L'affaire O.J Simpson représente une date marquante de l'histoire judiciaire des États-Unis. Il s'agit sans doute du fait divers le plus médiatisé impliquant une célébrité, ainsi que celui ayant eu le plus d'impact politique. Cet ancien joueur de football américain en reconversion dans le cinéma ( Y'a t-il un flic pour sauver la reine?), immense star jouissant d'une popularité incomparable fut accusé du meurtre du son ex-épouse Nicole Simpson et de l'ami ce celle-ci Ronald Goldman. Son procès au pénal lui valut l'acquittement mais il fut reconnu coupable au civil et cette affaire défraya la chronique durant trois ans sous le regard de plus de 100 millions de téléspectateurs. En adaptant le livre de Jeffrey Toobin The Run of His Life: The People versus O. J. Simpson, Scott Alexander et Larry Karaszewski ( Ed Wood, Larry Flynt) ont voulu restituer les faits au plus juste en les faisant tenir sur dix épisodes. Ce qui frappe d'emblée, c'est d'ailleurs la méticulosité avec laquelle chacune des étapes importantes de l'affaire est abordée et comment le système judiciaire est disséqué à la loupe et sous tous ses aspects. Tous les éléments, de la découverte de la scène de crime à l'arrestation, en passant par la poursuite par la police sur l'autoroute jusqu'à chaque point clé du procès et l'instrumentalisation de la race pour instiller le doute sur la probité de la police sont traités avec une précision chirurgicale, mais ce qui surprend encore plus c'est l'incroyable escalade médiatique que va prendre cette affaire, devenant comme le point de départ de l'ère moderne de la télé-réalité avec en corollaire une véritable réflexion sur le rapport aux images et à leur consommation que ce soit en terme de course à l'information ou du voyeurisme du public, devenue l'apanage de nos sociétés occidentales.
Par bien des aspects, American Crime Story fait penser à Murder One, série de Steven Bochco de 1995 qui racontait sur une saison (du moins pour la saison 1), le procès pour meurtre d'un acteur célèbre et le tourbillon médiatico-judiciaire qui en découlait. Leur élégance, la qualité de leurs dialogues, leur distribution chorale proprement exceptionnelle, la mise en scène fluide et précise et surtout le traitement de la médiatisation semblent très proches. Rien d'étonnant, quand on sait que Murder One est née dans le sillage de l'affaire O.J Simpson à la différence près qu'il s'agit d'une pure fiction là où American Crime Story est le compte rendu le plus fidèle possible de cette affaire hors normes. Les micros qui se tendent au moindre geste, les journalistes qui courent dans tous les sens pour obtenir ne serait-ce qu'une image, les stratégies des avocats puis les tractations dans les bureaux des procureurs, de nombreux points de convergence apparaissent entre les deux séries. Et les deux sont remarquables, ni plus, ni moins.
Chaque composante de la série concoure en effet à en faire une œuvre incroyable. Le rythme, la densité scénaristique et la dramatisation nécessaires à une fiction et non à un documentaire n'altèrent en rien la qualité intrinsèque de la série qui bénéficie d'un soin tout particulier à tous les niveaux. Produite par Brad Falchuk et Ryan Murphy ( American Horror Story construite sur le même modèle anthologique), American Crime Story n'a de cesse de fasciner. De par son récit évidemment mais aussi grâce à un casting tout bonnement fantastique qui redonne vie à tous ces personnages entrés de fait dans l'histoire. De John Travolta à David Schwimmer, de Connie Britton à Selma Blair en passant par Nathan Lane, Cheryl Ladd et Bruce Greenwood, la distribution est exceptionnelle. Mais elle s'appuie surtout sur un trident de tout premier ordre qui impressionne par l'investissement et la qualité des nuances qu'ils apportent à leur jeu. Sarah Paulson, Courtney B. Vance et bien entendu Cuba Gooding Jr donnent leur pleine mesure dans ce qui ressemble aux rôles de leurs vies. Reflet d'une époque où le traitement des célébrités par les médias connaissait un profond changement, American Crime Story : The People Vs O.J Simpson est un exemple de maitrise scénaristique où le fond et la forme se confondent et qui sert à merveille l'ensemble de ses thématiques. Un véritable chef-d'œuvre et un propos maîtrisé sur les conséquences du traitement médiatique qui peut désormais s'appliquer à tout un chacun.
Crédits: FX/Canal +