Dragon inn

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Carlotta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Dragon inn » de King Hu.

« L’esprit du ministre hante toujours ces lieux. L’exil de ses enfants à la frontière aura sûrement des conséquences funestes. Il faut détruire les racines si on veut éliminer les herbes. » 

Le puissant eunuque Cao Shaoqin sème la terreur parmi son peuple. La police secrète vient d’exécuter le loyal Yu Qian, précepteur du prince et ministre de la Défense, accusé à tort d’avoir aidé des étrangers. Ses trois enfants sont, eux, condamnés à l’exil hors du pays. Mais Cao Shaoqin prévoit en réalité de les exterminer en chemin : il ordonne à ses deux fidèles commandants de préparer une embuscade à l’Auberge du dragon, située près de la frontière. Cet endroit, habituellement désert en la saison, est bientôt envahi par les membres de la police secrète et par de mystérieux combattants, venus protéger les jeunes Yu…

« Ils peuvent être des dizaines. Ils n’oseront rien faire tant que je serai là »

Né en 1932 au sein d’une riche famille bourgeoise de Pékin, King Hu réussit à fuir la révolution communiste et s’installe dès 1949 à Hong-Kong. Là, il fait progressivement ses armes dans la toute jeune production cinématographique locale en usant de ses talents de dessinateurs. Tour à tour illustrateur puis décorateur, il parvient à monter les échelons jusqu’à devenir scénariste et même, occasionnellement acteur. Ce n’est qu’au début des années 60, sur l’insistance de son ami réalisateur Li Han-Hsiang, qu’il s’essaie à la réalisation pour la célèbre société de production Shaw Brothers. Après plusieurs essais passés plus ou moins inaperçus, il connait le succès en 1966 avec « L’hirondelle d’or », film d’aventures qui lui permet de commencer à moderniser le « Wu xia Pian » (comprendre le film de sabre chinois), genre longtemps resté dans l’ombre des films de « Chambara » japonais. Mais en dépit du succès du film, le perfectionnisme et les exigences de King Hu lui valent de rentrer véritablement en conflit avec Run Shaw Shaw. Le réalisateur s’exile donc à Taïwan où il poursuivra sa carrière dès l’année suivante  avec « Dragon Inn » (1967) qui s’imposera comme un énorme succès à travers toute l’Asie. Deuxième volet de la trilogie dite des « Auberges » avec « L’hirondelle d’or » (1967) et « L’auberge du printemps » (1973), « Dragon inn » aura l’honneur de connaitre deux remakes : « L’auberge du dragon » par Raymond Lee et Tsui Hark en 1992 ainsi que « Dragon Gate, la légende des sabres volants » de Tsui Hark en 2011. A noter également l’hommage rendu au film par Tsai Ming-Liang et son « Goodbye Dragon inn » en 2003. 

« Vous n’avez aucun lien avec cette famille. Pourquoi vous battre contre nous ? »

Avec « Dragon inn », King Hu signe un film d’aventures étonnant. Une œuvre hybride, tiraillée entre tradition et modernité. L’histoire d’une folle poursuite entre l’armée des eunuques - qui détiennent alors le pouvoir dans cette Chine politiquement troublée du 15e siècle - et un groupe de rebelles venus pour protéger la fuite des enfants d’un ministre loyaliste exécuté et eux-mêmes menacés de mort. L’auberge du dragon, dont le film tire son titre, est une modeste bâtisse perdue au milieu d’une plaine désertique et rocailleuse, qui servira de point de rencontre entre les différents protagonistes de l’histoire. Commencera alors un huis-clos particulièrement jouissif, propice aux faux-semblants, durant lequel les personnages se jaugeront à grands renforts de politesses avant de s’affronter dans une série de combats autant spectaculaires qu’homériques. En cela, sur la forme, le film s’inscrit dans une longue tradition artistique chinoise, en l’occurrence celle de l’Opéra de Pékin et de ces spectacles folkloriques mêlant aventures épiques, musiques, combats ultra chorégraphiés et costumes fastueux. Sur le fond en revanche, le film a (étonnamment) des allures de western. D’ailleurs avec sa lenteur, ses personnages iconoclastes (et souvent aussi délirants que sadiques), ses dialogues cinglants et emprunts d’un délicieux second degré (notamment les bons mots sur les eunuques), le film fait ainsi penser à un lointain cousin des films de Sergio Leone et de la décontraction de certains westerns spaghettis. Si le film est prenant (et surtout savoureux), il surprend également par son esthétisme très soigné, de la beauté des décors aux couleurs des costumes en passant par les scènes de combat ultra chorégraphiées et stylisées. Un vrai régal.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau master restauré 4k. Il est proposé en version originale chinoise (mandarin - 1.0). Des sous-titres français sont également disponibles. Côté bonus, le film est accompagné d’une préface de Pierre Rissient (HD), de « Hostel Forces » : essai réalisé par David Cairns, critique (HD - 15’), de « Actualités » : retour sur l’engouement du film à Taipei lors de la sortie en salles en 1967 (HD) et de Bande-annonce 2015 (HD).

Édité par Carlotta, « Dragon Inn » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 21 septembre 2016. Il est également disponible en coffret blu-ray dédié au réalisateur King Hu, comprenant les films « Dragon inn » et « A touch of zen ».

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