Abordons dans cet article un arc dramatique qui passe du déni, du refus à l’acceptation.
Assurons-nous dans un premier temps de la définition de ce terme d’arc.
Quelques définitions
La notion d’arc peut porter sur l’histoire ou l’intrigue, c’est-à-dire la série d’événements qui se produisent dans le cours de l’histoire.
Elle concerne aussi les différents états de conscience d’un personnage face aux événements qu’il rencontre au cours de l’intrigue.
Dans les deux cas, nous avons une succession de phénomènes qui s’inscrivent chacun dans une durée spécifique. D’un côté, celle de l’histoire.
De l’autre, celle de l’évolution d’un personnage sur le plan généralement psychologique (une prise de conscience de sa véritable nature) mais parfois aussi physique. Et il arrive assez souvent que cette mutation du personnage se fasse sentir sur les deux aspects, à la fois physique et psychologique.
Cohérence de l’histoire
Une histoire est un tout cohérent.
C’est-à-dire qu’elle est composée de parties qui une fois assemblées se fondent en une unité.
Chaque chose particulière doit avoir une raison pour figurer dans une histoire. Chaque personnage, chaque objet, chaque lieu, chaque événement doit participer au dénouement que l’auteur a prévu.
Mais cette prévisibilité (car toute histoire a une fin logique puisqu’elle a un commencement) ne doit pas être perçue par le lecteur.
Concrètement cette cohérence se manifeste lorsque chaque scène illustrant une histoire se focalise sur un attribut caractéristique du personnage principal ou sur un événement qui fait avancer l’histoire c’est-à-dire qui l’emmène progressivement vers sa fin.
Notez que lorsqu’elle se concentre sur le personnage principal, elle fait aussi avancer indirectement l’histoire puisque ce personnage précis est généralement arc-bouté sur la réussite d’un objectif.
Parmi les éléments dramatiques qui entre dans la construction d’une histoire, on rencontre assez souvent le chemin émotionnel que va suivre un personnage.
Ce voyage intérieur consiste pour le personnage à évoluer, à grandir.
Il peut se suffire à lui-même pour raconter une histoire. Ou bien il peut accompagner l’arc de l’histoire ou de l’intrigue.
Un auteur peut suivre un arc tel que le Hero’s Journey qui mêle les arcs de l’histoire et du personnage.
Une question de maturité
Une histoire montre comment des personnages s’adaptent et surmontent (ou s’en tirent) face aux circonstances qui généralement sont conçues pour les abattre ou les diminuer émotionnellement et physiquement.
On peut considérer qu’une histoire est bien construite lorsque le protagoniste et l’antagoniste (si celui-ci est incarné) changent et se développent émotionnellement et parfois physiquement.
Il est vrai que notre corps reflètent souvent nos angoisses.
On peut aussi considérer et ce n’est pas seulement une hypothèse que cette aspiration à devenir meilleur se fait dans la souffrance.
Le méchant de l’histoire souffre autant que le héros dans la maturation de son personnage.
Pourtant, il y a une différence fondamentale. L’antagoniste ne parvient pas à faire face à ses peurs. Cette incapacité du méchant de l’histoire à devenir meilleur est précisément ce qui permet au héros de l’emporter sur lui.
Au fil de ses épreuves, le héros est devenu suffisamment fort pour assumer l’ultime émotion qui lui fait prendre la mesure exacte de la nature humaine. Peut-être même de la finalité de celle-ci (si une telle finalité peut être envisagée).
Dans Jumeaux par exemple, Julius est soumis à un dilemme à la fin de l’histoire. Choisira-t-il l’argent (son objectif extérieur) et sacrifiera-t-il son frère ?
7 étapes entre le déni et l’acceptation
Le déni
Au commencement, il y a une idée de perte. Qu’elle qu’elle soit.
Ce peut être la perte d’un travail, un amour perdu, la mort d’un proche (et pourquoi pas l’imminence de sa propre mort) ou un changement drastique de son quotidien.
Dans Le 13° Guerrier, par exemple, Ibn Fadlan est envoyé en exil et se retrouve embarqué dans une aventure avec des vikings. Mais ce n’était pas son intention.
Concrètement, il a perdu son statut de noble arabe.
Quelque soit la tournure que donne l’auteur à la perte ressentie par le héros, il y a un systématique déni.
Ce refus de participer à l’aventure se produit toujours lorsque l’appel pour cette aventure est reçue par le personnage.
On pourrait aussi considérer que le héros n’accepte pas de perdre le confort de son quotidien. Ou que l’inconnu lui fait peur. C’est une réaction bien humaine.
Ce qu’il est important de retenir est que le déni ou ce qu’on appelle le Refusal of the call dans le Hero’s Journey commence un cycle de pression émotionnelle.
Et que cette pression est créée par le conflit.
Donc, conclusion : le conflit devrait être pensé de manière à créer une pression émotionnelle sur les personnages.
Le déni est un moyen de défense. Et il peut se manifester sous toutes illustrations qui suggèrent un refus. Si votre histoire s’y prête, votre personnage principal pourrait répondre par l’indifférence, par exemple.
La culpabilité
Alors que le déni et l’acceptation bornent l’arc dramatique du déni à l’acceptation, les cinq étapes qu’elles enserrent peuvent être ordonnées selon les besoins de l’histoire.
La culpabilité s’impose au personnage principal. Il se convainc que ce qui est arrivé est de sa faute. Même si c’est faux.
Ibn Fadlan sait que sa disgrâce est due à la liaison qu’il a entretenue avec une femme de la noblesse.
Il est probable aussi que Frank Galvin dans Le Verdict ressent une certaine culpabilité lorsqu’il est face à cette jeune femme dans le coma. Il n’est aucunement responsable de ce qu’il lui arrive.
