L'invitation

Par Cinealain

Date de sortie 9 novembre 2016


Réalisé par Michaël Cohen


Avec Nicolas Bedos, Michaël Cohen,

Camille Chamoux, Gustave Kervern, Anne Charrier, Nader Boussandel


Genre Comédie


Production Française

Synopsis

En plein milieu de la nuit, Léo (Nicolas Bedos) réveille son meilleur pote, Raphaël (Michaël Cohen). Sa voiture est en panne, à une heure de Paris.

Hors de question pour Raphaël d’y aller… jusqu’à ce que la femme de sa vie le pousse hors du lit.

Arrivé sur place, il découvre qu’il n’y a aucune panne mais du champagne, des amis et une fête improvisée… Léo a fait un test à l’amitié.


Et si une amitié, une existence entière ne dépendait que de cette seule question :
"Tu te serais levé, toi, pour aller dépanner un pote à 3h du matin ?"

Entretien avec le réalisateur, Michaël Cohen, relevé dans le dossier de presse.

Jusqu'à maintenant, lorsque vous vous étiez lancé dans la mise en scène, que ce soit au théâtre ou au cinéma, c'était pour y montrer vos propres textes. Pourquoi cette fois-ci, pour votre nouveau film, avez-vous choisi d'adapter un BD ? Êtes-vous fan du "neuvième art" ?


Non, pas tant que ça. À dire vrai, je préfère les livres sans image. C’est le producteur de mon premier film, Ça commence par la fin, qui m’a donné à lire L’Invitation, signé Jim et Dominique Mermoux. Je l’ai accepté, un peu du bout des doigts, parce que, pour mon deuxième film, j’avais surtout dans l’idée d’écrire un scénario original. À ma grande surprise, je me suis aperçu que cette BD m’intéressait, m’amusait et me touchait parce qu’elle aborde un sujet qui me passionne depuis toujours : le couple. Le couple dans son acception la plus large, pas seulement, donc, le couple amoureux. L’Invitation racontant l’histoire de deux copains en mal de preuves d’attachement l’un à l’autre, j’ai eu l’impression que leur histoire me concernait, m’interrogeait sur mon propre rapport à l’amitié et que je ne serai pas le seul dans ce cas… J’ai eu immédiatement envie de l’adapter.

L'amitié entre copains est donc une problématique qui vous touche ...


Mais oui. Pour moi, l’amitié, ça peut se vivre comme de l’amour. On peut y connaître des histoires passionnées, avec des grands moments de bonheur, d’exaltation même, et puis, des fâcheries, des frustrations, des rancœurs, des éloignements, des réconciliations, des colères, de l’envie, de la jalousie, etc. On peut lui imputer nos échecs comme nos réussites. Exactement, en fait, les mêmes choses qu’en amour.

Dans votre transposition de L'Invitation, avez-vous mis beaucoup de souvenirs personnels ?


Bien sûr, oui, parce qu’effectivement, je crois connaître assez bien le sujet. J’ai des amis de très longue date et j’ai donc traversé pas mal de trucs avec eux. Mais le film est loin d’être un reportage sur ma vie ! Comme à chaque fois, c’est l’envie de raconter ce qui m’est propre et ce que j’observe autour de moi.

C'est la première fois que vous adaptez une BD. Avez-vous eu des difficultés particulières ?

J’avais l’impression que ça allait être facile parce que dans une BD, il y a des images et je pensais m’en servir comme story-board. C’était un leurre ! (rires). J’ai donc d’abord écrit une première version du scénario où, tout en en gardant ses personnages principaux et ses situations les plus fortes, je me suis beaucoup éloigné de la BD. Mais j’étais allé trop loin, et je me suis perdu. J’ai ensuite rencontré Dan et Léna Coen, mes co-scénaristes. Ce sont les cousins germains des frères Coen, (pas de lien de parenté avec moi !), qui avaient participé, entre autres à l’écriture de No Country for Old Men Ils m’ont incité à revenir à mon "fondamental", la BD. Chose qu’ils avaient faite sur No Country … : rester très fidèle au roman, en ne conservant que l’essentiel. J’ai donc gardé beaucoup de choses de la BD, et notamment, son point de départ, que j’adore : ton meilleur pote t’appelle en pleine nuit en te demandant de venir le dépanner puisqu’il est en panne de bagnole, à une heure de chez toi. Tu finis par y aller, et quand tu arrives, il t’annonce, en se marrant, que c’est une blague, que c’était juste pour voir ! Tu fais quoi ? Tu lui mets ton poing dans la figure, ou tu rigoles avec lui ? Est-ce que tu acceptes d’être testé, ou est-ce que tu rues dans les brancards ?

