Synopsis : " Quand la Seconde Guerre mondiale a éclaté, Desmond, un jeune américain, s'est retrouvé confronté à un dilemme : comme n'importe lequel de ses compatriotes, il voulait servir son pays, mais la violence était incompatible avec ses croyances et ses principes moraux. Il s'opposait ne serait-ce qu'à tenir une arme et refusait d'autant plus de tuer. "
Depuis quelques années, lorsque résonne le nom de Mel Gibson, ce qui vient directement à l'esprit est le nom d'un réalisateur dont Hollywood et les diverses sociétés de production ne veulent plus. Il fût un temps où il était l'une des mascottes du cinéma international et plus particulièrement américain. Un cinéma dramatique, voire mélodramatique entre 1977, date de sortie de son premier long-métrage en temps qu'acteur ( Summer City réalisé par Christopher Fraser ndlr) et 1987, date de la première fois où il incarna Martin Riggs ( Lethal Weapon réalisé par Richard Donner ndlr). Si c'est le personnage de Max Rockatansky qui lui ouvra les portes du cinéma américain et international, c'est avant tout celui du policier dépressif Martin Riggs qui lui donna une toute autre image. L'image du bad boys " propre sur lui ", loin du cliché des bad boys plus orientés punks aux tenues vestimentaires douteuses. Par la suite il enchaîna les rôles, jusqu'en 1995 où il obtient l'Oscar du Meilleur Film et du Meilleur Réalisateur pour le film Braveheart. Seconde réalisation qui lui ouvra les portes d'un métier par lequel il put délivrer des films hors normes, des films aux personnages psychologiquement troubles et aux scènes psychiquement brutales. Le rapprochement avec beaucoup de personnages (et notamment Martin Riggs) que l'acteur put incarner par le passé est indubitable. Avec sa nouvelle œuvre cinématographique, Mel Gibson fait un retour fracassant parmi les plus grands sans pour autant délaisser tout ce qui a pu caractériser sa filmographie jusqu'ici.
Difficile de passer après des œuvres-chocs qui resteront, d'une façon ou d'une autre, dans la mémoire collective. Difficile de passer après Braveheart, La Passion du Christ ou encore Apocalypto. Comme dit l'adage, difficile, mais pas impossible. Il fait d'autant plus plaisir de voir qu'un cinéaste comme Mel Gibson qui n'a pas exercé depuis presque dix ans, puisse toujours être animé par la même flamme. Comme beaucoup trop de longs-métrages qui paraissent chaque semaine sur nos écrans, Hacksaw Ridge est un biopic. Un biopic au storytelling conventionnel, mais relevant avant tout de la fresque " Gibsonienne ". L'action débute aux abords de la Seconde Guerre Mondiale, au sein de la famille Doss, à Lynchburg en Virginie. Une famille constituée d'une mère, d'un père charpentier et de deux jeunes fils. Une mère de famille aimante, mais un père au caractère plus difficile, cherchant avant tout à endurcir ses enfants. Malgré un storytelling tout ce qu'il y a de plus classique et linéaire, Robert Schenkkan et Andrew Knight, tous deux scénaristes du film, réussissent à ne pas sombrer dans l'immédiateté de la caractérisation approfondie des personnages. Les informations sur ces derniers vont être distillées et dévoilées au compte goutte, au fur et à mesure de l'avancée du récit. Notamment par le biais de quelques flashbacks bien amenés et apportant des éléments nécessaires afin de compléter la caractérisation des personnages ( Desmond et son père en tête) et de mieux comprendre certains enjeux aux moments propices.