Mais pesant certainement ce qu’il est devenu et cette terrible réalité, il doit éprouver un sentiment coupable d’avoir laissé filé sa vie. Une sorte de honte de soi s’empare alors de lui.
La colère et la négociation
Le protagoniste va tout tenter pour s’extirper de la situation. Il pourra commettre des actes immoraux tels des menaces ou bien il essaiera de soudoyer ou bien encore, il suppliera se rabaissant pour retrouver un confort perdu.
Un confort qu’il ne peut retrouver. C’est aussi lors de cette étape que l’antagoniste proposera au héros un marché, une solution rapide que ce dernier ne pourra pas refuser.
Bien qu’il s’en défende, Luke Skywalker n’est-il pas attiré par le côté obscur de la Force ?
C’est un conflit interne que l’on retrouve tout au long de la saga.
Colère et négociation se manifestent par un mécontentement que le héros éprouve vis-à-vis de sa position dans la situation. Lorsqu’il se trouve à cette phase de son arc dramatique, il n’a tout simplement pas d’autres solutions pour se sortir d’affaire.
Et la négociation est donc le moyen le plus facile qu’il a à sa portée. C’est dans la nature humaine, d’ailleurs, de tenter de solutionner un problème en commençant par les moyens les plus simples.
Si ce n’est pas un échec total, c’est du moins de petites victoires qui ne solutionnent aucunement le problème.
C’est au début de l’acte Deux que cette négociation intervient généralement.
Pour Ibn Fadlan, cette négociation s’illustre dans son apprentissage de la langue norroise. Mais contrairement à ses attentes, il découvre à quelle sorte de monstres barbares lui et ses 12 compagnons auront à faire.
Le désespoir
C’est la phase de la crise. Le héros comprend que l’ennemi est bien trop puissant.
Généralement, cette crise personnelle du héros l’incite à trouver en lui de nouvelles ressources.
Dans Le 13° Guerrier, c’est à ce moment que Ibn Fadlan et ses compagnons réalisent que les monstres ne peuvent être vaincus.
Et qu’il leur faut trouver une autre solution car ils ne pourront résister au siège.
Il existe plusieurs possibilités de désespoir ou de crise. L’exaspération, par exemple, peut conduire à un telle attitude.
La crise est non seulement une articulation de l’arc dramatique mais elle a aussi son importance dans la structure de l’histoire.
Tout héros devrait connaître une crise profonde au cours de son existence fictive dans le cadre d’une histoire.
C’est un moyen dramatique pour justifier l’énergie qu’il va puiser en lui pour le mener au climax, c’est-à-dire le préambule à la résolution de ses problèmes ou du dénouement de l’histoire (il pourrait en effet échouer dans sa quête).
Même s’il doit faillir à sa mission dans l’histoire (le Story Goal), le héros se sera accompli sur un plan plus personnel. Il pourrait aussi rencontrer la mort comme moyen d’expiation ou de rédemption ou tout simplement parce que c’est la seule solution pour lui (et s’entend la solution la plus avantageuse pour résoudre son problème).
Le moment du choix
L’ultime épreuve : le dilemme. En effet, le climax est tout à fait réductible à un dilemme.
Vous pouvez constater qu’à nouveau les étapes de l’arc dramatique du déni à l’acceptation sont parallèles aux articulations structurelles.
Après la crise, le climax est en effet organiquement lié à la structure de l’histoire. Ils font partie des rouages de l’histoire.
On peut admettre que la crise de l’étape précédente force le protagoniste à faire un sacrifice personnel au cours d’une épreuve particulièrement émotionnelle initiée généralement par l’antagoniste.
Ce dilemme se traduit souvent pour le protagoniste à faire face à sa peur la plus débilitante. Celle qui l’empêche de s’accomplir pleinement.
Et généralement, de la conquérir.
C’est ainsi que le héros trouvera en lui la force nécessaire pour gérer sa situation.
Dans Le 13° Guerrier, Ibn et ses compagnons ont décidé d’investir la place des monstres. Ils savent que c’est une mission suicide.
Mais durant cette incursion, ils feront face à leurs peurs et les conquerront.
Le principe est que la situation du héros s’aggrave tout au long de l’acte Deux jusqu’à ce que le climax s’impose logiquement. De toutes façons, une histoire n’est pas éternelle. Elle a un commencement et une fin.
Et la fin d’une histoire commence avec le climax.
Se reconstruire
C’est une étape qui peut certainement enrichir une histoire. Après le moment du choix (souvent illustré dans le climax, mais vous pourriez l’introduire à d’autres moments), le héros sait ce qu’il doit faire.
Il sait aussi que sa vie d’avant n’est plus possible. Il reste cependant une épreuve.
Celle qui lui confirmera qu’il peut commencer une nouvelle vie.
Dans Terminator, Sarah affrontera le mal dans sa forme la plus pure : l’exosquelette.
Dans Le 13° Guerrier, après le raid dans le camp ennemi, ils devront subir une ultime attaque.
Cette phase de la reconstruction du personnage se distingue du climax car elle signifie pour le héros son aptitude à une nouvelle vie.
Pourra-t-il s’adapter à cette nouvelle vie ? C’est à cela que doit répondre cette étape.
C’est comme un dernier examen de passage destiné à sanctionner s’il a bien appris les leçons de ses pérégrinations.
L’acceptation
La fin de l’arc dramatique. C’est un soulagement. Le héros a accepté son sort, sa nouvelle situation.
Il est maintenant armé pour faire de nouvelles choses qu’il ne se serait jamais cru capable de faire au début de l’histoire.
C’est exactement à cela qu’a abouti Sarah Connors.