Un grand merci à Carlotta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le soldat Laforêt » de Guy Cavagnac.
« Caporal, vous savez que la guerre est finie ? »
Juin 1940. Le jeune soldat Laforêt perd malencontreusement son régiment au détour d’une route.
Il tente de retrouver ses camarades, en vain. Il se met alors à errer à travers les paysages de l’Aveyron.
Son vagabondage l’amène à croiser toute une galerie de personnages singuliers…
« La guerre gagnée ou perdue on s’en fout ! C’est la discipline qui compte ! »
Diplômé de la prestigieuse IDHEC, Guy Cavagnac débute sa carrière comme assistant réalisateur. Il travaille alors avec le grand Jean Renoir, puis avec son ami Paul Vecchiali. C’est d’ailleurs avec ce dernier ainsi qu’avec Liliale de Kermadec qu’ils fondent en 1970 la société de production Unité 3, avec laquelle il s’imposera au cours des décennies suivantes comme une figure de la production cinématographique régionale de Midi-Pyrénées. Mais en 1970, Guy Cavagnac entreprend surtout la réalisation de ce qui sera son unique film, à savoir « Le soldat Laforêt ». Un film qui, malgré ses présentations dans de nombreux festivals et un accueil plutôt favorable de la critique, ne sortira finalement sur les écrans qu’en 1974et dans un quasi-anonymat.
« Il passe pas grand monde ici. On pourrait bien crever que personne ne s’en rendrait compte »
« Le soldat Laforêt » s’ouvre par des images d’archives de la guerre, de villes en ruine et de populations en fuite. Avant que le récit ne débute sur les images d’un régiment en déroute, sur les chemins escarpés de l’Aveyron. Mais très vite, un vent de légèreté souffle sur le récit. A l’image du besoin pressant qui oblige le héros du film à se soustraire à son régiment et qu’il ne parviendra plus à rejoindre. Au gré de son avancée, ses premières rencontres s’avèreront peu avenantes (un ubuesque adjudant obsédé par l’ordre, l’exécution sommaire de quelques hommes par un autre groupe d’hommes armés), poussant Laforêt à s’éloigner du monde des hommes. Dès lors, commencera pour lui une errance bucolique à travers la campagne aveyronnaise qui aura vite une saveur de liberté retrouvée. Une parenthèse exquise et insouciante dans un monde rural sur lequel les évènements extérieurs, et notamment le choc de la capitulation et de la débâcle, ne semblent pas avoir de prise. Il souffle ainsi sur cet étrange film de Guy Cavagnac comme un vent teinté de (contre-)culture et de philosophie hippie. Une sorte de retour à la terre et à la nature prôné par le réalisateur qui renvoie ici à une certaine conception hédoniste de la vie : on y écoute des femmes jouer de la musique nues dans la nature (scène qui rappelle le « Déjeuner sur l’herbe » de Renoir), on y fait des siestes dans l’herbe, on s’y adonne à l’amour libre avec des inconnues (le réalisateur nous rejoue même « Jules et Jim » le temps de quelques scènes) et on y vante les bienfaits des cigarettes aux herbes. Même le maquis, que le héros finit par rejoindre en fin de récit, s’apparente davantage à une communauté beatnik qu’à une armée de l’ombre. Et ce n’est au final que la folie meurtrière des hommes qui viendra mettre un terme à ce paradis retrouvé dans lequel on aurait pu vivre plus d’un million d’années. Et toujours en été. Au final, Guy Cavagnac signe là un film extrêmement étonnant, un manifeste pacifiste de la jeunesse souvent déroutant et très ancré dans son époque. Mais fort d’un joli casting (Bernard Haller, Francisco Rabal, Catherine Rouvel), ce petit film assez mineur parvient à se faire par moment très attachant.
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