DON’T BREATHE – LA MAISON DES TÉNÈBRES : À perdre haleine ★★★★★

Un vrai travail d’esthète pour ce thriller implacable. Déjà une référence.

Sur un postulat d’une simplicité confondante, qui reformule l’adage « Tel est pris qui croyait prendre », Fede Alvarez, réalisateur du déjà solide remake d’Evil Dead, revient aux affaires de façon éblouissante. Toujours soutenu à la production par Sam Raimi, qui avait logiquement supervisé la nouvelle mouture de son propre film, Alvarez troque le gore contre le suspense pur et dur, minimaliste et pourtant jusqu’au-boutiste. Après un prologue qui anticipe brièvement le cauchemar à venir, l’intrigue reprend depuis son point de départ et présente rapidement les protagonistes, trois jeunes cambrioleurs qui rêvent de quitter leur sinistre quartier de Détroit. Une opportunité en or s’offre à eux le jour où ils apprennent qu’un voisin, ancien combattant, dissimule chez lui une vraie fortune. Le voler devrait être un jeu d’enfant puisqu’il est aveugle. La nuit tombée, ils s’introduisent à son domicile, sans un bruit, avant de réaliser qu’ils l’ont gravement sous-estimé.

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En apparence, peu d’originalité dans cette histoire d’arroseur(s) arrosé(s) mais Alvarez a l’idée géniale d’exploiter la cécité du vétéran cambriolé comme un ressort à la fois pathétique et terrifiant. Il suffit de le voir tituber ou heurter les murs pour compatir à son infirmité, alors même qu’il devient profondément antipathique quand la situation se retourne à son avantage (toute la séquence dans l’obscurité, visuellement inédite mais aussi incroyable dans l’inversion des rôles qu’elle propose). Il en va de même pour les trois intrus qui, sans mériter ce qui leur arrive, n’ont rien de foncièrement attachant. Si leur calvaire, violent, démesuré, conduit le spectateur à se ranger de leur côté, chacun garde sa part de responsabilité. Cette ambivalence passionnante s’inscrit également dans le projet esthétique du film. Chaque cadre ou mouvement de caméra confronte la vision du trio à celle de l’aveugle, et le sentiment d’anxiété est ainsi palpable dans un camp comme dans l’autre. La promiscuité physique entre les voyants et le non-voyant polarise l’intégralité du dispositif scénique, qui réussit à se renouveler scène après scène, en explorant la maison de fond en comble. Un décor que l’on apprivoise de fait assez facilement et qui se prête parfaitement au jeu du chat et de la souris. Impossible non plus d’omettre le travail sur le son. Ici, le silence revêt une importance vitale, le moindre craquement de plancher, la moindre respiration un peu trop audible (en ce sens, le titre se justifie pleinement) étant potentiellement mortels. De quoi évoquer d’autres oeuvres claustrophobiques, telles que The Descent, où l’on retrouvait ce même danger.

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Par ailleurs, si le récit est bel et bien transcendé par la mise en scène, il réserve aussi son lot de surprises. Sans rien révéler, disons simplement qu’un revirement à mi-parcours vient creuser une veine beaucoup plus sordide, le film appelant dès lors à un questionnement moral qui complexifie encore davantage le personnage du vétéran aveugle. Pour l’incarner, Stephen Lang fait preuve d’un charisme exemplaire et fragilise son image d’acteur bodybuildé en se montrant vulnérable à plusieurs reprises. Un choix de casting idéal qui profite à l’ambiguïté permanente du film, mentionnée plus tôt. Les trois autres comédiens lui tiennent tête avec talent, crédibles en malfrats immatures et dépassés par les évènements. Enfin, citons le chien monstrueux qui garde la maison, sorte de prolongement animal et valide de son maître. À bien des égards, Alvarez revigore le genre en orchestrant un thriller haletant, virtuose et premier degré, loin de toute posture auteurisante. S’il n’est pas « le meilleur film d’horreur américain des 20 dernières années » comme le vante l’affiche, Don’t Breathe – La Maison des Ténèbres occupe malgré tout le haut du panier.

Réalisé par Fede Alvarez, avec Stephen Lang, Jane Levy, Dylan Minnette, Daniel Zovatto

Sortie le 5 Octobre 2016.