Une idee qui a du potentiel

Par William Potillion @scenarmag

Quelque soit les raisons qui vous poussent à écrire, vous avez besoin d’abord d’une idée.

Concernant la fiction, il faut que cette idée porte en elle le germe d’une histoire.
Ensuite que ce germe produise un magnifique bouquet de roses au parfum envoûtant ou bien les relents infernaux d’un monde où le mal règne en maître, ce qui compte est que nous ayons envie de lire cette histoire.

L’exploration d’un concept

Etablissons d’abord la différence certes subtile entre l’idée et le concept.
Supposons que vous ayez l’idée de dénoncer le harcèlement. Cette idée est faite de deux concepts ou notions si vous préférez.

La notion de harcèlement qui est universelle parce que de toute évidence, elle s’exprime dans n’importe quel langage.
Et vous avez le verbe d’action Dénoncer qui lui aussi est un concept qui est connu de toutes époques et de toutes cultures.

Quant à votre idée qui consiste à dénoncer le harcèlement là où on l’attend le moins, elle va mettre en œuvre ces deux concepts en les appliquant à un cas particulier.
Et vous allez exprimer votre idée avec vos mots, vos phrases, votre langage et votre point de vue sur le monde.

En quelque sorte, vous allez faire une réduction d’un concept universel pour mieux le représenter. Vous allez l’explorer.

Pour faire surgir l’idée, un mode opératoire facilitant le processus pourrait être par exemple de prendre un concept qui vous intéresse et de vous livrer à un brainstorming sur les possibilités (pas des probabilités) de développement.

Par exemple, vous posez le mot harcèlement et vous dessinez autant de branches que vous pouvez imaginer de situations dans lesquelles ce fait se produit.

Ensuite, vous faites de même avec le verbe d’action Dénoncer. Vous inventez autant de circonstances possibles où la découverte d’un harcèlement peut se manifester.

Une réponse émotionnelle

Considérez cette réponse comme un contexte, un lieu abstrait. L’idée que vous avez commencé à développer doit produire en vous une émotion.

Ce contexte où l’émotion va s’étendre est le conflit. Les circonstances qui vont vous permettre d’exprimer votre idée, de la manifester de manière concrète devraient générer du conflit potentiel.

C’est en cela qu’une idée possède un potentiel. Virtuelle lorsque vous commencez à penser à elle, sa puissance se dessinera à travers les possibilités de conflit qu’elle propose.
Parmi toutes les situations que vous avez imaginées, il suffit maintenant d’estimer la probabilité conflictuelle la plus forte.

D’autant plus que incidemment, cette probabilité contient l’incitation de connaître l’issue de ce conflit (à la fois chez le lecteur mais aussi chez l’auteur).
A lire à ce propos :
. AUTEUR & LECTEUR : UNE EMOTION PARTAGEE
QUELQUES REALITES QUOTIDIENNES DE LA VIE D’AUTEUR

Même si vous avez débuté votre réflexion par les contours diffus d’un personnage, vous aboutirez toujours à la création de personnages vecteurs de conflit par excellence.
Ce sont eux qui vont atteindre le lecteur et ce sont encore eux qui fourniront l’énergie nécessaire à votre histoire.

Une idée à la fois unique et pourtant déjà connue

Contradictoire, isn’t it ?
L’idée doit apporter quelque chose de nouveau mais pas de trop nouveau à dérouter le lecteur.
Sinon, il y a un gros risque de le perdre en route.

Nous avons là un oxymore : comment quelque chose d’unique peut-il être multiple ?
il faut comprendre la multiplicité par l’universalité des événements que décrit l’histoire et des émotions qui y sont illustrées.

Et cette universalité est très simplement des événements et des émotions auxquels le plus grand nombre pourra établir ne serait-ce qu’un lien ténu.

Prenons, par exemple, deux sentiments : celui de compassion et celui de culpabilité.
La compassion est la perception du mal chez autrui. C’est un mal dont autrui souffre (physiquement ou moralement).
La culpabilité est la prise de conscience du mal que l’on commet.

Vous conviendrez que ces deux sentiments sont universels. Donc, si vous les illustrez par des situations où un personnage ressentira soit de la compassion, soit de la culpabilité, le lecteur/spectateur s’abreuvera de ce ressenti parce qu’il les aura identifiés en son for intérieur.

Cette alchimie est possible parce que le lecteur/spectateur est un être pétri d’expériences vécues.
Et d’ailleurs même s’il n’a été que le témoin d’événements qui contenaient de telles expériences.

Votre point de vue

C’est donc l’originalité de votre vision du monde qui rendra votre idée unique.
Vous vous emparerez d’un matériel et vous lui appliquerez votre voix unique.

Prenez le thème de l’amour impossible. Les auteurs ont dépeint toutes sortes de Roméo et de Juliette et pourtant chacune de ces histoires étaient uniques (ce qui ne signifie pas qu’elles étaient de bonnes histoires mais le traitement particulier qui leur fût appliqué les a rendues uniques).

Lorsqu’un auteur s’est déterminé pour une idée, il faut qu’il se demande comment il peut rendre cette idée sous la forme d’une histoire unique.
C’est-à-dire suffisamment passionnante pour maintenir l’attention d’un lecteur du début à la fin.

Comment peut-il éviter de réécrire ce qui a déjà été écrit un million de fois et vraiment écrire une histoire qui tienne la route ?
Ne théorisons pas inutilement et donnons quelques exemples :
– Des dinosaures ramenés à la vie pour un parc d’attractions (Jurassic Park)
– Un avocat forcé de dire la vérité et rien que la vérité pendant 24 heures (Menteur, menteur)

Au bout de la chaîne : le personnage

En fin de compte, le concept initial forcément abstrait devient un personnage.
Et l’histoire nous entraîne dans un monde où nous allons pouvoir expérimenter la vie d’autres personnes, même si elles sont fictives.

Effectivement, c’est dans la construction d’un personnage que l’originalité d’un concept aboutit parce que ce personnage est l’élément dramatique qui porte l’émotion.
Et cette émotion est la voie royale pour accrocher un lecteur.

Nous pourrions alors avancer que nous pourrions écrire à peu près sur tout dans la mesure où ce tout peut être jaugé et évalué sur la base d’expériences émotionnelles.
Des expériences qui seront partagées entre l’auteur et son lecteur au-travers d’un personnage.

Ce qui permet d’envisager toutes les formes possibles pour un personnage telles que des animaux voire même des objets inanimés tant qu’on leur prête des émotions humaines (qui par nature sont reconnaissables).

D’ailleurs, à quel moment un chimpanzé peut-il nous faire rire ? Lorsque nous croyons (faussement) reconnaître dans son attitude une émotion habituellement concédée à la nature humaine.

« Vous vous emparerez d’un matériel et vous lui appliquerez votre voix unique. »
A ce propos, écoutez ce que Cecilia Najar a à dire :

CONSEILS POUR UN SCENARIO EFFICACE