Date de sortie 19 octobre 2016
Réalisé par Nicole Garcia
Avec Marion Cotillard, Louis Garrel, Alex Brendemühl
Brigitte Rouan, Victoire Du Bois, Aloïse Sauvage,
Daniel Para, Jihwan Kim, Victor Quilichini
Genre Drame
Production Française, Belge
D’après le roman Mal di pietre de Milena Agus
Synopsis
Gabrielle (Marion Cotillard) a grandi dans la petite bourgeoisie agricole où son rêve d’une passion absolue fait scandale. À une époque où l’on destine d’abord les femmes au mariage, elle dérange, on la dit folle. Ses parents la donnent à José (Alex Brendemühl), un ouvrier saisonnier, chargé de faire d’elle une femme respectable. Gabrielle dit ne pas l’aimer, se voit enterrée vivante.
Lorsqu’on l’envoie en cure thermale pour soigner ses calculs rénaux, son mal de pierres, un lieutenant blessé dans la guerre d’Indochine, André Sauvage (Louis Garrel), fait renaître en elle cette urgence d’aimer. Ils fuiront ensemble, elle se le jure, et il semble répondre à son désir. Cette fois on ne lui prendra pas ce qu’elle nomme "la chose principale".
Gabrielle veut aller au bout de son rêve.
Mario Cotillard et Alex Brendemühl
Entretien avec Nicole Garcia
Propos recueillis par Olivier Seguret relevés dans le dossier de presse.
Ce sujet vient d’un livre, un roman de Milena Agus qui m’a donné une très forte idée de ce que pouvait être un destin de femme. Mais un livre demande à être interprété, réinventé. Pour que je puisse raconter l’histoire en mon nom, il fallait que je me l’approprie librement. On peut s’éloigner d’un livre sans le trahir et je pense que c’est ce que nous avons fait au long de l’écriture du scénario avec Jacques Fieschi. Oui, nous avons modifié, développé, inventé, mais je n’ai jamais perdu de vue, ce qui vibrait profondément dans ce récit, la raison même pour laquelle je l’aimais.
Ce destin de femme incarne pour moi la forme de l’imaginaire, la puissance créatrice dont nous sommes tous capables lorsque nos aspirations, nos sentiments, nous conduisent aux extrémités de nous-mêmes, à notre propre dépassement.
Chez Gabrielle, il y a depuis le début de sa vie cette très forte aspiration charnelle qu’elle appelle "la chose principale", cette échappée belle du désir et de l’amour, cette ardeur animale.
Ce mouvement de tout son être va être brutalement contredit par celui qu’elle voudrait étreindre, l’instituteur du village, puis condamné plus largement par la famille et cette société des années 50.
Mais quelque chose d’entier persiste chez elle, malgré le mariage arrangé par lequel on se débarrasse d’elle. Pendant les 17 ans où le film l’accompagne, elle ne perd rien de sa force pulsionnelle qui lui fait trouver médiocre le monde qui l’entoure. Avec sa folie, ou ce que les autres nomment folie, jamais elle ne renonce à ses rêves. Lorsqu’elle se rebelle et qu’on la brise, sous sa prétendue soumission elle n’abdique sur rien. Quand elle rencontre enfin ce grand amour, ce moment extatique qui pourrait donner un sens à sa vie mais que le destin menace de lui voler à nouveau, elle démontre de quoi sa passion grandiose est capable.
Gabrielle vit au carrefour d’un monde archaïque et d’une époque d’aspiration plus grande à la liberté. Les personnages de femme m’intéressent quand ils ont cette dimension vibrante, tremblante, poétique. Quelque chose dans la folie des femmes m’attire, lorsqu’elles portent en elles une fragilité, une bascule possible… et même parfois le risque d’une catastrophe.
J’ai aussi aimé les personnages masculins, José le mari et Sauvage l’amant, je les aime pour leur pudeur, leur courage, leurs silences.
L’un des principes du récit romanesque est que les personnages ne stagnent pas, ne sont pas prisonniers des situations, donnent le sentiment d’improviser leur vie sous nos yeux. Le récit n’avance qu’à travers eux, on les suit dans ce qu’ils pourraient faire, ce qui paraît juste dans leur comportement et au-delà de la justesse, leur fantaisie, leur embardée imprévisible. C’est cette liberté qui nous donne une chance d’attraper une vérité.
