Du 20 au 24 Septembre 2016, s’est déroulé le 4ème Festival du Cinéma Russe de Nice. Une fois n’est pas coutume, Une Graine dans un Pot était de la partie. A la première soirée, en présence du réalisateur Nikolaï Lebedev, nous avons pu assister à l’avant-première de L’équipage, sorti, il y a quelques mois à peine, en Russie. Ce film hybride débutant comme une romance se mue soudainement en film catastrophe audacieux repoussant les limites du genre dans l’exagération avec ce qu’il faut de panache pour enthousiasmer un public conquis.
Alexei Guchtchin (Danila Kozlovski dont on reparlera dans notre critique de Le légendaire n°17 du même réalisateur) est un pilote d’avion débutant qui ne cesse d’être licencié, au grand dam de son père, Nikolai (Sergey Shakurov) légende de l’aviation soviétique. Le jeune homme, bien que talentueux, ne reconnaît pas l’autorité et va souvent à l’encontre des ordres. Pour la dernière fois, son père accepte de l’aider en le présentant à une petite compagnie aérienne dans l’aviation civile. Il y rentre sous les ordres de Leonid Zinchenko (Vladimir Machkov) et fait la connaissance d’Alexandra (Agné Groudité), une pilote dont il tombe éperdument amoureux.
Vika (Katerina Shpitsa) et Alexey Gushchin (Danila Kozlovsky)
La première partie du récit aborde la narration sous l’angle d’une romance saupoudré de comédie. D’un côté, on suit les péripéties d’Alexei qui ne réussit pas à garder un emploi. Notons que, dès le départ, son côté grande gueule au calme olympien, séduit. On ne peut qu’apprécier cette force tranquille qui décide de laisser parler son cœur et son éthique plutôt que les contritions de sa hiérarchie envers le pouvoir et l’argent. Ainsi, embauché dans l’aviation de transport, pris dans un orage monstrueux, le voilà qui largue les voitures d’un millionnaire plutôt que de se séparer d’une cargaison humanitaire. Quelques moments de cette trempe sont jubilatoires. En parallèle, est développé une romance standardisée où Alexei joue l’amoureux transi et qui n’échappe à la règle des trois R : rencontre, rupture, réconciliation. Tout juste est-elle un prétexte efficace pour traiter, succinctement, de la misogynie dans le milieu de l’aviation civile, qui s’insinue même au sein du couple naissant. Cette aspect de L’équipage est peut-être le point faible du long-métrage durant un poil trop longtemps. D’un autre côté, c’est aussi dans cette première partie que l’aspect comique est le plus développé, notamment à travers les heurts relationnels entre le vieux commandant Leonid qui admire l’audace d’Alexei autant que sa désinvolture l’agace. Peu à peu, il prend la place de père d’adoption, à la fois dur et bienveillant. Les pérégrinations amicales et amoureuses des personnages met en place les conditions nécessaires pour que, chacun se remettant en question, ils forment alors une véritable équipe soudée, prête à former les rangs face à l’adversité.
Leonid Zinchenko (Vladimir Mashkov) et Alexey Gushchin (Danila Kozlovsky)
Et c’est là que surgit l’épreuve titanesque et que le film tourne à l’apothéose aventureuse.Lebedev ne renonce à aucun ressort, à aucune surenchère scénaristique. Un brin grandiloquents, les événements catastrophiques qui s’abattent sur le groupe deviennent jouissifs. Pour une fois, ce sont des personnages lambda qui sont confrontés à l’extraordinaire, devenant héros par idéalisme et non par sélection naturelle. Sélection sur laquelle repose des navets comme San Andreas, où le mec avec les gros bras est toujours le héros. Répondant à un appel de détresse alors qu’ils déplacent un avion à vide, Alexei, Leonid et Alexandra, acceptent de concert de se poser sur un petit îlot volcanique pour sauver scientifiques et touristes des dangers d’une éruption. Le spectateur médusé a alors droit à un melting-pot encensé de quasiment tous les sous-genres de films catastrophes : l’éruption volcanique et par conséquence le tremblement de terre, mais également, le crash aérien ? Gérée avec maestria, cette avalanche de situations épiques laisse méduser et admiratif. Danila Kozlovski n’a plus rien à envier à ses confrères occidentaux, ramenant Neeson, Willis et autres sauveurs providentiels aux rangs d’amateur gentillet. Agné Groudité n’est pas en reste, son personnage féminin jouant à part égale. Sans temps morts, l’action se déroule sans accrocs, offrant à l’expression « grand spectacle » toute sa dimension. On avait rarement vu un avion de ligne décollé sur une piste en feu et en lave, et un transfert de passager entre deux avions à trois mille mètres d’altitude. On en reste encore bouché-bée. Du grand spectacle, vous dis-je !Alexandra (Agné Groudité) et Leonid Zinchenko (Vladimir Machkov)
L’équipage est un film, comment dirait-on, couillu, c’est ça ! Lebedev vous anesthésie avec de tendres tranches de vies, mais revue et corrigé, pour mieux vous laisser clouer à votre siège, les yeux écarquillés, étonné d’avoir senti un souffle nouveau sur un style pourtant à bout de souffle. On avait apprécié The Wave, pour son parti pris de recadrer le film catastrophe dans le réel. Grâce à L’équipage, on s’est réconcilié avec une forme plus traditionnelle mais dont on ne sort pas avec la désagréable impression d’avoir été baladé par une promo tapageuse. Depuis longtemps, un film de ce type tient ces promesses. Il sera difficile de surenchérir après ça !
Boeringer Rémy
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