Hacksaw Ridge est, à l'image d'un Braveheart, une fresque à l'ancienne, car extrêmement riche et complète sur le plan émotionnel. Les personnages sont attachants pour beaucoup, car fort et complexes. Même si le film cède avec beaucoup trop de facilité dans un manichéisme cherchant à faire du soldat américain un héros et du soldat japonais de la chair à canon, chacun des personnages va être doté d'une belle personnalité. Des personnalités insoupçonnées au premier abord, mais qui vont se révéler au fur et à mesure des choses. Chaque phrase prononcée, chaque acte va avoir son importance afin de dévoiler la vraie personnalité de chacun. Les similitudes avec le film aux 5 Oscars ne s'arrêtent pas là, puisque cet Hacksaw Ridge lui emprunte également sa structure narrative. Structure en deux temps, deux actes diamétralement opposés, mais intrinsèquement liés. Alors que le premier acte contextualise l'histoire et apporte un background complet au film et non pas qu'aux personnages afin d'amplifier son impact émotionnel et de donner du corps à la dramaturgie, le second va quant à lui exposer quelque chose au spectateur. L'amour, la famille... les thématiques d'ordre dramatique du premier acte, vont laisser place à l'horreur et la bravoure. L'horreur de la guerre et la bravoure d'un héros hors normes. Pas de capes, ni de collants (comme avait pu le dire le réalisateur lors d'une interview), mais une volonté de fer et un dépassement de lui-même lui permettant de tout risquer pour sauver ses semblables. Niais et naïf au premier abord grâce à une prestation incroyable d' Andrew Garfield, Desmond Doss va se révéler être un homme extraordinaire et un soldat hors pair, redéfinissant la définition du soldat (personnage qui ne se dit pas soldat, car n'utilise pas d'armes à feu). L'horreur de la guerre, sa brutalité et sa sauvagerie vont lui permettre de se dépasser et de devenir un homme, un héros. Par sa mise en scène, Mel Gibson ne va cesser de le mettre en valeur afin de démontrer quel héros ce Desmond Doss a pu être, allant jusqu'à le mettre sur un piédestal à l'image du personnage de Jésus-Christ dans La Passion du Christ. Une volonté de la part du metteur en scène souvent justifiée par l'histoire et compréhensible par le spectateur (Mel Gibson reste Mel Gibson et fait du Mel Gibson dans son utilisation de la religion et de la foi), jusqu'à ce qu'il en fasse trop dans un plan final beaucoup connoté. Un détail regrettable, mais n'affectant en rien tout ce que le film a pu nous faire vivre jusqu'à ce moment.
Si son premier acte s'avère être majoritairement dédié à la contextualisation de l'histoire et à des thématiques plus axées sur le drame et l'émotion, le second quant à lui change la donne. Au travers de ce long-métrage, Mel Gibson réussit avec force et conviction à démontrer la bipolarité de l'être humain. Démontrer qu'il peut être quelqu'un de bon en temps normal et redevenir un être primaire et brutal en temps de guerre. Poussé à son extrême, l'être humain redevient la bête qu'il a été il y a des temps de cela. Viscérales, brutales et d'une sauvagerie extrême. Voilà comment décrire les longues et éprouvantes scènes de batailles mises en scène par Mel Gibson. Il expose les corps déchiquetés et démembrés aux yeux de spectateurs qui ne peuvent rester de marbre. C'est extrêmement violent et en totale opposition avec les scènes du premier acte du film. L'on passe de l'utopie à la dystopie en un temps réduit, renforçant la brutalité des impacts. Si les impacts de balles et d'obus paraissent si forts, c'est notamment grâce à la volonté du metteur en scène de réaliser le maximum d'effets spéciaux durant le tournage et non en post-production. Grâce à ce qu'ils nomment " la boîte à bombe " (boîte explosive sans dangers contenant des projectiles et autres artifices permettant de reproduire à l'exactitude les effets d'une explosion, sur laquelle les cascadeurs peuvent se coucher), les scènes et acteurs gagnent tous deux en crédibilité. Le tout en devient concret, faisant gagner au film en force et brutalité. Implacable.
En Conclusion :
Hacksaw Ridge, où comme on le nomme en France : Tu Ne Tueras Point, est une fresque comme l'on en voit de moins en moins au cinéma. Un drame humain aux personnages attachants et aux scènes de batailles prodigieuses. Techniquement prodigieuses grâce à des effets spéciaux physiques superbes pouvant reproduire de manière réaliste la sauvagerie d'une bataille comme celle de la bataille d' Okinawa. Une technique mise au service d'une histoire qui va de ce fait gagner en intensité et permettre aux spectateurs de comprendre en quoi Desmond Doss était un héros de guerre et en quoi cette bataille fût d'une sauvagerie extrême pour ceux qui l'on vécue. De par sa mise en scène, Mel Gibson glorifie Desmond Doss, ses convictions religieuses (lui offrant un aspect mystique intéressant à analyser) et n'épargne pas l'être humain, sans pour autant en faire un être unilatéral. Derrière chaque personnage réside une histoire, une histoire qui l'a forgée et a fait de lui ce qu'il est aujourd'hui. Mel Gibson nous conte une histoire faite d'amour, de tendresse, de convictions et de sang. Celle d'un jeune homme touchant et attachant qui va devenir un homme, un soldat émérite, qui va être poussé par sa propre volonté et non par celle d'autrui, à mener une bataille sans merci. Rendez-vous aux Oscars 2017 ?