J’ai pensé d’abord et avant tout à Marion Cotillard pour le rôle… Et je n’ai jamais su répondre à la question : "Qui d’autre ?". Je l’ai attendue le temps qu’elle se libère de ses projets nord américains, c’est le jeu, et je ne le regrette pas. Marion a fait preuve d’une grande rigueur, j’ai été touchée par son engagement, sa confiance, son abandon. Elle a aussi travaillé son rôle par elle-même, en notant beaucoup de choses sur un carnet secret que je la voyais consulter. Elle exprime dans ce film une sensualité très particulière, que je trouve très rare au cinéma.
Elle a parfaitement saisi la dimension à la fois animale et possédée de Gabrielle, de sa folie créatrice.
Si j’ai aimé cette histoire, c’est qu’elle résonne aussi avec ma vie. Elle représente ce qu’est pour moi l’imaginaire, sa puissance et sa force de réparation.
Ce que vit Gabrielle, je l’ai ressenti comme nous tous. C’est une force qui fait partie de nous, qui est universelle, qui rend la vie plus grande que la vie, qui nous attire vers le merveilleux, vers l’inconnu.
Alex Brendemühl et Marion Cotillard
Quelques mots sur le fidèle scénariste de Nicole Garcia.
Jacques Fieschi a vécu son enfance à Oran où il est né et où il était déjà devenu un cinéphile. Arrivés avec la vague des rapatriés, ses parents optent pour Cannes. Ainsi dès l'âge de quatorze ans, Jacques Fieschi se trouve établi dans la ville du Festival.
Poursuivant des études supérieures littéraires, il dirige pendant dix ans la revue Cinématographe. Ce métier de critique qui assouvit sa boulimie cinéphilique, le met en relation avec de nombreux cinéastes. Maurice Pialat le premier lui propose d'écrire pour lui le scénario de Police. Une expérience initiatique fort éloignée de tout académisme. Jacques Fieschi se méfie des écoles et des règles qui voudraient régir la cinématographie comme une science appliquée ou une technologie.
Dispensant son enseignement à la Fémis, il met en garde ses étudiants contre le formatage des récits et des esprits, tout en leur insufflant un peu de sa passion cinéphile : "Écrire un scénario ce n'est pas seulement écrire des dialogues ou un livret, mais des scènes de cinéma, c'est-à-dire un mouvement de cinéma. De façon parfois floue, l'écriture scénaristique contient des propositions de mise en scène, de montage. Celui qui ne comprend pas cette dimension ne doit pas devenir scénariste, mais romancier ou auteur dramatique."
Sources : www.africultures.com
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Mon opinion
Le scénario, librement inspiré de l'œuvre éponyme de Milenas Agus, est coécrit avec le fidèle Jacques Fieschi.
L'héroïne souffre beaucoup plus du manque "de la chose principale", cette aspiration à l'amour fou et au bien-être qui en découle, que du mal de pierres. Cette quête, impossible à maîtriser, dérangeante pour une femme de cette époque, offre à la réalisatrice de très beaux moments, dont elle use avec habileté.
Entre autres passages, celui dans lequel la mère menace sa fille d'internement. La silhouette fragile, qui apparaît ensuite dans l'ombre, presque irréelle.
La réalisation de Nicole Garcia souligne avec élégance la profonde douleur de cette femme. Son film peut paraître suranné par excès de sentimentalisme et une réalisation peu novatrice. Il n'en est que plus intemporel et poignant.
Alex Brendemühl, est un magnifique taiseux qui se révèlera bien différent de ce que l'on peut supposer. Louis Garrel est surprenant de retenue. Brigitte Rouan excelle dans ce rôle de mère.
Marion Cotillard se laisse envahir par les troubles de son personnage et traduit toutes ses blessures par un ensemble d'expressions à la fois parfaitement justes et douloureusement significatives. En totale confiance, la comédienne donne tout à la réalisatrice.
Louis Garrel et Marion Cotillard