Avec I.T., qui sortira le 10 novembre 2016, directement en E-Cinéma, John Moore, le réalisateur de Die Hard : belle journée pour mourir, vécu vraisemblablement comme une trahison de l’esprit et de la forme par tous les trentenaires biberonnés par John McClane, signe un thriller à la facture très classique, peut-être trop, preuve qu’il ne suffit pas de saupoudrer de mysticisme high-tech une œuvre banale pour la rendre attrayante.
Mike Regan (Pierce Brosnan) contrôle une société d’aviation civile à la pointe des nouvelles technologies. A la veille d’une révolution numérique portée par sa société, il engage Ed Porter (James Frecheville), un informaticien très doué qui va s’immiscer dans sa vie privée.
Mike Regan (Pierce Brosnan)
I.T. est un peu l’exception qui confirme la règle. On trouve souvent les distributeurs frileux, reléguant des œuvres intéressantes dans les limbes de l’oubli vidéo, tout autant que l’on célèbre les perles hallucinantes et grotesques qui peuplent l’univers des nanars interdits de salle. I.T. ne fait parti d’aucune de ces catégories, il n’est ni visionnaire, ni joyeusement foutraque, ni même profondément raté. On ne le retiendra pour aucune de ces raisons. Non, I.T. est une œuvre de technicien habile mais sans talent. John Moore procède à une réalisation efficace mais plan-plan. Les plans sobres mettent en scène des décors neutres dont la froideur n’a d’égale que le peu de caractérisation des personnages. Flirtant avec une paranoïa post-Snowden, le scénario tente de décrire les dangers des objets connectés sans toutefois en saisir les enjeux et les possibilités. On ressent davantage une volonté de mettre en place un tutoriel pour les nuls que de se servir de la technologie pour créer une tension supplémentaire. Les clichés s’accumulent et, à leur mesure, plombe la vraisemblance des événements. Le hacker Porter évolue dans un appartement qui ressemblent à s’y méprendre à celui de n’importe quel autre pirate de pacotille tel qu’on se les représentait dans les années 90, faisant étalage d’un matériel hors de prix totalement inutile, avec quatre ou cinq écrans…
Mike Regan (Pierce Brosnan) et Ed Porter (James Frecheville)
Comme dans une salle de briefing de la CIA, alors qu’un netbook sous Lubuntu serait largement suffisant pour réaliser ses méfaits… Désignant des les départ le responsable des mésaventures de Mike Regan, Moore tue dans l’œuf toutes tentatives d’instaurer un quelconque suspense. Il ne lui reste pour faire un peu de sensationnalisme, qu’à forcer l’accent voyeuriste du script. Qui, disons-le, ne fais pas non plus dans la recherche du scandale et reste tout à fait conventionnel. Pierce Brosnan, dont on aurait bien de la peine pour citer un film depuis qu’il a quitté la saga James Bond, semble aussi fatigué que son personnage, tandis que Frecheville, copie sans envergure de Jake Gyllenhaal, fait pâle figure dans son rôle de méchant schizophrène. C’est qu’il le sorte d’un chapeau sans le caractériser autrement que par sa maladie mentale. Les femmes du films, la mère Rose (Anna Friel) et la fille Nancy (Stefanie Scott), sont, quant à elle, totalement transparentes, servant juste de faire valoir à la virilité du père de famille. Tout juste I.T. vaut-il quelques kopecks pour montrer à quel point un dirigeant d’entreprise, fut-elle à la pointe, peut-être déconnecté de ce qu’il vend, voir carrément à la masse, se contentant de parasiter l’innovation en injectant et en prélevant sa fortune sur le travail de bien plus qualifiés que lui.
Rose (Anna Friel) et Nancy (Stefanie Scott)
I.T. que l’on ne qualifiera pas d’ennuyeux, peut néanmoins se regarder d’un œil discret, vous ne raterez rien. Surfant sur la vague d’inquiétude et la prise de conscience grandissante des risques concernant le détournement et l’utilisation de nos données personnelles sur la toile, I.T. est aussi didactique qu’un livret du gouvernement à l’usage des personnes âgées. On arrive péniblement au générique sans avoir eu une once d’angoisse ni de surprise. En ce sens, bien que réalisé avec soin, sans fioritures et de manière très académique, I.T. est un film que l’on oubliera aussi vite qu’on l’a vu. De ceux à qui, essentiellement, il manque avant tout, une âme.
Boeringer Rémy
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