Calfeutré dans une pièce sombre, les volets fermés, la lumière éteinte, le smartphone dans le micro-onde et un morceau de chatterton sur la caméra de mon ordinateur portable, je m’apprête à commettre l’irréparable, à prendre des risques incroyables pour vous informer sur une conspiration réelle, garantie cent pour cent compatible avec la démocratie occidentale. Bon, j’avoue tout. On est sorti un peu flippé de l’avant-première de Snowden, le dernier film militant d’Oliver Stone, le réalisateur américain ami de Fidel Castro et metteur en scène de brûlot inoubliable tel Platoon ou Wall Street, qui sortira le 1er novembre 2016. Et croyez-nous, les complotistes à la petite semaine ont de quoi aller se rhabiller. Ce que vous rêviez, la NSA l’a fait.
Edward Snowden (Joseph Gordon-Levitt que l’on a vu dans Sin City : J’ai tué pour elle et The Walk – Rêver plus haut) a été contractuel de la CIA puis de la NSA de 2004 à 2013. Informaticien, il a mis au point des systèmes de surveillance ciblés et de protection des données. Son travail d’analyste lui a donner l’occasion de se rendre compte de l’ampleur de la surveillance mise en place et de la légalité douteuse des mandats mis en place par une cour secrète. Il est alors entré dans l’histoire en offrant aux journalistes du Washington Post, des renseignements primordiaux sur plusieurs système d’espionnages américains et leur utilisation liberticide. Réfugié, par défaut, en Russie, le jeune lanceur d’alerte de 33 ans est sous la menace d’une extradition et d’un procès militaire pour haute trahison. C’est son parcours que retrace Snowden.
Lindsay Mills (Shailene Woodley que l’on a vu dans Divergente 2 : L’insurrection et Divergente 3 : Au-delà du mur) et Edward Snowden (Joseph Gordon-Levitt)
Soyons honnête, d’un point de vue purement cinématographique, il manque du souffle à Snowden. Si le personnage réel est passionnant par son engagement et les risques insensés qu’il a prit pour dévoiler l’ampleur de l’espionnage américain à tous les citoyens du monde, son histoire détaillée est bien loin d’être trépidante. D’autant plus que l’on connaît déjà la fin. Retraçant la vie d’Edward Snowden depuis son service militaire jusqu’à son exil forcé, la majorité du film pose les principes du travail d’analyste dans les agences de renseignement, un job qui n’est foncièrement pas passionnant, dont l’essentiel du temps est passé à coder ou à surveiller des inconnus sans envergures.Ni les études ni le travail, disposant de longues plages descriptive, de notre héros n’apporte de sel particulier à la narration. Parmi les nombreux employés des renseignements, Snowden, pourtant talentueux, mettra du temps à se distinguer et nombre de ses programmes seront détournés de leur utilisation initiale. L’autre partie importante du récit est la longue attente et la discussion interminable avec le Washington Post qu’il a entamé à Hong-Kong. Ces deux éléments primordiaux du récit sont incontournables et nécessaires à la compréhension des enjeux mais ne sont guère palpitants. Snowden vaut davantage pour le drame psychologique que pour le thriller politique car Stone également, prend le temps, de nous éclairer sur le système de coercition psychologique qui s’abat sur les agents, mélange de propagande constante et de menace intimidante. En rentrant dans ces services, vous abdiquez tout contrôle sur votre vie privée et votre intimité. Vous rentrez dans un monde de magouille où les agents doubles ne jouent pas forcément à l’étranger, où les intérêts privés prévaut finalement sur les intérêts nationaux.
