Le Client (Forushande)

Par Cinealain

Date de sortie 9 novembre 2016


Réalisé par Asghar Farhadi


Avec Shahab Hosseini, Taraneh Alidoosti,

Babak Karimi, Mina Sadati, Farid Sajjadihosseini

Titre original Forushande


Genre Drame


Production Iranienne, Française


Synopsis

Contraints de quitter leur appartement du centre de Téhéran en raison d’importants travaux menaçant l’immeuble, Emad (Shahab Hosseini) et Rana (Taraneh Alidoosti) emménagent dans un nouveau logement.


Le couple s'installe dans un dans un petit trois pièces loué par un ami, occupé jusqu'à lors par une "femme de mauvaise vie". À la suite d'un quiproquo dramatique, l'héroïne se fait agresser par un client de la prostituée.

Emad se lance alors sur la piste de l'agresseur de sa compagne, au risque de nuire à sa vie de couple.

Le coupable qui n'est peut-être pas celui qu'il croit…

Taraneh Alidoosti et Shahab Hosseini

Après a réalisation de son film, Le Passé, Asghar Farhadi  décide ensuite de se lancer dans un film tourné en Espagne, produit par Alexandre Mallet-Guy et Pedro Almodóvar.


Ce projet étant reporté d’un an, il choisit de mettre ce temps à profit pour réaliser Le Client en Iran. Quelques mois plus tard, Le Client est sélectionné en compétition au Festival de Cannes 2016.

C’est la deuxième fois qu’Asghar Farhadi concourt pour la Palme d’Or.

Le film est récompensé par :

- Le prix du scénario.

- Le Prix d'interprétation masculine pour Shahab Hosseini.

Shahab Hosseini et Asghar Farhadi ont dédié leurs récompenses à l'Iran et à leurs compatriotes.

"Ce prix, je le dois à mon peuple, donc de tout mon cœur et avec tout mon amour, c'est à lui que je le rends", a déclaré Shahab Hosseini après avoir rendu un hommage à son père décédé. "Ce que je ressens fortement ce soir, c’est la joie que doit éprouver mon peuple, le fait que parmi les prix décernés, deux aient été remportés par notre pays", a-t-il rajouté plus tard lors de la conférence de presse des lauréats.

"Je reçois ce prix comme un hommage au cinéma iranien", a confié pour sa part Asghar Farhadi à Géopolis. "D’ailleurs dans mon film, il est fait allusion à un vieux film iranien, La Vache. Un film culte tourné en Iran il y a plusieurs décennies et qui n’a peut-être pas encore eu la reconnaissance méritée à l’étranger. C’est pourtant un chef d’œuvre du cinéma mondial. Ce film-là est le signe de la vivacité du cinéma depuis des décennies dans notre pays".

"Avant la révolution,  de grands réalisateurs ont fait de grands films. Malheureusement certains d’entre eux n’ont pas pu travailler par la suite", a poursuivi Asghar Farhadi. "D’autres ont ensuite apporté leur pierre à l’édifice de cette forme artistique, tellement puissante en Iran. Aujourd’hui, la reconnaissance et la distinction qui nous sont adressés rendent hommage à cet art et à cette expression artistique, et notamment à ces cinéastes qui ont su suscité en moi, petit, l’amour du cinéma".

Sources : Falila Gbadamassi pour  geopolis.francetvinfo.fr/cannes-2016

Le Client est aussi le deuxième film d’Asghar Farhadi qu’Alexandre Mallet-Guy produit et le cinquième qu’il distribue en France. Leur première rencontre a eu lieu à Berlin en février 2009 au moment où le producteur découvrait À propos d’Elly...

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Entretien avec Asghar Farhadi relevé dans le dossier de presse.

Après Le Passé tourné en France et en français, pourquoi avez-vous choisi de revenir à Téhéran pour Le Client ?


Après avoir tourné Le Passé en France, j’ai commencé à travailler sur une histoire qui se déroule en Espagne. Nous avons fait les repérages et j’ai écrit un scénario complet, non-dialogué. Nous avons discuté du projet avec les producteurs et les acteurs principaux. Mais pour réunir toute l’équipe, il fallait attendre presque un an. C’était l’occasion pour moi de faire un film en Iran, pour mon plus grand bonheur. Je n’étais pas à l’aise avec l’idée de tourner deux films successifs à l’étranger et de m’éloigner de l’exercice d’un tournage dans mon pays. Mais à présent, si tout se passe bien, je vais reprendre le projet espagnol.


Comment est né ce nouveau projet ?


Depuis longtemps, j’avais une histoire simple qui me trottait dans la tête, sur laquelle je prenais des notes. Lorsqu’il a été question de tourner un film en Iran, je me suis replongé dans ces notes éparpillées, prises depuis des années. Par ailleurs, j’ai toujours eu le désir de faire un film qui se passe dans le milieu du théâtre. J’en ai fait moi-même quand j’étais plus jeune et le théâtre a beaucoup compté dans ma vie. Cette histoire avait le bon potentiel pour s’inscrire dans ce milieu. J’ai donc commencé à développer ce scénario autour de personnages qui jouent une pièce.

Comment définiriez-vous Le client ? Est-ce le récit d’une vengeance ou une histoire d’honneur perdu ?


J’aurais beaucoup de mal à définir ou à résumer Le client, ou même à exprimer ce que cette histoire m’inspire personnellement. Tout dépend des préoccupations et du regard du spectateur. Celui qui le verra comme un film social retiendra les éléments relatifs à cet aspect. Un autre pourrait n’adopter qu’un point de vue moral, ou un angle encore différent. Ce que je peux dire, c’est qu’une nouvelle fois, ce film traite de la complexité des relations humaines, surtout au sein d’une famille ou d’un couple.

