Un grand merci à Elephant films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Car wash » de Michael Schultz.
« Il serait bien temps que quelqu’un ait de la classe ici ! »
Une journée typique dans une station de lavage de voitures à Los Angeles, où l’on croise un patron américain type affublé de son fils maoïste, les laveurs de voiture, petites gens venus de tous les horizons, et les divers clients. Tous sont plus farfelus les uns que les autres : le rebelle prônant la suprématie noire, l’ancien détenu, l'obèse, les jeunes écervelés, l’homosexuel, le bookmaker, les danseurs qui croient qu'Hollywood les attend, l’amoureux transi, qui rêve de devenir un super-héros, mais qui n'arrive pas à séduire la serveuse du restaurant d'en face...
« Moi je leur cire les pompes mais toi tu leur lèches ! »
Longtemps cantonnés à des rôles de faire-valoir, il faut attendre la fin des 50’s et l’émergence d’une nouvelle génération d’acteurs (Sidney Poitier, Woody Strode...) pour voir les acteurs afro-américains obtenir enfin des rôles intéressants et consistants. Pour autant, une partie de la communauté noire américaine ne se reconnaitra pas dans ces films ni dans cette génération d’acteurs jugée trop encline à obéir aux stéréotypes édictés par les blancs. C’est donc en réaction à cela que se développe dès la fin des 60’s le courant « Blaxploitation », à savoir une production de films centrés sur la communauté afro-américaine, offrant ainsi aux acteurs noirs de véritables premiers rôles. A l’image de Shaft, le policier justicier du film « Les nuits rouges de Harleem » (1971). Brillant étudiant diplômé de Princeton, Michael Schultz entame dès les années 60 une brillante carrière de metteur en scène à Broadway (où il s’impose comme l’un des rares noirs de sa profession) avant de se tourner progressivement vers la télévision (où il mènera une prolifique carrière de réalisateur de séries) et vers le cinéma au début des années 70, profitant notamment de la vogue « Blaxploitation ». En 1976, il tourne « Car wash » sur un scénario de Joel Schumacher, un jeune débutant qui mènera par la suite la longue carrière de réalisateur que l’on connait. A noter que le film fut sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes en 1977.
« Surtout, croyez au Dollar : le Dollar reste tandis que la connerie s’envole ! »
A l’origine, il était prévu de monter ce « Car wash » d’abord comme un musical, sur scène à Broadway, avant d’en faire une adaptation cinématographique. Mais après quelques revirements, l’idée d’un passage par la scène fut abandonné. Ainsi, de prime abord, « Car wash » surprend par sa forme. En effet, bien que vendu comme tel, le film n’est pas véritablement une comédie musicale : certes la musique y est omniprésente, le plus souvent en toile de fond, mais les acteurs ne chantent à aucun moment. Surtout, derrière son apparente légèreté, le film se fait plus complexe et plus dense qu’il n’y parait. D’une certaine manière, « Car wash » brosse ainsi le portrait d’une classe prolétaire californienne à laquelle le cinéma américain ne s’est que peu intéressé. Sorte d’instantané de cette période, le film nous donne à voir, sur fond de musique funk/soul, un peu de l’envers du rêve américain et de ses oubliés. Un monde où les minorités semblent vouées à n’être que les larbins des blancs, cantonnés aux basses-œuvres. Derrière l’humour de circonstance et les blagues de potache, le film dessine aussi une galerie de personnages, souvent cabossés et en marge de l’American Way Of Life (symbolisés par les clients blancs pour la plupart assez pédants et superficiels), qui rendent compte à leur manière du racisme lattent et d’une forme de ségrégation qui perdure au sein de la société américaine. On y croise ainsi un homosexuel exubérant, une prostituée paumée ou un ancien taulard qui tente de se réinsérer. Mais c’est sans doute le personnage de Duane, l’écorché vif fortement ancré dans les combats de son époque (le nationalisme noir, Nation of Islam...), qui demeure sans doute le plus symptomatique et le plus marquant. Pour autant, le film ne verse jamais dans la revendication et la comédie vient souvent désamorcer les situations, comme un moyen de passer outre les petites misères de la vie. C’est sous doute là l’intelligence de Schultz que d’avoir enrobé sa critique sociale dans un habillage de comédie. « Car wash » apparait ainsi comme un film surprenant, à la fois groovy, très énergique et doux-amer. Une très bonne surprise.
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