Rester vertical d’Alain Guiraudie (France, 2016, 1h40)
Léo, jeune scénariste, est à la recherche de loups sur un grand causse de Lozère, quand il rencontre Yoan, beau jeune homme, et son grand-père Marcel, vieillard insupportable. Plus tard il rencontre Marie, avec qui il débute une relation mais garde le contact avec Yoan qui refuse pourtant de le voir. Il se rapproche alors de Marcel en même temps que de son propre beau-père Jean-Louis. Ce joyeux méli-mélo relationnel penche tantôt vers la comédie, tantôt vers le mélodrame à mesure que les relations s’enchaînent et s’entremêlent pour un film ingénieux, original et sans concession.
Si Léo semble fasciné par les loups et les chercher tout au long de l’histoire, la plupart des personnages eux ont peur et se sentent persécutés. La métaphore filée du loup prendra tout son sens dans la scène finale puisqu’il semble que le film veuille nous faire la proposition d’affronter nos peurs plutôt que de les éviter.
Léo est bientôt sans revenu et sans toit, poursuivi par son producteur à qui il doit un scénario, abandonné par Marie alors qu’ils viennent d’être parents. La caméra le suit de la campagne de Lozère aux ponts de la ville de Brest où il côtoie tour à tour paysans et SDF. Désocialisé, rejeté, il trouve pourtant toujours refuge chez les hommes qu’il a croisé. La situation de Léo se fait de plus en plus oppressante. Pour tous les personnages, la précarité, l’instabilité et la misère, qu’elle soit sociale, émotionnelle ou sexuelle, les heurtent et tentent de les faire tomber. A cela pourtant ils opposent la relation, parfois fugace, parfois violente. Ne pas être seul et s’entre-aider semble bien, pour le réalisateur, être la clé.
Si l’aspect social ne peut être écarté, le film ne s’interdit ni les scènes purement fantastiques (le cabinet de la psychologue-magicienne dans la forêt, les séquences avec les loups), ni l’humour loufoque, ni la provocation. Les corps sont érotisés et la tension sexuelle ne quitte jamais vraiment l’intrigue. L’ultime scène de sexe, aussi belle qu’improbable et dérangeante porte l’œuvre à un sommet d’intensité que l’on retrouvera d’ailleurs dans la scène finale où Léo et Jean-Louis se retrouvent cernés par les loups.
La réalisation filme les êtres et la vie de manière frontale sans jamais baisser le regard, sans fausse pudeur. Les scènes de sexe ou de la naissance du bébé, par exemple, sont filmées très crument, sans artifices ni effets de mise en scène, à l’image de la réalité brutale et cruelle. Chacun cherche sa place, embarqué pour une trajectoire dont il ne connaît pas la destination, et brave les courants et les vagues de l’existence pour rester debout, comme l’indique le très beau titre.
On apprécie ce cinéma français libre, créatif et affranchi de toutes normes.