Au début du film, Emad et Rana forment un couple sans histoire. Ces deux personnages sont-ils des figures-types de la classe moyenne iranienne ?


Emad et Rana sont un couple de la classe moyenne en Iran. Nous ne pouvons pas dire qu’ils soient représentatifs de la plupart des couples de cette classe, dans leurs relations ou en tant qu’individus.


Simplement, les personnages ont été créés de telle façon que le spectateur n’ait pas le sentiment d’avoir affaire à un couple à part. Il s’agit d’un couple normal, mais qui a ses particularités. Ils sont tous les deux dans le domaine de la culture et jouent au théâtre. Mais ils se trouvent placés dans une situation qui révèle des dimensions inattendues de leurs personnalités.

Le titre original du film fait écho à celui de la pièce d’Arthur Miller qu’Emad et Rana interprètent sur scène avec leurs amis. Pourquoi avez-vous choisi d’utiliser cette  œuvre ?


J’ai lu Mort d’un commis voyageur lorsque j’étais étudiant. J’ai été très marqué par cette pièce, sans doute en raison de ce qu’elle dit des relations humaines. C’est une pièce très riche, qui offre des niveaux de lecture multiples. Sa dimension la plus importante est celle d’une critique sociale d’un épisode de l’histoire américaine où la transformation soudaine de la ville a causé la ruine d’une certaine classe sociale. Une catégorie de personnes n’a pas pu s’adapter à cette modernisation rapide et s’est trouvée broyée. À ce titre, la pièce a une très forte résonance avec la situation actuelle de mon pays. Les choses évoluent très vite et ceux qui ne peuvent pas s’adapter à cette course effrénée sont sacrifiés. La critique sociale au cœur de la pièce reste valable en Iran aujourd’hui.


Une autre dimension de la pièce est celle de la complexité des relations humaines au sein de la famille, notamment dans le couple que forme le commis voyageur avec Linda. La pièce a une forte prégnance affective qui, tout en étant très émouvante, fait réfléchir le spectateur à des questions très subtiles. Lorsque j’ai décidé que les personnages principaux du film feraient partie d’une troupe de théâtre et seraient en train de jouer une pièce, l’ œuvre de Miller m’a paru très intéressante, dans la mesure où elle me permettait d’établir un parallèle avec la vie personnelle du couple autour duquel se construit le film.


Sur scène, Emad et Rana jouent les rôles du vendeur et de son épouse.

Et dans leur propre vie, sans s’en rendre compte, ils vont être confrontés à un vendeur et à sa famille et devront décider du sort de cet homme.

Vous évoquez le développement anarchique de Téhéran à travers la vue que les personnages en ont depuis la terrasse du nouvel appartement. Est-ce votre regard personnel sur la ville dans laquelle vous vivez et travaillez ?


Le Téhéran d’aujourd’hui est très proche de New York, tel qu’Arthur Miller le décrit au début de la pièce. Une ville qui change de visage à une allure délirante, qui détruit tout ce qui est ancien, les vergers et les jardins, pour le remplacer par des tours. C’est précisément dans cet environnement que vit le commis voyageur. Et c’est un nouveau parallèle entre le film et la pièce. Téhéran change de façon frénétique, anarchique, irrationnelle. Quand un film raconte l’histoire d’une famille, la maison y a forcément un rôle central. Cela avait déjà été remarqué dans mes films précédents.
La maison et la ville occupent cette fois encore un rôle primordial.

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Né en 1974 à Téhéran, Shahab Hosseini a collaboré plusieurs fois avec Asghar Farhadi. En 2008, il joue dans À propos d'Elly… ce qui lui valut plusieurs nominations et récompenses iraniennes notamment celle du meilleur acteur dans un second rôle.


Dans Une Séparation, il incarne le personnage de Hodjat pour lequel il fût primé au Festival de Fajr avant de remporter, avec l’ensemble des comédiens du film, l’Ours d’Argent d’Interprétation masculine au Festival de Berlin 2011.


Le Client est sa troisième collaboration avec Asghar Farhadi.

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Taraneh Alidoosti est née à Téhéran en 1984. Elle joue pour la première fois à 17 ans dans Man, Taraneh, panzdah sal daram de Rasoul Sadrameli, ce premier rôle lui a valu le Léopard d’Argent à Locarno en 2002 et le Cristal Simorgh au Festival de Fajr.

Elle a ensuite joué dans Les Enfants de Belle Ville, La Fête du feu puis quelques années plus tard dans À propos d’Elly...


Le Client est sa quatrième collaboration avec Asghar Farhadi.

Mon opinion

Le scénario, justement récompensé au dernier Festival de Cannes est minutieux.

Asghar Farhadi réalise son désir, celui "de faire un film qui se passe dans le milieu du théâtre." Une passion pour le réalisateur. Des passages de la pièce d'Arthur Miller, "Mort d'un commis voyageur", se mêlent, avec habileté à l'intrigue principale.

La mise en scène est précise et délicate.

Entre la vengeance ou le pardon, Asghar Farhadi donne le beau rôle à son héroïne, la talentueuse et convaincante Taraneh Alidoosti qui tourne pour la quatrième fois avec le réalisateur.

Shahab Hosseini, quant à lui, est tout aussi éblouissant. Son prix d'interprétation, à Cannes, largement mérité, vient compléter un grand nombre de distinctions. Le Client est sa troisième collaboration avec Asghar Farhadi.

Le réalisateur a déclaré : "Ce que je peux dire, c’est qu’une nouvelle fois, ce film traite de la complexité des relations humaines, surtout au sein d’une famille ou d’un couple."

C'est exact, parfaitement démontré et magnifiquement mis en images.