Quelques outils pour creer du suspense

Par William Potillion @scenarmag

Créer du suspense, c’est créer une attente de quelque chose de dramatique sur le point de se produire.
Comme nous ressentons ou plutôt partageons des émotions par personnage interposé, créer du suspense revient donc à construire de l’émotion en anticipant une conséquence.

QUELQUES OUTILS DU SUSPENSE

Comprenez bien que chaque scène n’a pas obligation de véhiculer du suspense. Mais lorsque vous avez l’intuition que du suspense doit être introduit, voici une petite liste d’outils qui pourraient vous permettre d’en instiller la situation.

Créer du conflit

Le conflit, élément dramatique essentiel des fictions, est un des éléments majeurs de la génération du suspense.

Deux forces dramatiques engagées dans un conflit augmentent toujours l’expectation du résultat.
Et si l’on observe ces deux forces sans chercher à les interrompre si nous en avions l’occasion, c’est parce que l’on est pris dans les rets d’une fascination qu’il nous faut assouvir.

L’esprit du lecteur/spectateur n’est pas passif dans cette observation. Il participe effectivement à l’action par cette curiosité qui n’est pas indifférente.

Une puissante opposition

Le personnage central de l’histoire doit faire face à une opposition qui le dépasse. Et il est contraint de s’y frotter. Il ne peut tout simplement pas l’éviter.

David Trottier donne l’exemple de Khan (Star Trek 2 : La colère de Khan).
Khan est un surhomme. Il est supérieur à Kirk physiquement et mentalement. Et la question dramatique centrale, celle qui nous tient en haleine, est de savoir si Kirk survivra face à cette force qui le domine.

Des problèmes annoncés

L’opposition qui confronte le protagoniste est à même de créer de l’attente chez le lecteur.
David Trottier rappelle la scène de la gare dans Les incorruptibles. Alors que tout est en position, une jeune femme a des difficultés à grimper les escaliers avec son landau et risque de se retrouver en plein milieu de l’action.
Et le suspense se construit sur une sorte d’effet d’annonce. Il n’y a pas encore de problème mais il est annoncé.

L’annonce peut porter aussi sur l’émotion. Et si le héros rentrait chez lui pour trouver sa femme en pleine discussion avec sa maîtresse ?
Le suspense se monte sur la tension de la situation. Surtout si innocemment, sa femme présente cette fille à son mari. Le suspense vient de l’ironie. Les amants et le lecteur ont l’information mais pas la femme légitime.

Que le résultat soit une scène de ménage ou bien que le secret soit encore gardé, la suite de l’histoire le dira. Mais pour ce moment, seul le suspense est recherché.
Il y a de la tension dans l’air. D’ailleurs, tension et suspense, à défaut d’être synonymes, se conjuguent très bien.

La tension vient de l’ironie

A propos d’ironie et de distribution d’information, cette technique vous permet d’augmenter la tension d’une situation si l’on comprend la tension comme un outil dramatique qui facilite le suspense.

Par exemple, un couple se rend dans un restaurant pour fêter leur anniversaire de mariage.
Cependant, nous avons vu précédemment que la table qu’ils ont réservée (c’est à cette même table que dix ans plus tôt, il lui avait fait sa demande en mariage), est piégée par une bombe !

Il y a donc une menace en acte et nous le savons. Et c’est parce que nous nous retrouvons dans cette position supérieure de connaître certaines choses que les personnages ignorent que le suspense suinte de la situation.
Lorsque le lecteur est le seul qui soit conscient du danger, le suspense s’installe aussitôt.

Surprendre

Un rebondissement peut créer du suspense. Lorsque Hitchcock montra Norman Bates tuant Marion Crane, cela crée une attente vers davantage de violence.

En effet, Alfred Hitchcock a dit qu’à ce moment de l’histoire, il avait transféré l’horreur de ce qui se passait à l’écran dans l’esprit du spectateur.
Et bien qu’il n’y ait réellement qu’un seul acte de violence dans la suite de l’histoire, nous sommes cependant tenu par le suspense.

L’urgence des enjeux…

Lorsque quelque chose est vital pour un personnage, elle l’est aussi pour le lecteur. Plus les enjeux sont importants, et plus intense sera le suspense.

Plus la perte pour le héros est sensible s’il échoue et plus le suspense imprégnera l’action. Bien sûr, la nature de cette perte est très variable et sera accordée au genre dans lequel s’inscrit votre histoire.

… aux conséquences sérieuses

Les enjeux sont mesurés aux conséquences pour le héros s’il échoue.
Si la femme du héros est prise en otage, l’enjeu est la survie de celle-ci.
Un enjeu de taille pour le héros. Mais ce n’est pas suffisant si seul cet enjeu est établi. Il est nécessaire que les conséquences soient claires et distinctes.

Si le héros échoue, sa femme mourra. C’est une conséquence terrible pour le personnage principal.
Il faut cependant que cette issue fatale soit clairement énoncée dans l’esprit du lecteur.

Un temps limite

Un compte-à-rebours est un outil dramatique très efficace pour créer du suspense.
Par exemple, dans Démineurs, le sergent William James n’a que quelques minutes pour désamorcer la bombe nouée autour du corps d’un innocent. On imagine déjà les conséquences s’il échoue.

Et un compte-à-rebours peut être subtile. Il est souvent inutile de montrer le décompte. Il suffit de faire comprendre au lecteur qu’il s’égrène inexorablement sans que l’on en ait la preuve visuelle.
Et c’est ce qui se passe dans cette scène avec le sergent James.

Et pour en revenir à Hitchcock, il a aussi ajouté que la menace de la violence est plus puissante que la violence elle-même.
En fait, un compte-à-rebours implicite est plus dramatique que le décompte des aiguilles d’une horloge comme les pétales de rose qui chutent l’une après l’autre dans La belle et la bête (version Disney).

L’indécision quant à l’issue

En d’autres termes, ne rendez pas la scène prévisible. Si le lecteur ne parvient pas à imaginer comment la scène va se terminer ou si vous l’emmenez sur une fausse voie, vous intensifierez le suspense.

Ou bien si vous montrez que tout le monde (y compris votre héros) peut mourir, alors vous maintiendrez le suspense à son plus haut niveau.
La mort de Eddard Stark dès la première saison de Game of Thrones est un bon exemple pour établir une telle tonalité dans l’histoire. Personne n’est à l’abri d’une mort violente.