Edward Snowden (Joseph Gordon-Levitt) et Gabriel So (Ben Schnetzer que l’on a vu dans Pride, The Riot Club et Warcraft – Le commencement)
C’est ce qu’à expérimenter Edward Snowden, à travers plusieurs cas concrets, notamment les magouilles du surnommé Matt Kovar (Timothy Olyphant que l’on a vu dans Joyeuse Fête des Mères) pour piéger un banquier honnête (sic) et le dénommé Hank Forrester (Nicolas Cage que l’on a vu dans La sentinelle et Le casse), un professeur de Snowden, mis au placard à La Colline pour avoir informer d’un détournement de fonds publics à sa hiérarchie par l’attribution de marchés par connivence. La dénonciation sur ce point est très clair. La préoccupation principale de l’administration américaine n’est pas tant de lutter contre le terrorisme que de satisfaire les intérêts économiques de la finance et des complexes militaro-industriels. Et si l’on donne l’impression de désapprouver, c’est alors que les menaces, plus ou moins feutrés, commencent. Prenant conscience d’une violation délibéré des libertés fondamentales, contraire à la constitution américaine, et échappant à tout contrôle, Edward Snowden, pourtant de sensibilité droitière va avoir une révélation d’ordre éthique et sombrer peu à peu dans la paranoïa. Il faut dire que ce qu’à révéler Edward Snowden pourrait inquiéter les plus sceptiques et les plus confiants d’entre nous. Pendant des années, le gouvernement américain a permit une surveillance sans filets de tous les citoyens américaines et européens, seulement appuyés par les mandats d’une cour de justice fantôme sans aucun contrôle démocratique. Les logiciels développés par la NSA et la CIA sont pour le moins inquiétant, permettant, par exemple, de conserver toutes vos données, vos SMS, vos E-mails, vos conversation sur chat et même d’activer les caméras de vos appareils électronique éteints. La paranoïa s’étendant au sein du renseignement lui-même, des milliers de personnes sans liens avec une quelconque entreprise terroriste ont ainsi été espionnés, avec la bénédiction des géants des télécommunications.
Edward Snowden (Joseph Gordon-Levitt) et Lindsay Mills (Shailene Woodley)
C’est certainement cette collusion entre entreprises multinationales et pouvoir politique qui demeurent la plus inquiétante. Ce que souligne Snowden est que de tels outils, déjà problématique en démocratie, mis en place, seront dévastateurs si un régime fasciste s’installe. Une supposition pas si folle lorsque l’on note l’avancée des extrêmes-droites occidentale. Certain argueront qu’ils n’ont rien à se reprocher mais, pour autant, irait-il d’eux-mêmes s‘exposer à poil sur la place publique ? Il est plus que nécessaire de prendre conscience de la porosité et de la relative insécurité de vos données personnels dans un monde connecté. Snowden prête, à Lindsay Mills (Shailene Woodley), la compagne d’Edward, démocrate militante contre la guerre en Irak, d’avoir éveillé le jeune homme, persuadé à l’origine du bien-fondée des actions gouvernemental et même des guerres extérieures, à ses problématiques. Comme quoi, tout arrive, et qu’il ne faut pas cesser d’argumenter, de tenter de convaincre autour de nous. Snowden, c’est tout de même l’histoire d’un petit soldat réactionnaire qui devient l’ennemi numéro de l’armée américaine pour faire respecter les droits fondamentaux garantis par sa constitution. Officiellement, l’administration Obama, tout en condamnant fermement un homme qu’ils considèrent comme un traître, ont fait leur mea-culpa et promis que les intrusions de la NSA faisaient partis du passé. Reste que croire des gens si convaincus qu’ils protègent le monde libre et même ses citoyens « libres » d’eux-même est chose peu simple.
Glenn Greenwald (Zachary Quinto que l’on a vu dans American Horror Story, Hitman : Agent 47 et Star Trek Sans Limites)
Aucune personnes impliquées dans les révélations de Snowden n’a été inquiété, toutes ont bénéficié d’une immunité totale. Les pays étrangers dont les citoyens étaient surveillés ont protesté mollement face aux gardiens du monde libre. Snowden, quant à lui, paria dans son pays, a été soutenu par de nombreux citoyens et intellectuel, accueilli en Russie après la révocation de son passeport, et ne pourra probablement plus jamais retourner chez lui sans risquer un procès inique. Il reste à la merci d’un changement de régime en Russie, le successeur de Poutine pouvant très bien rompre les engagements pris. A l’image de Chelsea Manning, qui a écopé de trente-cinq de réclusion en isolement, pour avoir, entre autre, dénoncé les tortures de l’armée américaine en Irak, le parcours de Snowden met en lumière le verrouillage de plus en plus drastique de nos libertés, qu’une partie de l’opinion est d’ailleurs prête à abdiquer, et la criminalisation des activistes. A l’occasion de la sortie de cette biographie, approuvé par l’intéressé, qui apparaît à la toute fin du film, Amnesty International organise une campagne de soutien demandant la grâce présidentielle. Vous pouvez signer la pétition à cette adresse : http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Liberte-expression/Actions/Barack-Obama-doit-gracier-ESnowden-19115
Boeringer Rémy
Retrouvez ici la bande-annonce :