[Avant-Première] [Direct-to-Vidéo] Mojave, thriller philosophique

[Avant-Première] [Direct-to-Vidéo] Mojave, thriller philosophique

William Mohanan, qui avait scénarisé, pour Martin Scorsese, Les infiltrés, réalise son troisième film, qui sortira directement en vidéo, le 21 novembre 2016, dont il signe également le scénario. Mojave est un thriller évanescent dont la principale tension entre les antagonistes s’articule autour d’une contemplation mélancolique de la vie et de la mort, portée par des acteurs parfaitement dans le ton.

Thomas (Garrett Hedlund que l’on a vu dans Pan et Inside Llewyn Davis), un jeune scénariste ayant connu un succès précoce et courtisé par le métier, vit une crise existentielle. Il décide de se perdre dans le désert de Mojave pour se retrouver avec lui-même. C’est alors que Jack (Oscar Isaac que l’on a vu dans En secretInside Llewyn Davis et Star Wars – Le Réveil de la Force), un vagabond, lui rend visite autour de son feu de camp et se fait menaçant.

Thomas (Garrett Hedlund)

Thomas (Garrett Hedlund)

Si il y a une chose frappante à la vision de Mojave, c’est bien que le désert du Mojave comme les faubourgs de Los Angeles sont des personnages à part-entière. La tension s’immisçant dans l’immensité de ce désert, entre deux hommes que tout semble opposer, se poursuit dans les rues impersonnelles d’Hollywood. Le soin apporté au cadrage est fondamental pour rendre au mieux cette idée de solitude qui étreint les personnages. Changeant constamment d’échelle, Mohanan modifie le point de vue du spectateur. La première partie du film se focalisant sur l’expérience quasi-initiatique de Thomas est quasiment muette, les effets de recul révèle les sentiments profonds du héros. Malgré qu’il se retire dans le désert, en recherche d’immensité, la caméra le serre de près, manière de montrer comment son ego le rattache à lui-même, l’empêchant d’apprécier l’instant. Il possède d’ailleurs, au volant de sa voiture, tous les attraits d’un randonneur du dimanche plus pollueur qu’écologiste. Les scènes filmées dans l’immense demeure sans âme de Thomas place toujours sa maîtresse Milly (Louise Bourgoin) ; il a laissé femme et fille en Angleterre ; comme une présence lointaine, presque un fantôme, une manifestation de sa conscience. Seul une présence humaine peut le ramener à reprendre une place plus sereine dans l’univers. Lorsque arrive Jack, c’est la première fois où la caméra s’éloigne et donne la mesure de l’immensité des lieux.

Millie (Louise Bourgoin) et Thomas (Garrett Hedlund)

Millie (Louise Bourgoin) et Thomas (Garrett Hedlund)

D’une certaine manière, alors qu’il fuyait le monde, que celui-ci le rattrape lui donne une merveille perspective de lui-même. Toutefois, fuyant toute relation humaine sérieuse, il reste elliptique et méfiant. Face à lui, Jack ne cesse de questionner et de parler. On serait bien en peine de savoir qui a le pire comportement. Dans ce microcosme perdu au milieu du vide, ce huit-clos à l’air libre, la tension s’installe de manière intense. Placé sur un pied d’égalité, on peut se poser alors de sérieuses questions sur le rôle futur de l’un et de l’autre. C’est sur ce point que Mojave est très efficace, les valeurs traditionnelles qui pousserait le vagabond à être le salaud de l’histoire et l’artiste a être la victime sont constamment renversées et remises en question. D’autant plus que les deux personnages ont finalement, dans leur haine de la société et leur misanthropie, beaucoup de points communs. Il suffit que Jack se débarrasse de ses cheveux et de sa barbe hirsute pour finir de troubler nos repères, le vagabond devenant plus présentable que le nanti à l’allure de hipster hippie. Le jeu délétère qui va s’instaurer n’ait que le reflet d’un manque qu’ils cherchent à combler, l’un cherchant la mort, l’autre la vie, jusqu’à ce que leur volontés respectives contredisent l’image qu’il renvoie. L’interprétation et surtout la gestuelle d’Oscar Isaac qui semble habité par son rôle participe grandement de l’ambiance malsaine. Peut-être n’est il qu’une apparition christique dans le désert ?

Thomas (Garrett Hedlund) et Jack (Oscar Isaac)

Thomas (Garrett Hedlund) et Jack (Oscar Isaac)

Mojave bénéficie d’une photographie exceptionnelle et d’un scénario fort bien écrit qui le place dans la catégorie peu sollicitée, non pas du thriller psychologique, les psychés de l’un et de l’autre semblent tranché des le départ, mais plutôt du thriller philosophique, interrogeant la fine frontière qui sépare, pour une âme torturée voire suicidaire, une vie morne où l’on se regarde mourir et l’attrait apaisant d’une mort rapide.

Boeringer Rémy

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