Réalisé par : Mel Gibson
Avec : Andrew Garfield, Vince Vaughn et Teresa Palmer
Sortie : 9 novembre 2016
Durée : 2h11min
Distributeur : Metropolitan
Synopsis :
Quand la Seconde Guerre mondiale a éclaté, Desmond, un jeune américain, s’est retrouvé confronté à un dilemme : comme n’importe lequel de ses compatriotes, il voulait servir son pays, mais la violence était incompatible avec ses croyances et ses principes moraux. Il s’opposait ne serait-ce qu’à tenir une arme et refusait d’autant plus de tuer.
4/5
10 ans après la sortie discrète de Apocalypto, l’acteur-réalisateur Mel Gibson nous revient derrière la caméra avec Tu ne tueras point. Derrière ce film au titre un tant soit peu christique se cache un véritable chemin de croix effectué par le cinéaste oscarisé de Braveheart. Lorsque le grand Mel lançait des propos jugés antisémites en 2006, il se retrouvait instantanément blacklisté et on n’entendait plus parler de lui… Victime collatérale de l’immense succès de Mad Max : Fury Road (saga dont il fut le héros durant les 3 premiers opus), le revoici dans la course – et pas n’importe laquelle : celle aux Oscars. Dans une lutte incessante pour la statuette dorée, Mel Gibson ne pourra compter que sur la qualité de son film – et non sur la présence de George Miller à la présidence du jury au Festival de Cannes, permettant (coïncidence!) la sélection Hors Compétition de Blood Father. Alors donc, Mel Gibson est-il bien de retour ?
Ni une, ni deux, soyons franc : Gibson a pris en âge et en maturité, et cela se ressent sur sa manière d’aborder le cinéma. Techniquement, Tu ne tueras point est une œuvre virtuose où l’esthétique de chaque scène époustoufle autant qu’elle sidère. Scénaristiquement, l’académisme prône et la prise de risque courbe l’échine. On se surprendra, ainsi, à deviner bien en avance les tenants et aboutissants des scènes à venir. Une paresse qui, tout autant qu’elle exprime quelque chose sur l’état actuel du cinéma américain « à statuette », nous fatigue et nous irrite.
Mais, au fond, le sujet du film n’est pas tant dans son fond que dans sa forme. Et en ça, Tu ne tueras point est l’une des plus belles œuvres que l’on ait vues cette année. Quand Mel Gibson (re)déclarait son aversion pour le cinéma-écran-vert (en pointant du doigt Batman v Superman) et tandis qu’il insistait sur, selon lui, l’absence d’art dans les blockbusters hollywoodiens, on ne peut que remarquer qu’il fait office d’alternative. Avec un minimum de numérique, son film est une orgie visuelle : ses scènes de guerre rivalisent avec celles d’Il faut sauver le soldat Ryan – pourtant référence dans le genre. Ça explose de partout, ça saigne pour de vrai, ça pleure pour de vrai. Il se dégage de Tu ne tueras point l’impression d’avoir assisté à une expérience. Un véritable spectacle auquel nos émotions sont usées jusqu’à la moelle. On ressort épuisé du film, nos sens explosés. Mel Gibson réussit donc à capter ce qui fait le cœur du cinéma : non seulement divertir mais aussi nous faire ressentir l’émotion.
Des émotions qui passent aussi par les performances magistrales de son casting. En tête de liste, on retrouve un Andrew Garfield émouvant et ému. Dans la peau de ce personnage christique, il présente une palette de jeu très étendue, capable de nous faire pleurer dans un plan et rire dans celui d’après. Globalement, le reste du casting vient magnifier cette belle (mais naïve) histoire : d’une Teresa Palmer renversante à un Sam Worthwington transformé jusqu’à un Vince Vaughn différent de ce qu’on connait de lui.
Ainsi, avec Tu ne tueras point, Mel Gibson signe un retour fracassant. Pas aussi risqué qu’on l’espérait, pas aussi différent des productions l’entourant, mais tout de même supérieur à une bonne partie des films de guerre récents grâce à une esthétique unique. Une intrigue académique mais une mise en scène électrique : un film parfait sur la forme, décevant sur le fond.
En privilégiant la forme sur le fond, Gibson signe un retour fracassant. Sublime mais académique.