Cette histoire on la connaît, le vieux bougon forcé de cohabiter avec un jeune de la cité/de couleur/en difficulté/... et qui grâce à la magie du dialogue qui va s'ouvrir entre eux va réapprendre la tolérance tandis que le jeune va saisir la beauté de cette France éternelle qu'il rejetait blablabla... On vous entend déjà soupirer, c'est normal ! C'est le synopsis rempli de poncifs qui fait la joie des téléfilms de France Télévisions à base de bons sentiments écœurants. Pourtant, ce film s'en sort bien mieux que ses pontifiants prédécesseurs. Ici Far'Hook, jeune rappeur interprété par Sadek, rappeur dans la vraie vie et dont il s'agit du premier rôle au cinéma, est victime d'une tentative d'assassinat après un " clash " avec un autre aspirant rappeur et est envoyé au vert par son producteur pour le protéger. Il va donc accompagner le père du producteur, interprété par Gérard Depardieu, dans un voyage le long des côtes de la France.
Depardieu, s'il fait peur à voir, énorme, se déplaçant difficilement, suant à grosses gouttes et soufflant comme un soufflet de forge, est parfait dans son rôle. Sadek est tout en retenue et offre également une prestation convaincante qui donne de la crédibilité au duo. Seul bémol parmi les acteurs, l'interprète du producteur, Nicolas Marétheu , est particulièrement mauvais, au point d'être allé vérifier s'il n'était pas le fils du producteur du film, celui du réalisateur ou quelque chose dans le genre. A priori non, sa présence ici pour débiter effroyablement mal ses quelques répliques est donc un mystère. Comment un acteur aussi mauvais a pu être casté et des scènes aussi mauvaises gardées par le réalisateur Rachid Djaïdani, conservées au montage et approuvées par la production ? Nous ne le saurons probablement jamais.
Tour de France prend très légèrement le contre-pied du genre, car le détestable personnage n'est pas le jeune, c'est le vieux. Et ses réflexions racistes, pour caricaturales qu'elles soient, nous les avons déjà entendues en vrai. Le vieux va évoluer, se rendant compte de l'absurdité de son attitude, mais Far'Hook va évoluer également, ce qui se ressent dans son rap, démarrant par un laïus sur le peu de cas qu'il ferait de tuer des flics et terminant par un hommage à la Marseillaise. Alors attention, ce n'est pas 8 Mile, il y a quatre passages rappés assez courts dans le film, mais Sadek y est plutôt convaincant. On n'évite malheureusement pas les clichés, avec Sadek qui récite L'Albatros de Baudelaire prouvant instantanément qu'il connaît la France, mais le film s'en sort très honorablement et est relativement malin dans son genre. La réalisation ne casse pas des briques et se borne à assurer l'essentiel. On remarque la tentative d'originalité des passages filmés au portable par Far'Hook, " pour faire jeune " sans doute.
Non, le vrai souci du film c'est sa morale. Au-delà du fait que tout le monde est content sous le regard attendri de la France éternelle, la façon dont l'intrigue se dénoue nuit assez fortement au message. Pour que tout le monde s'aime et que la paix règne, il faut recourir à des moyens qui nous font honte depuis la Guerre d'Algérie ? Alors certes cette interprétation n'est pas exempte d'un certain cynisme, mais il existait certainement des moyens plus intelligents de clore l'affaire. Ils devaient certainement être moins drôles que de faire tomber la pseudo racaille violente sur un type vraiment dangereux, mais tout de même... Cela donne surtout l'impression que personne ne savait comment boucler le scénario. Mais mine de rien, le film est tout de même attendrissant, plein de bonnes intentions et sans trop de caricature. Il donne également envie de suivre un peu ce que fait Sadek (et de lui arracher son casque des oreilles aussi, il est même surprenant que le personnage de Depardieu ne fasse jamais allusion à cette forme très moderne d'impolitesse).
Titre Original: TOUR DE FRANCE
Réalisé par: Rachid Djaïdani
Genre: Comédie dramatique
Sortie le: 16 novembre 2016