Ken Scott 2011
LCP/Public Sénat. Des mots qui font peur, des mots qui font mal, surtout pour une soirée dominicale. Vous qui pensiez que cette chaine de télévision ne se contentait que de diffuser l'Assemblée Nationale en boucle et de très bons reportages sur la misère du monde, détrompez vous. De temps à autre le canal 14 se permet de petites folies et vous propose des films aussi. Oh bien sûr, ça n'est jamais gratuit et les problématiques sociétales pointent toujours le bout de leur nez à un moment donné... Mais, fiction il y a.
Ainsi, pour ceux qui aurait loupé le coche en juillet 2011, Bizard Bizard vous propose de braver vos peurs télévisuelles et de vous plonger dans le très québécois Starbuck.
À quarante ans, David vit comme si il en avait quinze. Fuyant toutes responsabilités, l'ado retardé travail dans la boucherie familiale et dépense son salaire comme de l'argent de poche. Mais lorsque sa petite amie lui annonce qu'elle est enceinte et la télévision qu'il est le père de 533 enfants - nés grâce à ses donations de spermes quasi industrielle vingt ans plus tôt - David se voit peu à peu obligé de se recadrer... Décider à aller à la rencontre anonyme de ses enfants, le père ignorant fait ses classes parentales et apprend le métier en attendant la venue de son futur bébé...
Avec une idée de base drôle et originale, une pluie de bonnes critiques, et des récompenses à foison ; nous avions toutes les raisons de penser que nos cousins au langage Louis quatorzien pimpé saurait nous séduire et nous divertir. Mais comme chacun sait, les voies du Seigneur sot impénétrables, et le Très Haut avait des dessins bien différents pour sa propre soirée...
Nous n'irons pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un mauvais film, d'une torture cinématographique ou d'un chalumeau pour l'œil humain, mais juste d'une déception qui conclut ces deux heures par un sentiment de perplexité fort bien élevé. Pourtant, Starbuck offre un début plutôt sympathique. Avec un joli générique présentant de façon assez ludique le personnage principal et des premières scènes qui font sourire, le spectateur prend pour acquise la notion de bonheur et se plonge rapidement dans l'histoire. Cette sorte de réflexion sur la paternité, où ce ne sont pas les parents qu'on ne choisit pas mais les enfants, enchaine des séquences amusantes disséquant les émotions et le devoir parentales au travers de la rencontre avec ses enfants qu'il ne connaît pas. Grâce à chacun d'eux, David et son public vivent la fierté, la peur, la joie, l'envie d'aider, de pousser le bambin à aller (tout) au bout de ses rêves (là où la raison s'achève) ou au contraire le besoin de le recentrer.
Mais malheureusement, comme pour les rêves, c'est la où la raison s'achève. Après ces quarante minutes gentiment rafraîchissantes, ce feel good movie se débarrasse de son " feel " et laisse s'insinuer dans l'esprit du spectateur le mot le plus blasphématoire qui soit pour un film de ce genre : stéréotype. Et là... et bah patatra. Après ces rencontres en bonne et due forme, l'intérêt pour l'histoire se perd au bénéfice d'un constat de toutes les choses qui ne vont pas. On réalise petit à petit à quel point chacun des personnages est d'un cliché sans nom - la droguée, le musicien raté, l'handicapé, l'homosexuel - mais surtout à quel point ils ne se résument qu'à cela sans que le récit ou la nuance psychologique viennent atténuer cette tare (principe de base de tout bon feel good movie qui se respecte). Sans plus d'émotion le spectateur traverse le film, bien trop long pour ce qu'il est, assaillit par un tsunami de bons sentiments, nageant la brasse dans cette océan de mièvrerie. Le manque d'ironie se fait cruellement sentir et met l'observateur dans l'obligation de se plonger dans le dictionnaire pour se remémorer la définition du mot corrosif. Le propos, pourtant si intéressant, sur l'identité est balayé par des campings au bord du lac et un sous texte qui ne sait rester discrètement à sa place, hurlant " vive la vie ", " vive l'amouuuuuuur ", au même titre qu'un bon petit film des familles made in Hollywood.
Malgré de bons acteurs, le terrible pied de nez fait à la réflexion et à la définition de feel good movie fait de Starbuck un film finalement pas si intéressant et pas franchement divertissant. Vous ne perdrez pas votre soirée, car les goûts et les couleurs ne se discutent pas, et qui sait, peut-être que le charme québécois saura vous séduire et vous emmenez là où nous n'avons pas réussi à aller...
Ou pas.
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