Suite à la mort pour le moins traumatisante de son grand-père - qui s'est fait gober les yeux par des bébêtes flippantes et surnaturelles - le jeune Jake décide de partir sur l'île galloise où son aïeul a grandi au sein d'un étrange orphelinat tenu par une non moins étrange miss Peregrine. Ce faisant, il va découvrir tous les mystères qui entourent les enfants si " particuliers " de cet orphelinat ainsi que les astuces spatio-temporelles mises en œuvre par la miss P. pour protéger ces étonnants gamins. Il va aussi découvrir en lui des pouvoirs - hérités de son grand-père - qu'il ne soupçonnait même pas et qui vont l'aider à combattre les créatures malfaisantes qui ont tué son papy et menacent également la bande de bambins pas comme les autres...
Ce qui est étonnant avec Tim Burton, c'est que selon les films, on se demande si ce mec-là est un génie suprême ou un habile imposteur. Il sait ciseler de purs diamants ( Edward aux mains d'argent) tout comme il sait pondre des pétards mouillés ( Dark Shadows). Pour Miss Peregrine, qu'il adapte au cinéma d'après un roman éponyme de Ransom Riggs, on se dit qu'il a eu envie de jouer les barmen et de nous mijoter un cocktail détonnant qui mélange Harry Potter, X-Men, Nanny McPhee, Mary Poppins, Freaks et Le Village Des Damnés. Sans oublier Un Jour Sans Fin pour le côté boucle temporelle répétée ad vitam.
On est dans un univers horrifique à souhait (amateurs de macabre, réjouissez-vous !). Les méchants sont de grandes bestioles croisées entre des mygales géantes et des poulpes humains. Les gentils sont des mômes marginaux nantis de pouvoirs limite angoissants (on dirait des X-Men pré-pubères). Tous les thèmes chers à Burton sont ici réunis : le fantastique qui naît de l'étrange, l'esthétisme baroque, l'ode à l'acceptation de l'anormal, la beauté noble qui émane d'une certaine forme de monstruosité, le côté obscur du merveilleux, l'exploration du monde des ombres, l'instant où le réel bascule dans une autre dimension... Le mix de ces éléments donne un film honorable, ni médiocre ni sublime. Burton ne se fout pas de nous mais il ne nous met pas non plus la pâtée comme il a pu le faire avec Sweeney Todd ou Alice au pays des merveilles.
Le gamin ( Asa Butterfield, déjà vu dans Hugo Cabret) et le papy ( Terence Stamp) sont très bien et jouent sans accroc leur partition. Le reste du casting est moins performant. Samuel L. Jackson campe un chef des méchants qu'on croirait tout droit sorti de Ça, qui cabotine à outrance et rend de ce fait son personnage moins terrifiant qu'il n'aurait pu l'être. Quant à Eva Green, qui joue miss Peregrine, elle est certes belle à tomber, pour ça y'a pas à chipoter, mais on la voit tellement " en train de jouer " miss Peregrine qu'on ne croit pas du tout à son personnage. Rupert Everett et Judi Dench font de brèves apparitions pas spécialement inoubliables (la question est : pourquoi prendre de bons comédiens et les sous-employer à ce point-là ?).
Il y a quelques scènes d'une grande beauté et d'une grande poésie. Notamment celles qui entourent le personnage d'Emma, la jeune fille orpheline dont Jake tombe amoureux : la voir évoluer dans les airs puis sous les mers produit les moments de pure grâce du film.
Là où ça pêche gravement par contre, c'est vers la fin du film. La dernière partie est complètement ratée. Trop longue, foutraque, introduisant intempestivement une espèce d'humour burlesque plutôt lourdingue et assez malvenu à ce moment de l'histoire.
En outre - mais c'est peut-être un effet de notre flemmardise intellectuelle légendaire ! - on a eu du mal à tout capter de l'intrigue, qui est assez compliquée et filandreuse. Faut soit avoir lu le bouquin soit avoir pris du Gatorade pour en comprendre toutes les subtilités. Du coup c'est difficile de rentrer dans le film, qu'on finit par ne plus regarder que d'un œil distrait. Et on sort de la séance un peu perplexes, presque sûrs de ne pas avoir vu une méga-nullité mais pas complètement sûrs d'avoir vu un très bon film.
Bande-annonce de Miss Peregrine et les enfants particuliers :