Inutile d'insister plus longuement sur la légitimité de la Palme d'Or remise à Loach. Passons les envies subjectives, préférant voir des films plus audacieux formellement comme " Toni Erdmann" , " The Neon Demon " ou " Mademoiselle " récompensés par cette palme prestigieuse, le résultat final du nouveau film de Ken Loach confirme la folie dérisoire du jury à le récompenser au plus haut rang. Cette remarque passée, attardons-nous sans plus attendre à cette nouvelle charge politique du réalisateur, pauvre en subtilité et en forme.
L'éternelle colère du metteur-en-scène est toujours aussi vibrante, certes, mais elle semble ne plus rien proposer de réellement concret au cinéma. Le combat infernal d'un chômeur malade contre une bureaucratie absurdement exigeante a de quoi nous rendre furieux sur notre siège mais outre cette réaction (normale) face à ça, Loach semble se reposer uniquement sur cela pour dérouler son film.
La colère face à ce combat politique commence à laisser place à une colère cinéphile tant les facilités scénaristiques transpirent devant la caméra. Aucune nuance semble apparaître à l'écran, on voyage dans une Angleterre manichéenne exagérée, ne laissant place à aucune réflexion du spectateur que celle imposée par le réalisateur. Une réflexion sur l'entraide bienvenue, certes, mais qui irrite par son formalisme scénaristique trop évidente pour réellement surprendre.
Un mot cependant pour les acteurs, peu connus du grand public européen, se prêtant bien au cinéma naturaliste du metteur en scène. Dave Johns et Hayley Squires forment un duo exceptonnel, symbole immédiat de l'entreaide.
Il est donc difficile de ne pas apprécier cette charge, ayant le culot de s'attaquer à un système politique et bureaucratique étouffante en soi, mais difficile aussi de céder aux nombreuses faiblesses de l'objet filmique. Pour " Moi, Daniel Blake" , Ken Loach aurait peut-être dû mieux équilibrer son audace critique avec celle du cinéma dans ce film rempli de hauts et de bas.
Victor Van De Kadsye