Ça m’a fait rire, et en même temps, ça m’a interpelé, parce que je me suis demandé comment, moi, j’aurais réagi, si j’aurais accepté, sans broncher, d’être "testé". J’ai tout de suite visualisé la scène. L’album est divisé en trois parties, j’en ai ajouté une quatrième qui montre le quotidien du personnage principal (que je joue), dans son travail et dans sa vie de famille. Je l’ai "lesté" pour l’incarner.

Quand vous avez écrit, avez-vous été influencé par le graphisme du dessin ? Ce dernier a-t-il suscité des images ?


Au stade de l’écriture, je n’y ai pas pensé. Après, dans la réalisation, oui, j’ai voulu rendre hommage à l’esthétique de certaines vignettes, que je trouve très belles, à leur lumière aussi.

Votre film est traversé par trois petits flash-back qui n'existent pas dans la BD. Pourquoi ces rajouts ?


Ils permettent, par petites touches, de faire comprendre la durée et l’intensité de cette relation entre deux copains. Je ne voulais pas de scènes où ces deux-là se seraient tapés dans le dos, en se déclarant bruyamment, leur attachement réciproque. Je voulais que leur amitié transpire, par exemple, à travers des regards, ou des intentions. Comme dans la vie, en fait, où on ne se fait pas des déclarations toute la journée, ou, au contraire, on accepte de subir de la part de celui qu’on aime, et parce qu’on l’aime justement, des choses un peu difficiles qu’on accepterait de personne d’autre…

En raison de son sujet même et de la personnalité des deux principaux protagonistes, L'invitation a un ton assez quotidien. Et pourtant, à certains moments, il parvient à âtre assez poétique, à nous emmener "ailleurs".


Ce que j’aime, en tant que réalisateur, c’est faire des films qui soient ancrés dans la réalité mais pas complètement ; qui le soient suffisamment, pour qu’on puisse s’identifier, mais pas trop, pour qu’on n’ait pas l’impression d’être dans un documentaire. Montrer la vie, mais la magnifier quand même un peu, qu’on se sente au cinéma…

L'invitation est votre deuxième film en tant que réalisateur. Mais, comme pour le premier, vous avez choisi d'en (ré-écrire le scénario et d'y jouer. Qu'est-ci qui vous pousse dans un projet, à porter plusieurs "chapeaux"


Quand j’ai commencé à prendre des cours de théâtre, à l’âge de quinze ans, je n’avais aucune confiance en moi. J’étais persuadé qu’à cause de la pléthore d’acteurs déjà existants, personne ne viendrait me proposer de rôles, et donc, qu’il fallait que je monte mes propres projets de A à Z, c’est-à- dire de l’écriture à la mise en scène (théâtre ou cinéma), en passant par le jeu et la recherche de production. J’ai commencé, assez jeune, à écrire et à monter mes propres textes. Et, peut-être parce que j’étais un peu inconscient, j’ai pris l’habitude de diriger et de jouer en même temps, sans que cet état schizophrénique ne me pose de problème particulier. En fait, j’ai tellement de choses à gérer comme réalisateur, que je lâche prise dans mon rôle. Et c’est un plaisir indicible pour un acteur que de se sentir libre, c’est une sorte de Graal ! Cela dit, j’avoue que je travaille beaucoup mon personnage en amont. Je suis de ceux qui pensent que la spontanéité est plus forte si on a beaucoup répété avant. Même si, intellectuellement, on oublie ce travail en arrivant sur le plateau, il est inscrit dans le corps. Ça donne de l’assurance. C’est le même principe qu’au théâtre : les répétitions ne sont pas faites seulement pour qu’on ait le temps de mémoriser un texte, mais pour qu’on ait une liberté de jeu.

