Un grand merci à Carlotta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « A touch of zen » de King Hu.
« Dans une époque de désordre, on cherche la survie. Qu’importe les honneurs. »
Gu Shengzai, vieux garçon exerçant la profession de peintre et d’écrivain public, mène une vie tranquille avec sa mère, laquelle cherche à tout prix à marier son fils. Lorsqu’une nouvelle voisine vient s’installer à côté de chez eux, l’occasion est inespérée. Mais cette jeune fille mystérieuse n’est autre que Yang Huizhen, dont le père a été assassiné par la police politique du grand eunuque Wei et qui est depuis, recherché pour trahison…
« Les esprits n’existent que dans la mesure où l’on y croit »
Après une décennie passée à exercer divers métiers techniques dans l’ombre des studios cinématographiques hongkongais, Kinh Hu finit par passer derrière la caméra au début des années 60. Après plusieurs films réalisés pour la Shaw Brothers, il rencontre le succès en 1966 avec « L’hirondelle d’or », un film d’aventures dont la sophistication permet au réalisateur de dépoussiérer le genre du « Wu xia pian » (le film de sabre chinois) jusqu’alors ringardisé par le « Chambara » japonais. Mais agacé par son perfectionnisme maladif, Run Shaw Shaw finit par le renvoyer des studios. Le réalisateur part alors poursuivre sa carrière à Taïwan où son film « Dragon inn » réalisé l’année suivante connait un immense succès populaire à travers toute l’Asie. Le réalisateur entame alors ce qui sera le film de sa vie, « A touch of zen » (1971), œuvre phénoménale pour laquelle près de trois années de tournage sont nécessaires. Il en résultera un monument cinématographique de plus de trois heures, sorti à Taïwan en deux parties et dans des versions allègrement tronquées dans le reste de l’Asie, sans connaitre le succès escompté. Il faudra attendre 1975 et sa présentation au Festival de Cannes (d’où il repartira auréolé du Prix de la Commission supérieure technique du Festival) pour que le film soit réhabilité et que King Hu obtienne une véritable reconnaissance internationale.
« Je ne peux plus vous abandonner. Nous avons partagé le bonheur. Nous partagerons les dangers. »
Avec « A touch of zen », King Hu nous entraine dans une nouvelle épopée chevaleresque sise à l’époque de la dynastie Ming. Inspiré par les récits de Pu Songling, un auteur chinois du 17e siècle, le film nous conte la poursuite par les espions de la puissante police secrète des eunuques (qui détiennent alors le pouvoir) de la fille d’un ancien dignitaire (lui-même assassiné) qu’ils veulent supprimer. Une trame scénaristique qui n’est pas sans rappeler, dans les grandes lignes du moins, celle de « Dragon inn » sorti quatre ans plus tôt. A ceci près que « A touch of zen » s’enrichit d’une dimension épique et mystique qui vient remplacer la légèreté et le second degré de « Dragon inn ». D’ailleurs, ce n’est plus la qualité technique ou la puissance des guerriers qui permet ici le triomphe mais bien l’intelligence et la spiritualité. A l’image du héros, petit scribe (donc lettré) provincial, qui bien que jamais formé au maniement des armes conduira ses compagnons à la victoire de par ses talents de stratège et de tacticien. Et que dire de ce moine bouddhiste qui tire la puissance de son kung-fu de ses années de méditation ? Sur la forme, King Hu signe un film d’une formidable beauté visuelle (décors, costumes…) dont chaque plan et chaque mouvement de caméra dégage une grâce incroyable. Le film trouve même son apothéose le temps de ses deux grandes scènes de combats : celle du guet-apens nocturne dans la forteresse hantée (dont on regrettera la trop grande obscurité des plans) et celle, finale dans la forêt de bambous. La chorégraphie impeccable des combats y étant, sans aucun doute, pour beaucoup. Finalement, le seul véritable défaut du film repose sans doute dans sa langueur qui, par ses respirations prolongées et son absence de rythme, fait perdre par moment le fil d’une intrigue déjà complexe et dont la symbolique bouddhiste demeure par moment peu accessible aux non-initiés. Un très bel objet filmique assurément. Mais qui demande beaucoup de patience pour être apprécié à sa juste valeur.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau master restauré 4k. Il est proposé en version originale chinoise (mandarin – 1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres optionnels français sont également proposés. Côté bonus, le film est accompagné par une préface de Pierre Rissient (HD), ainsi que par « Golden Blood » : essai réalisé par David Cairns (HD - 18’).
Edité par Carlotta, « A touch of zen » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 21 septembre 2016. Le film est également disponible au sein d’un coffret dédié par l’éditeur au réalisateur King Hu qui comprend également le film « Dragon inn ».
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