Rire et comedie : pourquoi rions-nous ? (2)

Par William Potillion @scenarmag

Dans l’article précédent,
RIRE ET COMEDIE : POURQUOI RIONS-NOUS ? (1)
nous avions abordé deux théories qui tentent d’expliquer le rire appliqué à la comédie.

L’effet de surprise qui consiste  à prendre à contre-pied le lecteur/spectateur et la notion de supériorité qui consiste, quant à elle, à guérir par l’humour un sentiment d’infériorité.

Bien que ces deux techniques narratives soient très souvent utilisées, il en existe quelques autres qu’il est bon de connaître.

L’aspect instinctif du rire

Cette théorie met l’accent sur le rire comme une qualité innée, instinctive.
Il apparaît alors comme une fonction du système nerveux qui stimule, détend et ravive un sentiment de bien-être.

Les primates, par exemple, avec peu de possibilités communicatives montrent cependant de l’amitié avec un jeu de leurs lèvres. Ils peuvent aussi montrer de la colère et de l’hostilité en ouvrant la bouche de manière à exposer leurs dents.

Le rire est un substitut de l’agression. Tout comme les primates utilisent les mouvements de leurs bouches et leurs dentitions, nous utilisons l’humour pour atteindre et blesser l’autre.

C’est un moyen de décharger notre hostilité lorsqu’une agression physique n’est pas possible.
Donc si le rire est une réaction instinctive, comme un peu certaines réactions comportementales chez les primates, un auteur peut espérer influencer un tel comportement avec son humour, quel qu’il soit.

Et avoir une influence encore plus grande sur ceux qui ont l’habitude de rire à gorges déployées.
On peut aussi considérer que l’aspect instinctif du rire sert le sentiment de supériorité tel que nous l’avons décrit dans l’article précédent.

Puisque cet instinct serait un substitut à l’agressivité, il est facilement assimilable à la tendance à vouloir s’assurer une supériorité sur les autres.

Ne soyez cependant pas offusquer mais dès l’origine du cinéma et puis des slapsticks, l’humour a été utilisé de cette façon.
Sans que personne n’y trouve à redire sauf à en rire.
Maintenant que l’on considère que le rire est instinctif ne signifie pas que l’on peut rire de tout. Et surtout c’est une théorie trop réductrice.

Autant travailler sur l’effet de surprise ou de supériorité pour provoquer le rire.

L’incongruité

Nous avons mentionné l’incongruité dans l’article précédent et dans cet article :
COMEDIE : L’IMAGINATION AU POUVOIR

Il y a incongruité lorsqu’il y a un accouplement ou un amalgame non conventionnels d’actions ou de pensées.
Par exemple de Sir Boyle Roche :
Pourquoi recherchons-nous autant la postérité ? Après tout, qu’est-ce que la postérité a fait pour nous ?

L’effet comique de l’incongruité survient dans les dialogues, dans l’action ou dans la découverte des personnages au fil des révélations que l’auteur donne sur eux.
Concrètement, il s’agit de tordre la logique de la situation.

Par exemple, les personnages essaient de maintenir un semblant de dignité au cours de circonstances bizarres ou étranges. Mais il ne s’agit pas de fantastique.

Dans le fantastique, le lecteur n’est pas informé pas plus que les personnages des détails de la situation. Par contre, dans l’incongruité, ce qui force le rire, c’est que le lecteur/spectateur est au fait des faits conflictuels.

C’est d’ailleurs peut-être un peu le problème de l’incongruité. C’est qu’elle place le lecteur dans une position d’observateur.
Ainsi, il est plus difficile pour lui d’éprouver une empathie envers les personnages.
Une problématique que nous creuserons certainement dans de prochains articles.

Cependant, cette position d’observateur est clairement ce qui provoque le rire. Le lecteur est omniscient de tous les faits de la scène.
Par exemple, l’un des personnages est dans les toilettes. Un autre personnage intervient dans la scène mais ignore qu’il y a quelqu’un dans les toilettes.
De plus, si vous affublez d’une aura d’autorité le personnage qui intervient de manière inattendue (la femme, le boss…), vous aurez une réaction émotionnelle plus puissante chez le lecteur.

Et cette connaissance peut être, elle aussi, rapprochée de l’humour de supériorité.

L’ambivalence

L’ambivalence est différente de l’incongruité. Alors que l’incongruité tend à insister sur des idées ou des perceptions (visuelles ou orales) qui vont entrer en conflit, l’ambivalence joue sur des émotions conflictuelles.
Par exemple, les relations Amour/Haine au sein d’une famille.
Comme :
Ecoutes-moi bien.  Je t’ai mis au monde et je peux tout aussi bien t’en retirer !

Ou encore la relation qui s’établit entre une mère et son fils est assez souvent l’occasion de situations tout à fait aptes dans une comédie.

L’ambivalence, la double signification en fait, est aussi très utile dans l’autodérision. Elle est une réponse à nos sentiments de culpabilité ou l’expression de notre désarroi face à des erreurs stupides.

L’autodérision est aussi un dispositif qui permet au lecteur/spectateur de garder une distance émotionnelle avec le personnage.
Et comme l’a remarqué Bergson, cette distance est nécessaire dans l’établissement du rire.

Le rire anxiolytique

Nous nous surprenons à rire lorsque nous laissons tomber notre verre en public. C’est une réaction qui consiste à relâcher la tension causée par l’événement.

Le rire devient donc lui-même un événement planifié. Il est une réduction volontaire du stress initiée par un effort conscient de libérer les tensions et les inhibitions.
Dans la vie réelle, il nous est arrivé de tenter de répondre par l’humour à des situations embarrassantes.
Est-ce la meilleure réponse émotionnelle à un stress ? Je n’en suis pas certain. Quoi qu’il en soit, cette forme d’humour existe.
Et elle permet de tenter de reprendre le dessus dans une situation où nous sommes en position d’infériorité.

L’humour qui figure dans la comédie nous aide alors à rire de nos propres anxiétés.
Freud a écrit que la condition la plus favorable pour profiter pleinement de l’humour ou du comique d’une situation est généralement une disposition heureuse dans laquelle on est dans l’humeur de rire.
Nous rions parce que nous sommes disposés à rire. L’apparition d’un personnage qui est dépositaire de l’effet comique dans une scène nous faire rire déjà même s’il n’a pas encore déployé son arsenal ou matériel comique.

Nous pouvons même rire en nous souvenant d’avoir ri dans une situation similaire.
Le rire anxiolytique ne servirait pas tant à nous détendre qu’à relâcher une tension en riant aux dépens des autres après avoir été soi-même l’objet d’un tel rire.

Ce type d’humour peut servir aussi à partager sa misère même s’il apparaît quelque peu sadique. Ce rire ne permet pas de soigner un désespoir profond ou un mal de vivre. Il ne sert qu’à le masquer provisoirement.

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