Chère Madame Deneuve,
Permettez moi de vous appeler Madame, car on ne badine pas avec une star et encore moins avec une femme de votre acabit qui a mis le cinéma français dans sa poche sans jamais le faire plier sous son règne. Votre élégance, votre aura, votre classe naturelle mais aussi votre manière de ne jamais tirer la couverture à vous malgré votre liberté quasi intégrale, vous permet encore aujourd'hui d'aller vers tous les projets, d'attirer à vous comme un aimant aussi bien les cinéastes renommés que les jeunes metteurs en scène. Vous n'hésitez pas à défricher tous les sentiers qu'ils soient battus ou rebattus, vous moquant de votre image d'icône sur papier glacé, préférant l'audace au confort, la liberté à l'enfermement dans une prison dorée. Vous osez, chère madame, aller là où on ne vous attend pas, et entre les lignes, se dessine une carrière à nulle autre pareille qui ne lasse pas d'impressionner.
Vous dire aujourd'hui toute mon admiration alors que le Festival Lumière s'apprête à vous célébrer est bien le moins que je puisse faire. Car d'aussi loin que je me souvienne votre présence en filigrane de ma vie de cinéphile a toujours été un marqueur fort, vous laissiez votre empreinte sur mon cœur par nombre de vos rôles marquants, et je vous retrouvais bon an, mal an, dans la liste de mes favorites. Nulle question ici de dresser une hagiographie, vous avez comme tout le monde fait des choix plus hasardeux qui auront remplis la besace des sceptiques, mais aucun n'aura terni votre réputation ou ne vous aura mis sur la touche. Vous pouviez vous tromper, vous n'en étiez pas moins une star débordante d'humanité, jamais lisse comme certains se plaisaient à le croire mais au contraire intrigante et vivante jusque dans vos aspérités. Aussi bien grande tragédienne que douée pour la comédie, sachant pianoter sur la gamme insensée de votre talent et sans jamais nous perdre, vous poursuivez votre route, faisant fi des conventions que d'aucuns de votre confrérie se sont faits une spécialité. Vous ne faites partie d'aucune famille mais vous êtes partie prenante de toutes les sensibilités touchant à tout, allant partout, le risque n'étant à vos yeux que le corollaire de vos envies.
Alors que la Lumière de Lyon ne va apporter qu'un peu d'éclat supplémentaire à votre aura, il m'est agréable de regarder le kaléidoscope de votre carrière par le prisme de mon regard. Qu'y vois-je? Forcément, ceux de vos rôles qui m'ont parlé, touché, emporté. Rien moins que l'appropriation du parcours d'une icône par la vision partielle et partiale d'un cinéphile. Je regarde et j'y aperçois pèle mêle Les Parapluies de Cherbourg, La vie de château, Les demoiselles de Rochefort, La Sirène du Mississipi, Le sauvage, Si c'était à refaire, A nous deux, Le dernier métro, Je vous aime, Le choix des armes, Hôtel des Amériques, L'Africain, Fort Saganne, Paroles et Musique, Drôle d'endroit pour une rencontre, La reine blanche, Indochine, Ma saison préférée, Les voleurs, Place Vendôme, Belle-maman, Huit femmes, Les temps qui changent, Palais Royal, Le héros de la famille, Potiche, Les yeux de sa mère, Elle s'en va, Trois cœurs, La tête haute ... Je vois d'ici les regards courroucés de ne pas y lire le titre d'un film que certains auraient pourtant mis dans la liste sans même y réfléchir. Mais oui, c'est la beauté de la chose, c'est mon choix, le camaïeu de vos personnages qui ont mis mon cœur et mon âme en émoi. Vous voir sur l'écran, madame, belle, élégante, amoureuse, trahie, jeune, fière, énervée, royale, séduisante, intrigante, drôle et émouvante est un cadeau qui a traversé les décennies.
J'ai quelque chose à vous dire Catherine Deneuve, merci infiniment d'être dans ma vie et vivement la suite de nos aventures communes.
Votre dévoué Fred Teper.