Fritz Bauer un héros allemand

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à ARP Sélection pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Fritz Bauer, un héros allemand » de Lars Kraume.

« J’aime chasser. Mais pas les animaux. »

En 1957, le juge Fritz Bauer mène une traque sans relâche contre les criminels de guerre nazi. Un jour, par le biais d’un courrier d’un rescapé des camps parti en Argentine, il apprend qu'Adolf Eichmann se cache à Buenos Aires. Les tribunaux allemands préfèrent tourner la page plutôt que le soutenir. Fritz Bauer décide alors de faire appel au Mossad, les services secrets israéliens.

« Vous voulez quoi ? La justice ou une nouvelle cuisine ? Si vous voulez sauver notre pays, il faut savoir le trahir. »

Fort d’une solide et prolifique carrière de réalisateur pour la télévision allemande (on lui doit notamment beaucoup d’épisodes de la série « Tatort »), Lars Kraume n’avait pas, jusqu’ici du moins, réussi à s’imposer durablement au cinéma en dépit de quelques tentatives (« Les jours à venir » en 2010, « Mes sœurs » en 2013) restées inédites chez nous. Sa rencontre avec l’écrivain français Olivier Guez, venu en Allemagne présenter son livre « L’impossible retour – une histoire des Juifs en Allemagne depuis 1945 », sera ainsi déterminante. Se liant d’amitié autour d’une passion commune pour l’Histoire contemporaine, les deux hommes se lancent alors dans l’écriture d’un film consacré à Fritz Bauer (1903-1968), le célèbre procureur allemande de Francfort, à l’origine de l’arrestation par le Mossad d’Adolf Eichmann et instigateur des procès dits de Auschwitz. A noter que le personnage apparaissait déjà dans le récent « Labyrinthe du silence » (2014) réalisé par Giulio Ricciarelli qui traitait déjà, mais de façon plus spécifique, du second procès d’Auschwitz.

« Il ne faut jamais céder à la tyrannie. Jamais. »

Il aura fallu attendre la chute du mur de Berlin (et avec elle la disparition progressive de toute une génération) pour que les tabous relatifs au comportement de la population allemande durant les heures noires se lèvent progressivement de l’autre côté du Rhin. Ainsi, depuis une quinzaine d’années, les films allemands traitant de cette sombre période se sont multipliés sur les écrans. Qu’il s’agisse de « La chute » et de « Elser un héros ordinaire » d’Oliver Hirschbiegel, « Phoenix » de Christian Petzold, ou encore de « Le labyrinthe du silence » de Giulio Ricciarelli. « Fritz Bauer un héros allemand », à l’instar du récent « Labyrinthe du silence », traite pour sa part de la schizophrénie de la société allemande de l’après-guerre, tiraillée entre son appartenance au club des démocraties occidentales et son système administratif et politique encore largement noyauté par les anciens nervis et collaborateurs du régime nazi. A travers le personnage du procureur Bauer, le film nous donne ainsi à voir les troubles de cette Allemagne des années Adenauer, qui, au nom de la concorde et de la réconciliation nationale, n’a jamais véritablement procédé à la moindre épuration des anciens collaborateurs nazis ni même à son examen de conscience. Fritz Bauer se retrouve ainsi face à une administration viciée au sein de laquelle les réseaux d’influences d’anciens nazis s’arrangeaient pour que leurs anciens camarades ne soient jamais inquiétés. Quitte à utiliser des méthodes héritées du fascisme (la police qui fait taire les juges à grands coups de chantage et de menaces). Le tout avec le consentement tacite du gouvernement, qui comptait lui-même dans ses rangs des personnalités au passé plus que trouble. Un contexte de défiance, qui poussera finalement le procureur à prendre l’attache des services secrets israéliens contre l’avis de son gouvernement pour mener à bien une mission. Mais « Fritz Bauer un héros allemand » est aussi le portrait d’un homme de convictionsautant qu’un hommage à son courage, à sa détermination et à son action. Pour mémoire, c’est lui qui est à l’origine de l’arrestation d’Adolph Eichmann en Argentine ainsi que l’instigateur de second procès d’Auschwitz. Ajoutons à cela que l’homme représentait, par ses origines et ses mœurs (il était juif, socialiste et homosexuel), à peu près tout ce que pouvait détester une large part de la société allemande de l’époque. Si le film, très pédagogique, demeure particulièrement prenant et intéressant, on regrettera cependant un peu l’importance disproportionnée donnée à l’homosexualité des héros. Reste une reconstitution habile et solide, pour un film intelligent.

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Le DVD : Le film est présenté en version originale allemande (5.1). Des sous-titres français sont également proposés. Côté bonus, le film est accompagné d’un making-of, de scènes coupées et de bandes-annonces.

Edité par ARP Sélection, « Fritz Bauer un héros allemand » est disponible en DVD depuis le 13 septembre 2016.

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