Quel directeur d'acteurs êtes-vous ?


Je suis assez "cool", je crois ! Je fais toujours confiance à mes interprètes, parce que, étant comédien moi-même, je sais quoi et comment leur dire. Ce ne sont pas pour moi, des "animaux étranges", ils ne me font pas peur. Tous étant différents, il suffit donc de s’adapter à chacun d’entre eux. Quand on a compris ça, c’est gagné. Un comédien est toujours meilleur quand il se sent aimé et compris. Plus on lui donne d’attentions, plus il s’ouvre, plus il devient inventif. J’essaie de les "nourrir" en amont du tournage, mais, sur le plateau, je les laisse libres. Et comme j’ai, comme eux, un statut d’acteur, on est un peu à armes égales : ils n’ont pas le sentiment d’être jugés. Ça leur apporte de la décontraction ! Si on remonte aux débuts du cinéma, on s’aperçoit que pratiquement tous les comédiens qui ont réalisé des films, ont été de bons directeurs d’acteurs, de Max Linder, Buster Keaton, Orson Welles, Charles Laughton, John Cassavetes hier, à Woody Allen, Ben Affleck, Mel Gibson, Joddie Foster ou Guillaume Canet, Roschdy Zem, Jalil Lespert, aujourd’hui. Je ne me compare pas à eux, mais, en toute modestie, j’appartiens quand même à cette famille-là.

En poussant le bouchon plus loin, j’aurais aimé appartenir au cercle encore plus restreint des auteurs-réalisateurs-comédiens qui composent, en plus leurs musiques, comme Charlie Chaplin, Clint Eastwood…

Parlons de Nicolas Bedos ... Son nom apparaît deux fois au générique : pour le scénario et les dialogues , et comme acteur ...


J’ai connu Nicolas il y a une quinzaine d’années, avant que la notoriété ne lui tombe dessus, et, assez vite, nous sommes devenus intimes. Mais paradoxalement, je n’ai pas pensé à lui tout de suite. Et puis un jour, c’est devenu une évidence ! On s’est vus. Je lui ai donné le scénario. Quatre heures après, il me rappelait en me disant qu’il adorait ce Léo, qu’il était prêt à me suivre, et en me demandant s’il pouvait me faire quelques propositions sur le scénario. J’ai évidemment dit oui. Quand la vie simplifie les choses comme ça, on prend ! Et il a eu la gentillesse de retoucher tous les rôles, pas seulement le sien, avec sa patte à lui. Un vrai cadeau qui a fait monter la qualité du script de plusieurs crans. Son intervention a débloqué les choses. Il y avait deux ans que j’essayais de monter le film. Six mois après son intervention, on tournait ! L’invitation est donc un peu un mélange de nos deux univers, un film sur l’amitié, qui est la résultante du travail de deux copains…

Qu'aimez-vous chez l'acteur qu'il est ?


Il est toujours juste, a une vraie "gueule" de ciné et aussi, un emploi assez unique dans le cinéma, grâce à son côté prince "gainsbourien", à la fois grand  cœur et très revenu de tout. Il n’essaie jamais de faire le gentil, ni de plaire à tout le monde. Ce n’est pas quelqu’un de consensuel, ce qui lui donne une vraie personnalité, à la manière de certains comédiens américains, comme Peter Falk. Bien sûr, il est comme tout le monde : il veut être aimé, mais n’est pas prêt à tous les compromis pour ça ! Je trouve que toutes ces composantes sont perceptibles dans le film.

On peut croire qu’il se fiche de la gueule de son pote, mais en fait ce n’est pas ça.

C’est juste quelqu’un d’inquiet qui, pour se rassurer, veut mesurer le degré d’amitié de son copain et qui, en plus a envie de l’aider

Comment avez-vous choisi les autres membres de votre distribution ?


La BD met en scène une bande d’amis… j’ai donc demandé à certains de mes amis de jouer les amis du film ! Et, bien que ce soient des rôles secondaires, ils m’ont fait le plaisir d’accepter et d’être chacun, très généreux avec leur personnage. Du coup, je trouve que cela donne une vérité au film. On y croit à cette bande de potes ! Gustave Kervern l’a rejointe, et j’en ai été très heureux. Il a tout de suite compris l’univers du film et il y campe un irrésistible paumé qu’on a envie de prendre dans ses bras. Quant à Camille Chamoux, qui joue ma compagne, et dont j’ai étoffé le personnage par rapport à celui de la BD, elle a été comme je l’imaginais : juste, sincère et drôle.

