Semaine hécatombe pour le cinéma puisqu'on apprend la mort du réalisateur-acteur-clown-mime-scénariste Pierre Étaix ce 14 octobre 2016 à l'âge de 87 ans.
Né en 1928 à Roanne il s'intéresse aux arts très tôt, il dessine beaucoup et déborde d'imagination. Il poursuit une formation de graphiste et devient maitre verrier allant jusqu'en Italie pour parfaire son art. Il monte à Paris où il survit en étant illustrateur tout en parcourant les cabarets faisant ses armes dans le music-hall où il se spécialise dans le comique. On le voit aux Trois Baudets, à l'Alhambra, Bobino, Olympia jusqu'au cirque avec le clown Nino.
Idolatrant Chaplin et surtout Buster Keaton il se crée un style alors unique en France avec le slapstick (burlesque américain exagérant les gags) dont il devient le seul représentant dans l'hexagone.
Sa carrière prend un virage par sa rencontre avec Jacques Tati en 1954. Pendant 4 ans Pierre Étaix travaille pour et avec Tati en tant que dessinateur et gagman sur le film "Mon Oncle" (1958 - sur tournage ci-dessus) sur lequel il est aussi assistant réalisateur. Il se produit aussi à L'Olympia au sein du spectacle "Jour de Fête" de Tati.
Il réalise naturellement ses premiers courts-métrage, en collaboration avec Jean-Claude Carrière, avec "La Rupture" (1961) et "Heureux anniversaire" (1962 - ci-dessus) qui gagne l'Oscar du meilleur court-métrage. Il signe alors son premier long métrage, "Le Soupirant" (1962 - ci-dessous), hommage non feint à Chaplin et Keaton, qui lui donne la reconnaissance et le succès par le niveau de ses gags et l'intelligence de fond. Le film est multi-primé dont le prix Louis-Delluc.
Il réalise ensuite le film qui est souvent cité comme son chef d'oeuvre, "Yoyo" (1965 - ci-dessous) qui est un hommage au cirque qui est un mélange tout en finesse de poésie de rire et d'émotion.
Il enchaine avec "Tant qu'on a la santé" (1966 - ci-dessous scène coupée qui servira en court-métrage sous le titre "En pleine forme") qui montre une facette plus cynique de l'artiste sur le monde qui l'entoure mais revient à plus de légèreté avec "Grand amour" (1968) une romance drôle et décalée.
Pierre Étaix fait aussi l'acteur chez les autres, souvent pour des rôles plus ou moins secondaires. Après avoir été pickpocket dans "Pickpocket" (1959) de Robert Bresson et "Le Voleur" (1966) de Louis Malle il est surtout lui-même dans "Les Clowns" (1970 - ci-dessous) de Federico Fellini.
Il réalise "Pays de cocagne" (1971) un documentaire où il suit l'émission Grand Podium Europe 1 sur les routes de France, en profitant pour interviewer les citoyens sur l'état de la France. L'accueil critique est négatif trouvant le film "sa condescendance envers la France des classes moyennes, sa vulgarité et sa méchanceté".
Après ce dernier long métrage cinéma et son échec les producteurs sont de moins en moins adeptes du cinéma de Pierre Étaix qu'il trouve dépassé et surtout, pas assez porteur financièrement parlant. Pierre Étaix ne s'en formalise pas franchement et en profite pour fonder "L'École National du Cirque" en 1971 avec son épouse Annie Fratellini.
S'il apparait encore dans quelques films il faut attendre le milieu des années 80 pour le revoir apparaitre réellement sur grand écran. Après avoir été détective dans "Max mon amour" (1985) de Nagisa Oshima il réalise un téléfilm en hommage à Sacha Guitry, adapté de sa pièce "L'âge de monsieur est avancé" (1987) et signe un second documentaire, "J'écris sur du vent" (1989) sur le télégraphe Chappe dans le cadre du bicentenaire de la Révolution Française.
Ses dernières apparitions notables au cinéma sont en tant qu'acteurs. On peut citer l'ami de Henry dans "Henry and June" (1990) de Philip Kaufman et le docteur dans "Le Havre" (2011 - ci-dessous) de Aki Kaurismaki.
Suite à des imbroglios juridiques aussi inouïs qu'alambiqués qui ont duré des années Pierre Étaix ne pouvait avoir accès à ses propres oeuvres. Le cinéaste est donc tombé peu à peu dans l'oubli. Il a fallu le soutien d'un certain nombre de personnalité du cinéma pour que le monde se réveille. C'est à l'occasion du Festival de Cannes 2010 que Pierre Étaix s'est vu revenir en grâce.
Pierre Étaix remonte sur les planches pour une tournée en 2010 en reprenant son personnage de Yoyo. Un personnage récurrent qu'il reprit également en 2012 chez Bouglione où il donnait la réplique au clown Pieric son ancien élève.
En 2013 il est promu commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres qu'il refuse.
Avec Max Linder et Jacques Tati, Pierre Étaix était notre comique français par excellence, un clown poétique qui lui octroie une place singulière et unique dans notre paysage cinématographique.
Pierre Étaix est mort ce vendredi 14 octobre 2016 à l'âge de 87 ans des suites d'une infection intestinale.