De: Kirk Jones.
Avec: Robert de Niro (Casino, Il était une fois le Bronx), Kate Beckinsale (Underwordl, Whiteout), Drew Barrymore (E.T, Amour et amnésie), Sam Rockwell ( Laggies, Chocke), Austin Lysy( Ainsi va la vie, Garden State).
Résumé: Un homme veuf décide de jouer les touristes à travers les Etats-Unis et de réunir ses quatre enfants, disséminés dans tout le pays, afin de reprendre contact…
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En ce moment, je n’ai pas envie de me prendre la tête. Et vu le contexte, ça se comprend. Exit les films où les poings et le sang volent à gogo. Place aux rires, à la comédie.
Mais, il me semblerait que certains n’aient pas la même conception que moi de l’humour. Par exemple, trouver A la recherche du bonheur dans le rayon comédie me laisse perplexe tant ce film est profondément déprimant ( et tout autant réussi).
Pour Everybody’s fine, c’est un peu pareil. En voyant la BA , j’imaginais quelque chose de particulièrement rigolo voir caustique sur les relations familiales. D’autant plus que Sam Rockwell était de la partie. Mais, il n’en est rien enfin pas tout à fait. Le film de Kirk Jones se veut particulièrement doux-amer voir mélancolique mais aussi prodigieusement pertinent.
Un titre qui joue sur l’ironie sans parler d’une affiche qui laisse supposer une énième réunion familiale américaine dans toute sa splendeur un jour de Noël. Au lieu de ça, on se met à suivre Frank, un père de quatre enfants récemment veuf; qui s’ennuie et qui voudrait voir ses enfants. Mais, ces derniers sont bien trop occupés pour lui laisser une place dans leurs vies déjà bien rangées.
Dans la première partie du film, ce qui m’a saisi c’est ce constat alarmant ( genre sonnette d’alarme) sur notre société contemporaine qui met au rebut au même titre que les objets usagés, les personnes âgées. Lorsque l’heure de la retraite ( ou du glas) a sonné, ces Hommes se retrouvent dépossédés de tout. Sentiment exacerbé dans les grandes villes telles que New-York comme en témoigne cette magnifique scène où Frank rencontre un autre vieux perdu comme lui. A pas d’heure de la nuit en train de philosopher sur le pourquoi du comment, de comment ce pays qui les a vu grandi a autant changé. Et, de combien il n’a plus besoin d’eux à présent.
Dans de nombreuses tribus africaines, le vieux du village est le garant de la sagesse, de la mémoire collective et de l’histoire. C’est aussi souvent le chef; quelqu’un à qui on voue un grand respect aussi. Alors que chez nous, la vieillesse est synonyme de dégradation physique et mentale, de perte d’autonomie; et disons-le honnêtement, de poids lourds. Aussi, ces hommes et ces femmes se retrouvent souvent seuls; des fois avec plus de chance, à deux. Mais, dépourvus de mission, d’utilité civique et citoyenne, de but ainsi qu’une de certaine reconnaissance. Si ce n’est peut-être faire marcher l’économie en dévalisant les allées des supermarchés en achetant un tas de trucs inutiles comme Frank.
La maison qu’on a trimé toute sa vie pour la payer se vide peu à peu des enfants partis à leur tour fonder leur propre famille. C’est ironique quand on y pense c’est quand on a plus d’argent et de temps pour en profiter que les gens qu’on aime nous quitte. C’est comme si on avait fait les choses à l’envers. Comme si Frank et tant d’autres avaient cru qu’un confort matériel, une certaine sécurité le protégeraient lui et les siens.
Mais, le temps fait son œuvre irrémédiablement. Les rapports s’inversent, les enfants deviennent les parents de leurs propres parents car ils jugent ces derniers à tord et à raison trop fragiles. A présent, c’est à eux donc de protéger ceux qui les ont fait grandi; et donc, de les mentir. C’est aussi le temps des désillusions familiales, des regrets aussi. Des secrets, des non-dits remontant à la surface. Et qu’à force d’avoir voulu et exigé le meilleurs pour ses enfants, Frank n’avait finalement réussi qu’à s’éloigner de ses propres enfants, de ne pas assez les connaître.
Autre chose qui m’a frappé c’est cette impatience, cette gêne occasionnées devant un homme âgé avec son appareil photo à pellicule comme venu d’un autre monde. D’une autre espèce peut-être aussi; bien trop encombrant surtout. Comme s’il n’avait pas à être fier de ce qu’il avait entrepris dans sa carrière avec ses fils électriques; de ses enfants, sa plus grande fierté au demeurant. Comme si ça aussi il fallait le taire arrivé à un certain âge; ne plus rien attendre et se terrer seul dans sa maison jusqu’à ce que la grande faucheuse frappe. Au final, l’homme il semblerait a lui aussi une date de péremption. Consommable quand il est top de sa forme et à fortiori, périssable quand il ne l’est plus.
En outre, avec tous les moyens de communication dont nous disposons nous avons jamais été aussi nombreux à échanger, à nous parler. Quelle farce! Nous n’avons jamais été aussi seuls, désarmés et démunis malgré les cent amis qui ornent notre page Facebook. On se révèle impatient, irrespectueux devant un père qui veut juste prendre en photo l’œuvre de ses enfants. Un père en quête de sens, d’amour et de pardon.
Everybody’s fine est un film qui en dit plus qu’il n’en parait avec un Robert de Niro toujours aussi impeccable. Son quatuor Rockwell-Barrymore-Beckinsale-Lysy le lui rende bien pour ne rien gâcher.