Cette mini-série très bien conçue et interprétée montre un versant passionnant du procès le plus connu des années 90.
Après avoir produit American Horror Story, la chaîne américaine FX (The Americans, Fargo) lance American Crime Story, composée de saisons indépendantes, consacrées à l’histoire criminelle américaine. La première saison, American Crime Story : People1 v. O.J. Simpson, revient sur le procès du footballeur américain le plus célèbre de l’histoire des Etats-Unis.
Le 13 juin 1994, la vie d’O.J. Simpson (Cuba Gooding Jr) bascule le soir où son ex-femme, Nicole Brown Simpson, et son amant sont retrouvés sauvagement assassinés près de chez lui. Il est en effet le suspect numéro 1, sans véritable alibi et inculpé rapidement du double meurtre. Ce fait divers a défrayé la chronique aux Etats-Unis mais également dans le monde entier. Cette mini-série, aboutie et sans suite, revient sur les faits et sur le procès qui s’est tenu dans un climat irrespirable, dans une société encore marquée par les émeutes de 19922. Le décor est donc planté. Et pour qui a moins de quarante ans, ce procès n’est qu’un vague souvenir d’enfance, et constitue une mine d’or pour de bons scénaristes.
La réalisation s’applique à rester fidèle aux images d’archives.
En s’appuyant sur un montage dynamique, le spectateur plonge dans les méandres du système judiciaire américain : de la sélection des jurés aux investigations privées des avocats, on suit avec un intérêt grandissant toutes les étapes qui établiront l’innocence ou la culpabilité de cet homme à l’attitude ambigüe et parfois immature. La caméra omnisciente ne prend pas partie, mais nous tiraille constamment. Chaque épisode nous retourne. Vous serez aux côtés de la défense et de l’accusation, informés de tout, au-delà de ce que savaient les véritables membres du jury. Vous serez propulsés sur le banc, en face d’une procureure talentueuse et d’avocats de la défense sans scrupule. La thèse du complot raciste résonnera à vos oreilles. Vous serez ballottés, parfois écartelés, ne sachant plus où est la vérité. La force de American Crime Story : People v. O.J. Simpson est d’utiliser le format de la série afin de susciter le doute, lentement et profondément, plus que n’importe quel film judiciaire. L’intime conviction deviendra votre seul phare salutaire dans l’imbroglio créé par la défense, destiné à vous perdre, à vous secouer. Vous vacillerez et découvrirez, comme à l’époque, la difficulté de juger.
Présenté intelligemment à travers des images d’archives, des unes de journaux et des reconstitutions, le rouleau compresseur médiatique est un élément essentiel dans la série. Vous ne pourrez en faire abstraction, au contraire du jury de l’époque, cloîtré pendant un an au moment du procès. La tâche n’en devient que plus ardue. Le rôle des médias et leur cruauté vous feront à coup sûr tomber en empathie avec Marcia Clark, procureure courageuse qu’on a tenté de broyer en critiquant lors du procès tout ce qui la concernait, y compris son physique, pour la faire passer pour incompétente. L’interprétation de Sarah Paulson, qui vient de lui valoir une récompense aux derniers Emmy Awards, est pointilleuse et vous emportera avec elle dans le camp de l’accusation, qui semble avoir toutes les armes pour faire inculper O.J. Simpson. Elle est secondée par Sterling K. Brown (Emmy Awards 2016 du meilleur second rôle), avec qui elle forme un duo harmonieux. L’association est au coeur des attaques de la défense, qui la rend particulièrement sympathique. Courtney B. Vance, lui aussi récompensé par un Emmy, vous séduira en campant l’avocat charismatique d’O.J. au talent d’orateur hors pair, à travers ses speeches provocateurs. Le reste de ce casting trois étoiles est juste, les producteurs n’ayant pas hésité à faire appel à David Schwimmer, John Travolta ou l’oscarisé Cuba Gooding Jr. Ce dernier propose d’ailleurs une vision d’O.J. Simpson très ambigüe et particulièrement crédible, qui sera un élément primordial dans « notre » verdict final.
Avec seulement dix épisodes, American Crime Story : People v. O.J. Simpson passionne. Véritable série interactive, elle est à regarder à plusieurs afin de refaire le procès à la maison.
La Cinéphile Eclectique (Carnets Critiques )
(1) En anglais, le mot people incarne ici le ministère public.
(2) Rodney King, jeune homme noir, fut abattu par un policier blanc, ce dernier étant acquitté lors de son procès. Ce verdict mit le feu aux poudres et déclencha à Los Angeles de violentes émeutes.
Série créée par Scott Alexander et Larry Karaszewski, diffusée à partir du 2 février 2016 sur la chaîne américaine FX. Elle reste inédite en France mais sera probablement diffusée sur une chaîne du groupe M6.
Avec Sarah Paulson, Courtney B. Vance, David Schwimmer, John Travolta, Cuba Gooding Jr…