réalisateur et scénariste, le fringuant jeune homme a accueilli une foule dense pour la toute première projection, ce dimanche 18 septembre 2016, au Pathé Lingostière de Nice, accompagné des acteurs parmi lesquels Jean-François et Corinne Pastout ou encore Eric Collado, ancien membre des Nous c nous. Lorgnant davantage sur la comédie inspirée de Shaun Of The Dead que sur l’héritage purement romérien, Le périple nous entraîne gaiement sur les chemins de l’arrière-pays azuréen proposant une approche de série B assumée.
Salah (Tony Zarouel) est brusquement réveillé, en pleine nuit, par des bruits tonitruants. Autour de chez lui les scènes d’émeutes et les tirs de l’armée s’intensifie s’en qu’aucune information ne filtre à la télévision. Il décide alors de gagner la montagne pour s’éloigner du conflit.Bernard (Christian Abart), Rillaud (Eric Collado) et Ludovic (Ludovic Pinette)
Malgré une production assumée en grande partie par le réalisateur lui-même, et grâce à un crowfunding réussi sur Ulule, et le petit budget qui va avec, sur plusieurs points essentiels, le résultat à l’écran est tout à fait surprenant. Il faut saluer l’excellent travail d’Adrien Giffard en matière de maquillage qui livre des zombies bluffants qui n’ont pas à rougir à la comparaison avec des œuvres bien mieux dotées financièrement. Souvent les petites productions s’attardent sur des effets numériques de mauvaises qualités tandis qu’Orst a fait le choix de rester sur des artifices artisanaux, plus réaliste finalement. Le manque de moyen se fait parfois sentir, mais l’ingéniosité et le sens de la mise en scène sont là pour combler les failles. Au lieu de nous balancer des effets spéciaux dégueulasses de coup de feu et et de tanks numériques, comme c’est souvent le cas, Orst préfère jouer la carte de la suggestion sonore. Jamais l’armée, qui résonne comme une menace lointaine, n’est mise directement en scène. Par ce biais, la menace latente est intensifiée. Sur ce point particulier, Le périple s’inscrit dans une grande tradition du film de genre, notamment des œuvres de George A. Romero et de John Carpenter, laissant flotter un aura de mystère sur les enjeux et les causes de situation kafkaïenne dans lesquelles les héros sont embringués. Côté narration, si l’on doit parler de filiation, néanmoins, la véritable influence du Périple serait certainement davantage à chercher du côté de The Walking Dead, le long-métrage mettant en scène un petit groupe soudé et une menace extérieure. Là, où Romero faisait surgir la menace au sein du groupe lui-même.Marie-Christine (Corinne Pastout) et Robert (Jean-François Pastout)
Les quelques tensions surgissantes dans Le périple sont surtout l’occasion de verser dans l’humour et de caractériser les personnages à travers des traits assez caricaturaux, démarquant des personnages un brin clichés mais efficaces : Eric le leader providentiel (Eric Malo), Raphaël la tête brûlée (Olivier Martial), Salah le nouveau venu (Tony Zarouel) ou encore Robert, le vieillard qui ne saisit pas tout à fait la situation (Jean-François Pastout). A leurs côtés, les personnages féminins se démènent pour exister, réduite à un rôle de faire valoir. Les deux sœurs, Gaëlle (Lola S. Frey) et Laetitia (Elie Rapp) , ne forme d’intrigue que dans la conquête du cœur de Salah. Le Périple trouve son rythme de croisière dans la deuxième partie du récit lors qu’intervient donc une menace inattendue dont les traits principaux rappellent grandement, nous le disions plus haut, l’intrigue de la série à succès qui a réconcilié le grand public avec les revenants de chair et d’os. En filigrane se découvre un discours sous-exploité sur la pollution des eaux et les lois d’exceptions martiales. Le scénario de Le périple semble parfois elliptique mais, adoptant un point de vue volontairement adopté des séries B américaines, permet d’accepter ses quelques incohérences pour se laisser porter par des acteurs investis et un humour omniprésent. Le périple ne mène véritablement nulle part mais l’on prend un vrai plaisir à suivre les pérégrinations sans queue ni tête du héros. Une mention spéciale à Eric Collado (que l’on a vu dans La French) qui incarne un vieux para timbré est à attribuée. Grâce à son personnage, le récit gagne un peu en substance et en intensité dramatique. L’humoriste adopte un jeu pince-sans-rire, les yeux injectés de folie, qu’on ne lui soupçonnait pas.
Le vétérinaire (Pierre Pirol) et Rillaud (Eric Collado)
Techniquement, du point de vue de la réalisation et du montage, pour une première œuvre, Le Périple ne souffre pas de défaut marquant. Tourné à Nice, à Beuil et dans la campagne angevine, Le Périple réinvente une montagne étonnante entre col désertique (les locaux auront reconnu la Madone des Fenestres dans le Mercantour) et bocage angevin, vieilles ruelles médiévales de Beuil et pub emblématique du vieux Nice, de manière bluffante et totalement invisible à quiconque ne connaît pas ces régions. Vincent Orst exprime à sa manière l’amour de sa terre d’adoption comme celle du cinéma de genre. Il évite le trop plein de références qui finit souvent par nous agacer dans les dernières productions horrifique qui souvent se mue en simple inventaire de galons cinéphiliques. Le périple, avec ses défauts, est une œuvre sincère et réellement originale qui ne souffre pas de ce péché pénible de pastiche facile. L’humour qu’il distille lui est propre et ne s’attarde pas sur cette idée recrachée de battre en brèche les clichés du genre, préférant se les approprier et chercher ailleurs à se distinguer. C’est, à travers les dialogues faussement banals, portés par une fière équipe issue de la scène française, que s’instaure un rire franc, véritable succès du film, à en juger les réactions de la salle. La musique de Dario Le Bars, présent à l’avant-première, est, ajoutons-le, une bien belle surprise, assurant l’ambiance, omniprésente, sans jamais être superflue.Jocelyne (Tella Kpomahou que l’on a vu dans Le crocodile du Botswanga)
Le Périple, premier film de Vincent Orst, souffre de quelques faiblesses narratives qui sont vite oubliées tant l’entrain qui s’en dégage nous pousse à les accepter et à se laisser porter sans trop se poser de questions. Si l’on s’attend à une œuvre d’épouvante, il vaut mieux se préparer à mettre nos zygomatiques à rude épreuve. En compagnie de la joyeuse troupe, on passe un moment très agréable et décalé. Pour le metteur en scène, il s’agit maintenant de trouver un distributeur pour son œuvre. C’est le moins qu’on lui souhaite, Le périple méritant de trouver sa place dans un paysage zombiesque sur-exploité ces dernières années en créant une comédie s’éloignant des sentiers parodiques pour mieux trouver sa singularité. Rester à l’écoute de leur page Facebook, des avants-premières parisiennes seront bientôt annoncées.
Boeringer Rémy
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