Un jour avec, un jour sans

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Blaq Out pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Un jour avec un jour  sans » de Hong Sang-Soo.

« Vous devez être quelqu’un de sensible. Sinon, comment pourriez-vous faire des films pareils ? »

Le réalisateur Ham Cheonsoo arrive un jour trop tôt dans la ville de Suwon, où il a été invité à parler de son oeuvre. Il profite de cette journée d’attente pour visiter un palais de la ville.

Il y rencontre Yoon Heejeong, une artiste locale avec laquelle il va discuter, dîner, boire… Mais il n’est pas tout à fait honnête avec elle.

« Quand on commence sans savoir où l’on va, on ne peut se fier qu’à ses sens et à sa perception. »

Née au lendemain de la seconde guerre mondiale et de l’indépendance du pays, la jeune industrie cinématographique coréenne connait des débuts prometteurs. Néanmoins, après une décennie 50’s particulièrement faste, le secteur connait un brutal coup d’arrêt du fait des bouleversements politiques et du retour au pouvoir de la junte militaire. Imposant un contrôle et une censure stricts sur la production cinématographique locale, celle-ci disparait de la scène internationale durant près de vingt ans. Ce n’est qu’avec la libéralisation progressive du régime que la production cinématographique locale renait progressivement de ses cendres, sous l’égide d’une nouvelle génération de cinéastes comptant notamment dans ses rangs Park Chan-Wook (« Old boy »), Kim Ki-Duk (« Locataires ») et donc Hong Sang-Soo. Ce dernier, véritable passionné de cinéma, ira même étudier l’art de la réalisation aux Etats-Unis. Après dix années passées à travailler pour la télévision coréenne, il réalisera son premier film en 1996. Menant depuis une prolifique carrière de réalisateur, il est régulièrement présent dans les grands festivals internationaux. Il a notamment été récompensé du Prix « Un certain regard » en 2010 pour « Hahaha ». Son nouveau film, « Un jour avec, un jour sans » a obtenu le Léopard d’or au Festival de Locarno.

« Le conformisme est réconfortant. C’est plus facile pour se consoler. »

En vingt ans de carrière, Hong Sang-Soo a su développer un cinéma à la fois doux-amer et joyeusement mélancolique. Une œuvre originale et très personnelle, hantée par des personnages de cinéastes un peu paumés, qui tenter d’exorciser - le plus souvent dans l’alcool (qui permet de désinhiber) - les regrets de leurs déceptions amoureuses. Son nouveau film, « Un jour avec un jour sans », reprend ainsi dans les grandes lignes toutes les obsessions et les thèmes chers du cinéaste, lui donnant ainsi des airs de « film somme ». Et ce d’autant plus que « Un jour avec un jour sans » donne aussi lieu à une nouvelle étude sur la question de la temporalité, l’autre grande obsession du cinéaste. On se souvient qu’il avait déjà imaginé des personnages revisitant leur passé (« La femme est l’avenir de l’homme »), des personnages ayant vécu simultanément de mêmes expériences sans se croiser (« Hahaha ») ou encore un personnage a qui l’on invente toutes sortes de vies (« In another country »). Cette fois, il pousse son étude encore plus loin en imaginant une même histoire qui donne lieu à deux récits distincts. Construit comme un diptyque reprenant strictement les mêmes éléments temporels (la rencontre dans le temple - la discussion au café - la visite de l’atelier - le diner au sushi bar - la visite de la librairie), le film offre cependant une variation subtile aux personnages : menteur dans la première partie, le héros se livre à un jeu badinage un peu pitoyable se finissant en une humiliation blessante pour la jeune fille qui s’amourache de lui le temps d’une journée, tandis que dans la seconde partie, son honnêteté donnera lieu à une jolie romance platonique d’une journée. Un peu (trop) bavard, souvent assez amusant, parfois émouvant, le film, derrière sa morale évidente et un peu facile, nous rappelle qu’il ne faut pas grand chose pour changer une histoire banale en une jolie histoire. Et signe là une élégante variation qui rappelle - de loin - le cinéma naturaliste de Rohmer autant que le cinéma malicieux de Woody Allen (notamment son « Melinda et Melinda »).

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Le DVD : Le film est présenté en version originale coréenne (2.0 et 5.1). Des sous-titres français sont également proposés. Côté bonus, le film est accompagné d’un module « Autour du cinéma de Hong Sang-soo : dialogue entre Claire Denis, cinéaste, et Charles Tesson, critique » (70’).

Édité par Blaq Out, « Un jour avec un jour sans » est disponible en DVD depuis le 20 septembre 2016.

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