Un grand merci à Blaq Out pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Citizenfour » de Laura Poitras.
« Sachez que pour l’heure chacun de vos gestes sont enregistrés dans un système sans limites et sans garde-fous »
En 2013, Edward Snowden déclenche l’un des plus grands séismes politiques aux Etats-Unis en révélant des documents secret-défense de la NSA. Sous le nom le code « CITIZENFOUR », il contacte la documentariste américaine Laura Poitras. Elle part le rejoindre à Hong Kong et réalise en temps réel CITIZENFOUR, un document historique unique et un portrait intime d’Edward Snowden.
« C’est sans doute la plus grande atteinte aux libertés civiles américaines de l’Histoire »
Documentariste américaine, Laura Poitras s’était principalement faite connaitre pour ses films (« My country, my country », « The law in these parts ») centrés sur la « guerre contre le terrorisme et la terreur » menée par les Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre 2001. Des films remettant en cause la politique américaine, et notamment les dispositifs de surveillance de la population, qui lui ont valu d’être placée sur la liste de surveillance aux Etats-Unis et d’être arrêtée une quarantaine de fois à la frontière américaine. Un travail qui lui a également valu d’être contactée de façon « clandestine » (au même titre que le journalise Glenn Greenwald) par Edward Snowden, un informaticien de la National Security Agency (NSA), qui, scandalisée par les pratiques de surveillance généralisée de la population par l’administration américaine, était bien décidée à devenir un lanceur d’alerte en dévoilant de nombreux documents confidentiels et classifiés mettant à jour un certain nombre de pratiques illégales et allant à l’encontre des libertés individuelles prévues par la Constitution. Avec la plus grande discrétion, elle a ainsi pu rencontrer Edward Snowden à Hong-Kong et filmer ses confidences et la préparation de ses révélations. Elle en a tiré « Citizenfour » un documentaire, qui fut sacré aux Bafta et aux Oscars.
« Je n’ai pas peur de vous. Je ne resterai pas tapi dans l’ombre. Vous ne me ferez pas taire comme vous avez fait taire les autres. »
« Citizenfour » est un document qui a ceci de précieux et de passionnant qu’il parvient à saisir un instant « historique » avant même qu’il n’ait lieu aux yeux du monde. Le film nous permet ainsi de suivre l’intimité et le secret des huit jours qui ont précédé le choc des révélations d’Edward Snowden et la préparation médiatique de cet évènement, tout sauf improvisé, avec l’aide de deux journalistes complices. Ces dernier feront ainsi monter le buzz en publiant savamment plusieurs articles durant les jours précédents. Mais surtout, le film est un véritable brûlot qui participe à la dénonciation d’un système qui, sous couvert d’impératif sécuritaire, s’est octroyé le droit de mettre en place un dispositif de surveillance (d’espionnage ?) particulièrement intrusif dont les visées réelles semblent dépasser leur objectif initial. Pire encore, ce dispositif semble de nature à remettre en cause les libertés individuelles fondamentales telles que garanties par la Constitution. En filigrane, le film dessine le portrait d’un homme jeune et résolument décidé à lutter contre le système en place. Tout juste pourra-t-on regretter le manque de distance de la réalisatrice qui semble boire les paroles de Snowden sans jamais chercher à les relativiser. Il en ressort un portrait un peu flatteur de l’informaticien, qui ne cherche jamais à creuser les ambiguïtés de sa personnalité (une certaine mégalomanie), ni la relative incohérence de ses choix (l’homme dénonce un système américain devenu autoritaire et trouve asile... en Russie !). De quoi mettre tempérer un peu la sincérité du propos de ce documentaire qui, filmé comme un film d’espionnage, s’avère particulièrement captivant.
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