A l’occasion de la ressorti de Scream en salle, le 21 octobre 2016, dans le cadre des séances Il était une fois…, présentées par Philippe Rouyer, nous avons pu revoir sur grand écran, ce classique du cinéma d’horreur américain, film somme de Wes Craven, aux allures parodiques, qui n’en étale pas moins sa science avec maestria et a participé à ressusciter un sous-genre qui déclinait, le slasher et demeure aujourd’hui incontournable.
Alors que sa mère a été sauvagement assassiné l’année précédente, Sidney Prescott (Neve Campbell) tente de se reconstruire. C’est alors que de nouveaux meurtres sont perpétrés non loin de son campus. Et bientôt, elle est elle-même la cible du tueur. Ne sachant plus à quels seins se vouer, tout le monde devient suspect, son petit-ami Billy Loomis (Skeet Ulrich), son père Neil Prescott (Lawrence Hecht), et même la journaliste qui couvre l’enquête Gale Weathers (Courteney Cox).
Il fallait revoir Scream, revigorer nos souvenirs lointains, pour se rappeler à quel point le dosage y est savant entre parodie, sérieux dû au genre et étalage de connaissances encyclopédiques. C’est de cette alchimie que Wes Craven a réussi un véritable coup de maître. D’abord en flattant intelligemment l’ego des amateurs qui pouvaient eux-même répondre aux questions du tueur ou réagir à telle ou telle citation des protagonistes. Il leur donnait même l’envie d’approfondir, générant une frustration certaine de passer à côté de certaines références. Quel plaisir de se rendre compte que Wes Craven lui-même, affublé du même pull rayé, en homme de ménage, rappele son personnage fort connu qu’il créa en 1985 dans Les griffes de la nuit : Freddy Krueger. Les écrans, nombreux servent également de citations faciles. On notera sur les télés, la présence de Nosferatu le Vampire de F.W. Murnau, Frankenstein de James Whale et bien sur d’Halloween, chef d’oeuvre de John Carpenter qui propulsa en 1979, le slasher, encore sous-représenté, et surtout lança la mode des sagas que les producteurs réclamaient alors à corps et à cris après le succès du film. Certaines musiques du film sont d’ailleurs reprises telles quelles dans Scream Un succès dans lequel des franchises comme Vendredi 13 s’engouffrèrent rapidement. Wes Craven en profite justement pour régler ses comptes avec cet aspect de l’industrie. Par exemple, Casey Becker (Drew Barrymore) affirme que Les griffes de la nuit était génial mais que le reste de la série, dont Craven ne réalisera à nouveau que le septième épidode, est nul.
Sidney Prescott (Neve Campbell) et Tatum Riley (Rose McGowan)
Certaine référence sont carrément des jeux de mots sur des films plus obscures, notamment lorsque Tatum énonce « J’irais cracher dans ton garage » juste avant de mourir, référence évidente à I spit on your grave de Meir Zarchi, film de revanche qui surfera, en 1978, sur la vague lancé par La dernière maison sur la gauche de Wes Craven, encore. C’est à dire que le bonhomme a tellement influencé le film de genre et ses différents avatars qu’on ne pourra lui reprocher d’avoir fait de même avec Scream, récupérant à son tour le travail des autres. Dans cette lignée de film qu’il a contribué à faire sortir du lot, où les femmes humiliées par le patriarcat se vengent, Craven donne d’ailleurs les rôles les plus forts à ces actrices qui ne s’en laissent pas compter. Sidney met toujours le tueur K.O..Petite perle de mise en scène dont il faut connaître l’origine pour en comprendre le sens, Craven reprend même certain plan à l’identique. C’est le cas du zoom sur l’oeil du principal Himbry (Henry Winkler), reproduisant celui de Marion Crane dans Psychose d’Alfred Hitchcock. Enfin, véritable hommage à une actrice oubliée, il propose un caméo à Linda Blair, l’actrice qui joua la petite fille dans L’exorciste de William Friedkin. On est bien loin du fan service grossier de Jurassic World. Voilà un homme qui sait en donner pour tout le monde, corsant parfois la difficulté sans jamais mâcher le travail. Rien que pour ça, Scream accroche nécessairement les aficionados de film d’horreur qui se prennent au jeu. D’autant plus que Craven se moque du genre et beaucoup de lui-même, et que, par contagion, le spectateur est appelé à rire de lui-même également. Le réalisateur l’interroge : pourquoi continuer à aller voir des films dont le montage est toujours exactement le même ?
Billy Loomis (Skeet Ulrich) qui porte le nom du psychiatre d’Halloween et Sidney Prescott (Neve Campbell)
Comment supporter une industrie basé sur l’exploitation outrancière de procédés dejà existants, réutilisés jusqu’à les vider de leur substance ? Craven se moque tellement qu’il n’ait guère étonnant que Scary Movie de Keenen Ivory Williams, sortie seulement quatre ans après, est connu un tel succès en poussant au paroxysme l’idée. Les nombreuses scories du genre, tous ces clichés sont décortiqués par les différents héros. Alors que, dans l’opinion publique, un débat ressurgi sur la violence qui éclaboussent les écrans et qui pousserait notre jeunesse sur le mauvais chemin, Craven organise une réplique proportionnée et astucieuse, créant un pur film d’horreur, donnant dans l’autocritique, tout en se lâchant plus que jamais sur l’hémoglobinee et l’inventivité gore. Et donne la réponse ultime par son dénouement. Si des déséquilibrés s’inspirent d’oeuvre horrifique, c’est d’abord parce qu’ils ont un souci psychologique et non l’inverse, même parfois dû à un excès de puritanisme au sein de la famille. Ajoutons, pour finir notre hommage posthume à Wes Craven, que Scream est aussi un excellent thriller, menant de bout en bout le spectateur par le bout du nez, mettant en oeuvre un scénario d’une profondeur réelle, là ou le genre était de plus en plus ramené à sa plus simple expression. Craven voulait donner du corps et une âme à tous ces personnages, même les plus superficiels, et y arrive brillamment.
Casey Becker (Drew Barrymore)
Scream reste, vingt ans après sa sortie, déjà, une oeuvre remarquablement efficace, à la croisé entre deux périodes, abordant l’horreur avec modernité tout en relançant un genre en désuétude. Pour le meilleur et le pire, nous le constatons souvent dans nos lignes…
Boeringer Rémy
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