Sergio Leone - 1964
Vous, qui pensiez naïvement voir sur votre chemin des gamins oubliés, égarés ( Les Choristes sur France 2), et bien il n'en est rien. Car ce soir, la seule chose qui vous sera donnée de voir c'est l'ombre d'une silhouette en poncho qui se dessinera sur la huitième chaine de votre télé. Adieu la chorale et bonjour le dollar.
Rien ne va plus à San Miguel. Ce petit village à la frontière américano-mexicaine se voit être le théâtre d'une guerre sans fin entre les Baxter et les Roja. Cette bataille pour dominer la cité va prendre un nouveau tournant lorsqu'un étranger sans nom arrive en ville et vient mettre son grain de poudre dans cette affaire. Proposant ses services au deux clans, l'homme au poncho fera le bonheur du fabricant de cercueil local et épurera les rangs des brigands pour plusieurs poignées de dollars, évidemment...
Pour une poignée de dollars c'est un peu l'histoire de Koh Lanta. Les rouges d'un côté, les jaunes de l'autre et un Clint qui s'apparente au Denis Brogniart de l'histoire, et qui, comme le présentateur télé, a un véritable don pour (re)mettre de l'huile sur le feu.
Si le monde du western spaghetti est si merveilleux c'est grâce à sa vocation première : être un vrai western tout en s'en moquant. Le premier volet de la trilogie du dollar adopte tous les codes du genre tout en veillant à les déstructurer. Dans cette période de renouveau cinématographique qu'étaient les années 60, l'Italie s'est évertuée de la plus belle des manières à enterrer ce que l'on appelait " le cinéma de papa ". Comme Mario Bava qui a œuvré dans l'horreur, Sergio Leone s'est donné la mission de réaliser un film parfait où tous les codes sont scrupuleusement respectés et soigneusement vider de leur sens, opération faite dans la plus pure tradition de la décadence.
Ici pas de gentils ou de méchants, tout le monde est là pour l'argent. Exit le bon principe et la morale, Leone se lance dans une véritable croisade contre le manichéisme et construit son univers sur les plus vils sentiments humains. L'importance des personnages se révèle au fait qu'ils aient un nom ou pas, ainsi notre cher Clint ne brille que par sa figure et son allure au détriment de la personnalité de son protagoniste. Les personnages ne sont que des pions présents pour faire avancer l'histoire, et si comme dans le western traditionnel ils n'ont ni passé, ni émotions - à part celle de faire régner le bien ou le mal - ici ils n'ont qu'une ambition : l'argent. La morale est un concept has-been et dans ce Far West tout à un prix.
En désacralisant le bien et le mal, Leone a cristallisé le mythe du western et fait de sa trilogie des films cultes, autant au niveau du genre qu'en tant que produit de cette nouvelle vague italienne.
Si la critique du capitalisme et l'emphase mis sur la déliquescence des mœurs sont jouissivement et habilement mis en scène, lorsque l'on parle du western spaghetti on parle évidemment des deux incontournables : Clint et Ennio. Comment ne pas vouer un culte au seigneur Eastwood à l'époque où sourire, rarement, paraissait encore une opération un tant soit peu naturelle ? L'époque où son visage déjà légèrement ridé se compare à une toile blanche prête à accueillir l'impassibilité ? [Parenthèse question existentielle. Nous sommes néanmoins en droit de nous poser la question de savoir comment un homme aux expressions faciales si peu expressives pouvaient déjà à ce moment là porter les signes de l'âge. Fin de la parenthèse question existentielle] Comment ne pas se sentir comme un loup déchaîné lorsque dj Ennio est derrière les platines ?
Et de manière plus générale comment ne pas frémir de bonheur devant tant de punchlines, de cavalcades et de gunfights dont le bruit écorche les oreilles ?
Ainsi, nous vous invitons à vous reposer toutes ces questions chaussez de vos santiag et de votre poncho !
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