Presque tous ces comédiens viennent, comme vous, du théâtre.


C’est assez marrant, parce que, dès l’âge de treize ans, j’ai voulu faire ce métier par amour pour le cinéma. Et pourtant, c’est sur les planches, que j’ai commencé. Je m’y suis fait ma première famille. Depuis, j’aime bien m’entourer d’acteurs de théâtre. Ils savent dire les textes les plus compliqués, et il se trouve que mes dialogues sont parfois très écrits ! En plus, je trouve dommage que certains comédiens ne soient pas plus présents au cinéma. Je pense par exemple, à Jean-Pierre Malo, qui a composé, pour le film, un commissaire de police, absolument génial. Je pense à Patrick Préjean, un acteur magnifique et curieux, qui m’a dit oui tout de suite pour être mon père dans le film et qui y est formidable d’humanité. Je pense aussi à Jérôme Kircher, qui est un vrai génie et a une liberté de jeu insensée. Il avait une scène de soulographie avec moi. Contrairement à ce qu’on fait d’habitude dans ces cas là, je lui ai proposé qu’on la tourne en buvant vraiment. Non seulement on s’est amusés comme des fous, mais la scène a une force et une vérité indéniables.

Quels sont les cinéastes qui vous inspirent ?


Ce sont surtout les cinéastes qui étaient (ou sont) des acteurs. Avec, en tête de tous, maître parmi les maîtres, John Cassavetes (je sais que je ne suis pas le seul réalisateur dans ce cas…). Tous ces films m’ont inspiré. À chaque tournage, d’ailleurs, je les revois de Husbands à Minnie et Moskowitz, en passant par Une femme sous influence. Ce sont souvent des films qui tournent autour de deux personnages principaux, avec autour, une bande de personnages secondaires. C’est tellement moderne, tellement libre, tellement bien écrit, tellement juste sur les rapports humains, où on s’aime, mais on ne sait pas s’aimer ! Les films de Maurice Pialat, François Truffaut, Woody Allen et Bertrand Blier, entre autres, ont été aussi pour moi des leçons de vie et de cinéma. Tous des cinéastes qui sont allés, ou vont chercher, une vérité humaine derrière les rôles…

La recherche de la vérité humaine, c'est ce qui inspire vos propres créations ?


Mais oui. J’ai toujours eu envie, besoin, de parler des humains. J’essaie, inlassablement, d’analyser les comportements et les liens, de comprendre pourquoi il est si difficile de s’entendre, de s’aimer, et de trouver sa place au sein d’un couple, ou d’une famille ou de la société. L’invitation parle de ça.

Un mot sur votre éclectisme ...


Je vais là où on m’appelle, mais uniquement où je suis heureux d’aller. En tant que comédien, j’aime beaucoup de choses, les comédies, comme les registres plus graves ou plus sérieux. Je ne me prends par la main que lorsqu’il s’agit de mes propres projets. Je les bâtis pendant mes pauses d’acteur… Comme je déteste les vacances et m’angoisse vite à l’idée de ne rien faire, j’en profite pour écrire.

Justement, quels sont vos projets ?


J’ai de jolis projets comme acteur… Mais je suis déjà en manque de diriger une équipe, lui insuffler de l’énergie. J’adore ça, on est dans une position de super-héros. Tous nos sens sont en éveil. On n’a plus faim, on n’a plus soif, on ne dort plus, et pourtant, on est en pleine forme. Il n’y a qu’en étant amoureux ou en faisant des films que j’ai ressenti ça.

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Mon opinion

L'intimité, qui unit dans la vie le réalisateur/comédien Michaël Cohen et Nicolas Bedos, se reflète parfaitement dans ce film.

Le questionnement permanent et la réserve de l'un, face à l'humour qui se veut grinçant de l'autre, donnent quantité de scènes assez répétitives.  

La présence de Gustave Kervern offre un joli moment.