On ne peut pas dire que TF1 se repose sur ses lauriers. Si pendant des années la première chaine d'Europe s'est contentée de ses acquis avec ses fictions policières traditionnelles et ses comédies familiales formatées, la mue entreprise depuis que Marie Guillaumond est à la tête de la direction artistique de la fiction française de la chaine est prégnante. Il suffit de regarder les projets atypiques qui sont sur les rails comme Louis(e), La Mante, ou encore Munch pour se convaincre que les héros lisses cèdent la place conséquemment à des personnages aux aspérités plus ou moins fortes et dans des genres peut-être moins ouvertement populaires par chez nous que ceux dont elle s'est fait l'apanage. Déjà l'année dernière le double épisode pilote de Contact s'était frotté au fantastique avec à la clé un important succès qui a permis à la série de rentrer en tournage pour une saison complète. Ce recours aux épisodes pilotes est une façon de faire peu usitée dans nos contrées mais qui relève pourtant d'une logique imparable. Aujourd'hui c'est Emma qui arrive à l'écran pour un double épisode qui pourrait donner lieu à une saison entière si le succès est au rendez-vous. Emma continue d'explorer une veine que la fiction française a délaissé au fil du temps et qui, aussi casse-gueule soit t-elle, ne manque ni d'intérêt, ni d'audace.
" En tant qu'acteur, quand la révélation arrive qu'il s'agit d'un robot, on espère que ce n'est pas une fausse bonne idée "Patrick RidremontOui vous avez bien lu et ce n'est pas un spoiler puisque le postulat de la série part de cette découverte, Emma est un robot, ou plus exactement un androïde de quatrième génération amenée à faire équipe avec le commandant Fred Vitulo. Bien évidemment, dès le départ, le comportement d' Emma, didactique, rigide au possible et dotée de capacités d'analyse hors norme interpelle ses coéquipiers, mais, dès que Vitulo est mis dans la confidence, l'impossible, l'impensable devient palpable. De ce point de départ dont personne ne trouverait rien à redire si nous étions dans un pays anglo-saxon, pour une série française, là bien sûr, le pitch fait se lever les sourcils et les ricanements sous cape, avant même de savoir de quoi il retourne réellement, vont être légion. Et pourtant...
" C'est quelque chose de très simple, de très réaliste, tout est dans le jeu entre les deux personnages. "Solène HébertEn effet, toute l'ironie dramatique qui découle de la série démarre du fait que les téléspectateurs savent d'emblée qu'il s'agit d'un robot. Loin d'être évident à nous faire avaler sans avoir recours à des effets spéciaux, on croit pourtant à cet état de fait, l'interaction entre les comédiens, leur complicité et notre faculté à savourer le second degré que génère leur complicité, étant par ailleurs nécessaires au plaisir que l'on prend. Le jeu de Solène Hébert, quasi inconnue et auquel la chaine a décidé de faire confiance, est pour beaucoup dans la réussite d'un personnage qu'il n'était vraiment pas évident de faire vivre et surtout de rendre crédible, mais la jeune comédienne y réussit parfaitement.
" C'était très dur. Il faut être très attentif à tout, il y a un travail de corps, de voix, parce qu'elle présente malgré tout des émotions. J'ai gommé ma gestuelle, tous mes tics, ce qui est compliqué, parce qu'on n'a pas conscience de ses propres tics "Solène HébertFace à elle, Patrick Ridremont qu'on avait adoré dans En Immersion de Philippe Haïm, révèle un tempérament comique irrésistible, sachant faire jouer les mots dans sa bouche avec une délectation palpable. Entre les deux comédiens, c'est une entente qui passe d'emblée et qui est pour beaucoup dans la réussite de la série. Lui n'est pas qu'un faire valoir, loin de là, il a également toute une palette de jeu à sa disposition pour faire passer l'incrédulité, la surprise, la colère ou la détermination. Vitulo est un flic d'expérience qui doit faire face à ce qui pourrait s'apparenter à une rookie plus douée que la moyenne et la partie de ping pong qui s'engage entre les deux comédiens ainsi que leur complicité qui se ressent, sont le ciment du plaisir que l'on prend à découvrir la série.
" On est arrivés sur le plateau, on était déjà partenaires. "Patrick RidremontL'écriture, confiée à Manon Dillys et Sébastien Le Délézir, se révèle véritablement efficiente dans la partie comédie et démontre une vraie efficacité, encore plus palpable dans le second épisode. Le parti pris d'ancrer la série dans un univers relativement réaliste implique que la partie fantastique ne soit pas là au premier plan pour ne pas déstabiliser le grand public et s'efface même parfois devant des enquêtes qui ne brillent pas par leur originalité et par la multiplication de scènes d'interrogatoire qui freinent le rythme des épisodes. C'est le bémol que l'on peut avoir devant ces débuts. Hors, construite avec un fil rouge qui ne demande qu'à être exploité si la suite de la série voit le jour, Emma présente des caractéristiques vraiment intéressantes et a le mérite de défricher un terrain relativement vierge dans la fiction française contemporaine. Les prémisses du questionnement d' Emma sur sa condition laissent espérer notamment de véritables perspectives qui pourraient en faire un véritable ovni de l'offre sérielle de TF1.
Crédits: TF1